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Jeudi 28 Mars 2024

L'Association ACP Legal

  • L'Ohadac et ACP Legal

    La notoriété mondiale et le succès du programme OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) ont amené de très nombreux juristes, des entreprises et certains Gouvernements des Etats de la Caraïbe à réfléchir à la mise en place d'un programme d'unification du droit des affaires dans la Caraïbe reprenant la philosophie du précédent de l'OHADA.

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  • L'OHADAC en bref

    Plaquette réalisée par l'Association ACP Legal.

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PRINCIPES OHADAC RELATIFS AUX CONTRATS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Article 7.4.1

Droit aux dommages-intérêts

1. L'inexécution d'une obligation donne au créancier le droit à des dommages-intérêts, soit à titre exclusif, soit en complément d'autres moyens, sous réserve des exonérations prévues dans les présents Principes.

2. N'est réparable que le préjudice, même futur, qui est établi avec un degré raisonnable de certitude.

3. Le créancier a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a subi du fait de l'inexécution. Le préjudice comprend la perte subie par le créancier et le bénéfice dont il a été privé.

4. Les préjudices non matériels produits par l'inexécution du contrat, tels que la souffrance, la perte de jouissance ou l'angoisse sont aussi indemnisables.

1. Indépendance et compatibilité du droit à percevoir des dommages et intérêts

Les dommages et intérêts entrent dans le cadre des remèdes configurant la responsabilité contractuelle. L'inexécution de l'obligation convenue au contrat entraine une atteinte à l'intérêt du créancier et l'indemnisation a pour fonction de compenser le préjudice qui en résulte. Pour ce faire, le droit à être indemnisé nait face à tout type d'inexécution à condition que cela soit justifié.

En droit anglais, il est considéré que l'inexécution de l'obligation convenue contractuellement (primary obligation) fait naitre l'obligation secondaire d'indemniser le préjudice subi (secondary obligation to pay damages). C'est le remède normal, car la common law est restrictive dans la reconnaissance de la demande d'exécution [Photo Production Ltd v Securicor Ltd. (1980), UKHL 2].

De même, dans les systèmes de tradition romano-germanique figure, à titre général, le devoir d'indemniser le préjudice pour inexécution contractuelle (articles 1.613 et s. du code civil colombien : articles 701 et s. du code civil costaricain : article 293 du code civil cubain : articles 1.146 et s. des codes civils français et dominicain : articles 1.433 et s. du code civil guatémaltèque : articles 936 et s. du code civil haïtien : articles 1.360 et s. du code civil hondurien : articles 2.107 et s. du code civil mexicain : articles 1.860 et s. du code civil nicaraguayen : articles 986 et s. du code civil panaméen : articles 1.054 et s. du code civil portoricain : articles 996 et 1.001 et s. du code civil saint-lucien : articles 1.264 et s. du code civil vénézuélien). Toutefois, dans certains systèmes de cette tradition, la question s'est posée quant à l'indépendance de l'indemnisation. Ainsi, c'est le cas de la Colombie où la jurisprudence a accepté l'indépendance des actions en matière civile, comme cela se passe en matière commerciale [article 925 du code de commerce colombien : arrêt de la Cour Suprême de Colombie, chambre de cassation civile, du 3 octobre 1977 (Gaceta Judicial, tome CLV, nº 2396, 1977, p. 320-335) : au contraire, arrêt de la Cour Suprême de Justice, chambre de cassation civile, du 2 juin 1958, (Gaceta Judicial, tome LXXXVIII, n° 219, pp. 130-134) et du 14 août 1951 (Gaceta Judicial 1951, p. 55-63). De même, au Venezuela, le silence du législateur a mené la doctrine à envisager la possibilité d'exercer une action en dommages et intérêts indépendamment de la résolution ou de l'inexécution, ou si elle se trouve subordonnée à ces moyens. La jurisprudence a déclaré l'autonomie de l'action dans une décision importante du 10 novembre 1953 (CFC/SCMT, 10/11/1953, Gaceta Forense, 2a E., No 2, pp. 431 s.), et malgré cela, une grande partie de la doctrine continue de trouver qu'il est difficile de construire une règle générale sur l'indépendance des actions. Les codes civils néerlandais et surinamais configurent un régime basique applicable aux dommages contractuels et extracontractuels, c'est-à-dire à toute obligation d'indemniser en vertu des articles 6:74 et s.

Le paragraphe premier du présent article présente le droit aux dommages et intérêts comme un remède indépendant et compatible avec les autres remèdes. Il est indépendant parce que, dans le cadre des présents Principes, la partie lésée peut décider de l'actionner comme unique remède face à une prestation défectueuse ou non conforme, ou face à l'exécution impossible par le débiteur. Il peut également être exercé concomitamment à d'autres remèdes avec lesquels il sera compatible, par exemple, pour compenser le dommage découlant d'une résolution contractuelle face à une inexécution essentielle ou avec le droit à l'exécution en cas d'exécution tardive, pour compenser les dommages que le retard aura occasionnés au créancier.

2. Caractère non pertinent de la faute

La majorité des systèmes de tradition romano-germanique partent de la faute de la partie défaillante comme condition pour octroyer des dommages et intérêts à la partie lésée. Ce sont donc des systèmes subjectifs ou fondés sur la faute (articles 1.147 et 1.148 des codes civils français et dominicain : articles 937 et 938 du code civil haïtien : article 1.424 du code civil guatémaltèque : articles 1.360 et 1.362 du code civil hondurien : articles 1.860, 1.862, 1.863, 1.864 du code civil nicaraguayen : articles 986, 988, 989, 990 du code civil panaméen : articles 1.054, 1.056, 1.057 et 1.058 du code civil portoricain). D'autres codes, comme le cubain (article 293), le saint-lucien (article 1.002) et le vénézuélien (article 1.264), semblent s'orienter vers la thèse objective, toutefois dans ce dernier code, il est en fait établi une responsabilité fondée sur la faute, qui est présumée de façon absolue par le législateur (articles 1.271 et 1.272 du code civil vénézuélien).

Les systèmes juridiques néerlandais et surinamais, bien qu'un esprit d'objectivité transparaisse, ne parviennent pas à se détacher totalement de la faute. Ainsi, l'article 6:75 des codes civils néerlandais et surinamais prévoient que pour imputer des dommages et intérêts, l'inexécution doit être imputable au débiteur soit parce qu'il est reconnu coupable, soit parce qu'il s'agit d'un risque qui est imputé par la loi, la relation juridique ou par « une opinion généralement admise » (de in het verkeer geldende opvatting). Il apparait qu'il est fait mention de l'imputation pour faute et également pour risque (imputation subjective et objective).

Parmi les systèmes clairement objectifs figurent les droits du contexte anglo-américain, pour lesquels le débiteur engage sa responsabilité pour la simple inexécution, en l'absence de raisons positives susceptibles de l'excuser, et cela sans avoir besoin de vérifier s'il a ou non commis une faute. Dans cette même ligne, l'article 77 CVIM régit les dommages et intérêts sur le modèle objectif, tel que le prévoit l'article 79 qui dispose que les causes exonératoires prévues dans cet article n'ouvrent pas un droit à dommages et intérêts. Entrent également dans ce groupe les PU (article 7.4.1) et les propositions d'harmonisation du droit en Europe : articles 9:501 (1) PECL et III-3:701 (1) DCFR. De même, l'article 159.1 CESL a opté pour le système objectif.

Conformément à cette tendance à l'objectivisation et en écho à l'adoption d'un concept d'inexécution de type objectif (commentaire sous l'article 7.1.1 des présents Principes), la règle proposée ici ne fonde pas l'attribution de dommages et intérêts à la partie lésée sur la faute du débiteur défaillant. Par conséquent, cette attribution est justifiée chaque fois que l'inexécution du débiteur ne proviendra pas d'un cas de force majeure (article 7.1.8) ou qu'elle ne sera pas couverte par une clause d'exonération ou de limitation de responsabilité (article 7.1.7).

3. Non pertinence de la mise en demeure du débiteur

Dans la majorité des systèmes caribéens romano-germaniques, en cas de retard d'exécution la responsabilité n'est engagée que si la partie défaillante est mise en demeure d'exécuter. Dans ces droits, la mise en demeure marque le point de départ du transfert de risques en cas de perte de la chose due et également du devoir d'indemniser les dommages occasionnés par le retard d'exécution (article 1.615 du code civil colombien : article 1.084 du code civil costaricain : article 255 du code civil cubain : article 1.146 des codes civils français et dominicain : article 1.433 du code civil guatémaltèque : article 936 du code civil haïtien : article 1.364 du code civil hondurien : article 2.105 du code civil mexicain : article 1.859 du code civil nicaraguayen : article 985 du code civil panaméen : article 1.053 du code civil portoricain : article 999 du code civil saint-lucien : article 1.269 du code civil vénézuélien). De même, les codes civils néerlandais et surinamais exigent la mise en demeure dans les cas où l'exécution de la prestation est encore possible ou si elle est impossible de façon temporaire (article 6:74.2). Toutefois, certains codes du commerce ne conditionnent pas la responsabilité pour retard d'exécution des obligations commerciales à la mise en demeure (article 418 du code de commerce costaricain : article 63 du code de commerce cubain : article 677 du code de commerce guatémaltèque : article 85 du code de commerce mexicain : article 232 du code de commerce panaméen : article 94 du code de commerce portoricain).

Pour les juristes anglo-américains, la mise en demeure est un concept étranger. En cas d'inexécution, le devoir d'indemniser court à compter de la date d'exécution convenue au contrat. Si aucune date n'a été convenue pour l'exécution, le débiteur devra exécuter dans un délai raisonnable et le droit à l'indemnisation ne naitra qu'à l'expiration de ce délai sans que le créancier ne doive procéder à une quelconque mise en demeure. De même, à partir du moment où la partie défaillante n'exécute pas, elle en assume les risques (section 20 du Sale of Goods Act du Royaume-Uni de 1979 : section 22 du Sale of Goods Act des Bahamas, de Montserrat, de Barbuda, de Trinité-et-Tobago et du Bélize : et section 21 du Sale of Goods Act de la Jamaïque), sans pouvoir invoquer la frustration pour se libérer de son obligation en cas d'impossibilité d'exécution, il sera alors considéré qu'il existe self-induced frustration.

Tout en suivant la voie marquée par les systèmes anglo-saxons, la demande de dommages et intérêts pour retard dans la CVIM, PU, PECL et DCFR n'est pas conditionnée à une mise en demeure, ni à une notification d'inexécution.

La présente règle, conformément au commentaire sous l'article 7.1.1 relatif au concept d'inexécution, ne rattache pas la mise en demeure à la naissance du droit à des dommages et intérêts. Et ce bien que, comme cela a été vu, un grand nombre d'systèmes de la zone caribéenne qui conditionnent l'indemnisation du retard d'exécution au fait que le débiteur ait été préalablement mis en demeure. Toutefois, cette option se heurterait frontalement aux conceptions juridiques anglo-américaines, pour lesquelles la mise en demeure est une mesure « troublante », sans compter qu'elle constitue un système très pratique, rapide et sûr, tel que l'exige les relations commerciales.

4. Le préjudice réparable doit avoir un caractère certain

L'indemnisation remplit une fonction d'indemnisation, aussi il ne suffit pas qu'il y ait simplement inexécution du contrat pour que naisse le devoir d'indemniser, mais il faut que cette inexécution cause au débiteur un préjudice qui doit être certain (paragraphe deux).

Exemple 1 : A, une entreprise du pays X, n'a pas exécuté son obligation de livrer à l'entreprise B, du pays Y, des biens de genre déterminés dont le prix était en baisse. B n'ayant toujours pas payé le prix, s'il parvient à acheter les marchandises à un autre fournisseur à un prix plus bas que celui convenu dans le contrat, il n'aura subi aucun dommage et A n'aura donc pas à lui verser de dommages et intérêts bien qu'il n'ait pas exécuté ses obligations contractuelles.

Exemple 2 : Suite aux conseils négligents de son avocat qui lui a annoncé des perspectives infondées de bénéfices, A décide d'investir ses économies dans une entreprise. Si finalement, par hasard, il en tire des bénéfices économiques, A ne pourra pas demander de dommages et intérêts à son avocat, car bien que celui-ci n'ait pas exécuté son obligation en n'agissant pas avec la diligence requise par sa lex artis, A n'a subi aucun dommage effectif.

Une exception à cette règle d'or figure dans la majorité des systèmes, sous le nom de nominal damages en droit anglo-saxon. Des indemnisations symboliques sont octroyées au demandeur par le seul fait de l'inexécution, même s'il ne lui a pas causé un préjudice effectif [Surrey CC v Bredero Homes Ltd (1993), 1 WLR 1361] ou si malgré le préjudice, il n'est pas possible de prouver son existence [Columbus & Co Ltd v Clowes (1903), 1 KB 244] ou son montant [Erie County Natural Gas and Fuel Co Ltd v Carrol (1911), AC 105]. Toutefois, la finalité habituelle des nominal damages ne consiste qu'à constater la violation du droit du demandeur.

Outre cette particularité de la common law, et bien que beaucoup moins connue, il existe en France une exception au principe de la nature compensatoire du droit aux dommages et intérêts de l'article 1.145 du code civil français. Lorsqu'il s'agit d'une obligation de ne pas faire, le débiteur sera tenu au paiement de dommages et intérêts par le simple fait d'avoir enfreint son obligation. Cette même exception existe dans les articles 1.612 du code civil colombien, 1.145 du code civil dominicain, 1.326 du code civil guatémaltèque, 2.104 in fine du code civil mexicain, 1.001 du code civil saint-lucien, et 1.266 du code civil vénézuélien. De même, tous les systèmes visent une autre exception en matière d'obligations pécuniaires (commentaire sous l'article 7.4.6 Principes OHADAC).

Il est implicitement exigé que le dommage découle de l'inexécution, à savoir, qu'il existe un lien de causalité suffisant entre l'inexécution et le préjudice causé.

La règle posée par le paragraphe trois comprend également la possible indemnisation du préjudice futur, à savoir, celui qui n'est pas encore survenu mais qui peut être prévisible avec un degré de certitude raisonnable. Est exclu le préjudice hypothétique ou celui fondé sur de simples conjectures ou espérances. Le dommage futur prend parfois la forme d'un manque à gagner ou d'une perte de chance. Les articles 74 CVIM, 7.4.3 PU, 9:501 (2) (b) PECL et III-3:701 (2) DCFR se réfèrent au préjudice futur en droit uniforme.

5. Le principe de réparation intégrale

Le principe de réparation intégral du préjudice, selon lequel l'indemnisation a pour finalité de rétablir autant que faire se peut la perte d'équilibre des intérêts due à l'inexécution et de placer la partie lésée dans la situation dans laquelle elle serait si le préjudice n'avait pas eu lieu. Ce principe représente, dans tous les systèmes juridiques OHADAC, l'essence même du droit à réparation et doit être considéré dans l'axe du calcul de l'indemnisation [article 1.613 du code civil colombien : article 1.149 des codes civils français et dominicain : article 1.434 du code civil guatémaltèque : article 939 du code civil haïtien : articles 6:95 et 6:96 des codes civils néerlandais et surinamais : article 1.365 du code civil hondurien : articles 2.108, 2.109 et 2.115 du code civil mexicain : article 1.865 du code civil nicaraguayen : article 991 du code civil panaméen : article 1.059 du code civil portoricain : article 1.004 du code civil saint-lucien : article 1.273 du code civil vénézuélien : section 1-106 UCC : section 347 du Restatement Second of Contracts : arrêt de la High Court de la Barbade dans l'affaire Vaugh v Odle (1982), No. 765, Carilaw BB 1982 HC 44 : article 74 CVIM : articles 7.4.2 et 7.4.3 PU : article 169 CESL).

Les effets du principe de réparation intégrale sont préférés dans la majorité des systèmes pour leur intérêt positif ou comme mesure générale de l'exécution permettant d'indemniser le préjudice contractuel. L'indemnisation vise à placer le créancier dans la même situation et offre les mêmes résultats économiques que si l'exécution avait eu lieu. Par contre, l'« intérêt négatif ou de confiance » place toujours le créancier dans la situation dans laquelle il se trouvait avant la conclusion du contrat.

En droit anglais, la règle de l'indemnisation de l'intérêt positif a été retenu par l'arrêt de l'affaire Robinson v Harman en 1848 (1 Ex Rep 850) de sorte que, parfois, le cocontractant peut réclamer seulement l'intérêt négatif, par exemple parce que la perte de bénéfices sera très difficile à prouver [Anglia TV v Reed (1971), 3 All ER 690 : McRae v Commonwealth Disposals Commision (1951), 84 CLR 377]. Le droit étatsunien, dans la même ligne, permet à la partie lésée de choisir entre l'intérêt positif et l'intérêt négatif (sections 347 et 349 du Restatement Second of Contract), qui est le résultat pratique auquel conduit également le droit anglais.

Les systèmes caribéens de tradition romano-germanique ne font pas dogmatiquement la distinction entre l'intérêt positif et l'intérêt négatif même si les juridictions ont procédé à cette distinction. Elle est expressément énoncée dans les PECL et DCFR (article 9:502 et III-3:702) sous l'intitulé « Mesure des dommages et intérêts en général », et également l'intérêt positif figure à l'article 160 CESL.

Nonobstant, alors qu'il est considéré que c'est la forme la plus appropriée pour répondre au principe de réparation intégrale et promouvoir la confiance dans les contrats, dans les présents Principes il a été opté pour ne pas établir définitivement la possibilité d'indemniser l'intérêt d'exécution. À certaines occasions, il sera difficile de le calculer et de l'octroyer, d'où le choix d'une règle ouverte permettant à la partie lésée (ou au juge ou à l'arbitre) d'établir un calcul des dommages selon les circonstances de l'espèce.

Le principe de réparation intégrale fonctionne également comme limite à la réclamation de dommages et intérêt, afin d'éviter un enrichissement de la victime, et comporte l'interdiction des « dommages et intérêts punitifs » (punitive damages), dont le caractère est sanctionnateur. Dans le droit anglais, bien qu'ils soient admis dans quelques cas de responsabilité civile extracontractuelle, aucune inexécution contractuelle ne peut justifier l'octroi de dommages et intérêts sanctionnateurs, comme cela a été refusé dans l'arrêt Addis v Gramophone Co. Ltd (1909, AC 488). Aux États-Unis, ce refus des dommages et intérêts sanctionnateurs est consacré dans de nombreuses règles et dans la section 1-106 UCC, alors que les tribunaux les octroient en matière de responsabilité extracontractuelle et voire même dans les cas où, suite à l'inexécution du contrat, il est conjointement exercé une action de tort [St Louis and SFR Cov v Lilly (1916), 162 SW 266 : Armada Supply Inc v S/T Agios Nocolas (1986), 639 F. Supp. 1161, 1162 : Thyssen Inc v SS Fortune Star (1985), 777 F.2d 57, 63].

6. Le préjudice réel et le gain manqué

En vertu du paragraphe trois du présent article, le préjudice comprend ce que le droit romain connait sous le nom de « préjudice réel » (damnum emergens) et de gain manqué (lucrum cesans). Le préjudice réel est constitué d'une perte subie qui est effective et connue. Il couvre, en premier lieu le préjudice intrinsèque, à savoir, la valeur de la prestation non réalisée (ou le complément de la prestation réalisée de façon défectueuse). En second lieu, il couvre tout type de frais engagé par le créancier et qui s'est avéré inutile à cause de l'inexécution ou du dommage causé aux biens du créancier, y compris les biens non matériels, au défaut d'exécution de la prestation convenue. Le manque à gagner se réfère aux bénéfices raisonnables qui n'ont pas pu être obtenus, à savoir, les avantages qui n'ont pas pu être acquis à cause de l'inexécution. La possibilité d'indemnisation qu'ouvrent les deux concepts est communément partagée [article 1.613 du code civil colombien : article 1.149 des codes civils français et dominicain : article 1.434 du code civil guatémaltèque : article 939 du code civil haïtien : article 6:96.1 des codes civils néerlandais et surinamais : article 1.365 du code civil hondurien : articles 2.108 et 2.109 du code civil mexicain : article 1.865 du code civil nicaraguayen : article 991 du code civil panaméen : article 1.059 du code civil portoricain : article 1.004 du code civil saint-lucien : article 1.273 du code civil vénézuélien : article 74 CVIM : article 7.4.2 (1) PU : article 9:502 PECL : article III-3:702 DCFR : article 160 CESL]. Dans la common law, il ne fait aucun doute que l'expectation interest englobe les deux éléments, bien que la distinction ne soit pas très utilisée par les tribunaux.

Le gain manqué implique une certaine dose d'incertitude et d'aléas, du fait qu'il concerne normalement le futur. De sorte qu'il n'est pas suffisant d'établir la simple possibilité ou espérance de réalisation d'un gain pour qu'il existe une probabilité objective et raisonnable que ce gain se serait réalisé. Ce caractère « raisonnable » auquel se réfère le paragraphe trois du présent article sera apprécié en prenant en compte le cours normal de choses et au regard des circonstances propres à l'espèce.

Exemple : Le navire « Calixto », propriété de l'entreprise A du pays X, a été transporté au chantier naval de B, du pays Y, afin que des travaux de nettoyage et de peinture de son fond soient effectués. Parce que ces travaux n'ont pas été effectués avec l'expertise professionnelle exigible, le navire a accosté de manière défectueuse et s'est échoué. Le navire a été considérablement endommagé et sa livraison à A est donc retardée de trois mois. A a donc demandé des dommages et intérêts pour le manque à gagner dû à l'immobilisation du navire qui n'a pas pu être utilisé pour des opérations de pêches durant ces trois mois. Dans l'estimation de ce manque à gagner, il faudra prendre en compte la quantité de poissons pêchés en moyenne par ce bateau durant les mêmes mois des années antérieures, le tout avec prudence et en excluant les gains soit non fondés, soit fondés uniquement sur des attentes.

7. Le préjudice moral contractuel

Même si dans les contrats commerciaux, cela ne sera pas très fréquent, le paragraphe quatre du présent article prévoit que la réparation du préjudice découlant de l'inexécution comprendra également, le cas échéant, le préjudice non matériel ou le préjudice moral.

Dans la zone OHADAC, il n'existe pas de position commune quant à la réparation de ce type de préjudice. Le droit anglais part d'une posture négative, énoncée dans la fameuse décision relative dans l'affaire Addis v Gramophone (1909, AC 488), et qui a été réitérée à de multiples occasions, y compris récemment [Johnson v Gore Wood & Co (2002), UKHL 65]. Toutefois, ces derniers temps, les réticences se sont amoindries et les tribunaux anglais et des États caribéens de common law ont accepté de dédommager le préjudice moral contractuel dans deux types de cas : en premier lieu, lorsque le contrat consiste à fournir du plaisir, de la relaxation ou la paix [affaires Jarvis v Swans Tours (1973), QB 233 : Ruxley Electronics and Construction v Forsyth (1996), UKHL 8 : Farley v Skinner (2002), AC 732 : arrêt de la High Court de la Barbade dans l'affaire Brathwaite v Bayley (1992), Carilaw BB 1992 HC 23 : Jamaica Telephone Co Ltd v Rattray (1993), 30 JLR 62]. En second lieu, lorsque l'inexécution du contrat provoque des problèmes physiques ou des désagréments [Watts v Morrow (1991), 4 All ER 937 : arrêt de la High Court de la Barbade dans l'affaire Harvey-Ellis v Jones (1987), Carilaw BB 1987 HC 44].

En droit français, même si le code civil ne le vise pas expressément, la doctrine et la jurisprudence considèrent que le préjudice moral est indemnisable à titre général. De la même façon, l'arrêt du 9 décembre 2010 de la formation plénière de la Cour constitutionnelle colombienne (arrêt C-1008/10) a admis la réparation des préjudices matériels et non matériels en matière contractuelle, par le biais du principe de réparation intégrale. À Cuba, la doctrine penche pour la possibilité de dédommagement sur le fondement de l'article 294 du code civil cubain, qui renvoie à la responsabilité extracontractuelle pour fixer l'indemnité d'inexécution du contrat. Toutefois, dans d'autres systèmes romano-germaniques, face au silence des codes civils, les tribunaux se montrent restrictifs dans leur reconnaissance : cela se passe au Mexique ou au Venezuela, où un arrêt de la Cour suprême de justice, chambre de cassation civile du 12 août 2011, a reconnu la réparation du préjudice moral dans un cadre contractuel tant dans les cas où, concomitamment à la responsabilité contractuelle, intervient la faute extracontractuelle. Aux Pays-Bas, le préjudice moral parait être limité aux cas de responsabilité extracontractuelle, bien que sur le fondement de l'article 6:106 des codes civils néerlandais et surinamais il est retenu aussi au regard de la responsabilité contractuelle. Dans le cadre communautaire européenne, l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 12 mars 2002 (As. C-168/00: Simone Leitner/TUI Deutschland Gmb & Co KG) déclare la possibilité de dédommager le préjudice moral.

De la même manière, les propositions formulées par le droit uniforme reconnaissent que le préjudice réparable ne se limite pas à son aspect pécuniaire, mais inclut également toute forme de souffrance, désagrément, charge psychologique, ou en général, tout « préjudice moral » que l'inexécution a fait subir à la partie lésée [article 7.4.2. (2) PU : article 9:501 (2) PECL : article III-3:701 DCFR].

Au regard de la règle ici proposée, la souffrance, l'angoisse, la perte de jouissance, ainsi que toute atteinte à la réputation personnelle ou professionnelle sera susceptible d'être dédommagée. La réparation peut se faire par le versement d'une indemnisation économique, ce qui est le plus normal, ou par toute autre mesure qui s'avère adaptée au cas d'espèce, comme la publication d'un communiqué de presse ou la publication d'excuse, etc.

Exemple : A, un ténor célèbre du pays X, est engagé pour l'inauguration du nouveau théâtre de l'opéra national du pays Y. Alors qu'il reste peu de temps avant l'ouverture et que la participation de A a été médiatisée au niveau national et international, les organisateurs de l'événement ont décidé d'engager un jeune ténor européen récemment devenu très populaire, résiliant ainsi le contrat conclut avec A. Ce dernier pourra donc demander des dommages et intérêts non seulement pour le préjudice économique que suppose la non obtention de la rémunération convenue pour sa prestation et pour les dépenses encourues en vue de l'exécution, mais aussi pour les dommages causés à sa réputation pour avoir été remplacé par un autre artiste, ce qui a été annoncé au niveau international.

Commentaire

Article 7.4.2

Extension du préjudice indemnisable

Le débiteur est tenu du seul préjudice prévu ou qui aurait pu raisonnablement être prévu par les parties au moment de la conclusion du contrat comme une conséquence probable de l'inexécution.

1. La règle de la prévisibilité du préjudice dans les systèmes nationaux

Une stricte application du principe de la réparation intégrale du préjudice impliquerait pour le débiteur un risque exorbitant, et entraverait les relations juridiques et économiques. D'où l'élaboration de critères pour délimiter la portée du préjudice réparable. Le principal, utilisé dans la majorité des systèmes juridiques de la zone est la règle de la prévisibilité ou « rule of remoteness ».

La règle est consacrée par les articles 1.150 et 1.151 du code civil français qui utilisent les paramètres de prévision et de prévisibilité comme critère déterminant le préjudice réparable dès lors que l'inexécution n'est pas dolosive et qui limite dans ce second cas la réparation au préjudice en tant que « conséquence immédiate et directe de l'inexécution du contrat ». La théorie de la prévisibilité permet de répartir les risques du contrat entre les parties, de sorte que la partie défaillante ne sera tenue responsable que du préjudice que les parties auraient prévue ou aurait dû prévoir au moment de la conclusion du contrat. C'est la raison pour laquelle la règle de la prévisibilité repose sur le propre accord de volonté.

La règle de la prévisibilité a été incorporée dans les systèmes romano-germaniques (article 1.617 du code civil colombien : articles 1.150-1.151 du code civil dominicain : articles 940-941 du code civil haïtien : article 1.366 du code civil hondurien : article 1.866 du code civil nicaraguayen : article 992 du code civil panaméen : article 1.060 du code civil portoricain : articles 1.005-1.006 du code civil saint-lucien : articles 1.274-1.275 du code civil vénézuélien), qui différencient généralement le débiteur de bonne foi du débiteur malveillant. Le premier ne sera tenu responsable que du préjudice prévu ou qui aurait dû être prévu au contrat, le second le sera de tous les préjudices qui découleront immédiatement ou directement de l'inexécution.

D'autres codes de la zone traitent de l'un des critères seulement et rendent le débiteur défaillant responsable des seuls préjudices qui découlent immédiatement et directement du défaut d'exécution, sans distinguer entre la faute ou le dol pour l'extension du préjudice réparable [article 704 du code civil costaricain : article 6:98 des codes civils néerlandais et surinamais : article 1.434 du code civil guatémaltèque : article 2.110 du code civil mexicain].

En droit anglais, la décision rendue dans l'affaire Hadley v Baxendale (1854, EWHC J70) est habituellement considérée comme le point de départ de la règle « remoteness of damages ». Elle contient les critères de « prévisibilité ou d'imprévisibilité du préjudice » liés à la « juste et raisonnable prise en compte des parties » au moment de la conclusion du contrat. L'évolution ultérieure sur la manière d'interpréter la « rule of remoteness » l'a éloignée du lien qu'elle a avec le contrat, mettant l'accent sur la prévisibilité du préjudice par la partie tenue d'indemniser l'autre. Toutefois, la décision Transfield Shipping Inc v Mercator Shipping Inc (The Achilleas) (2008, UKHL 48) implique un revirement de la règle qui fonde la prévisibilité sur ce dont les parties ont convenu au contrat et sur l'interprétation qui en découle. Ces mêmes principes ont été aussi appliqués par les tribunaux caribéens [arrêt de la High Court de la Barbade dans l'affaire Frederick v Lee (2007), No. 662, 2006, Carilaw BB 2007 HC 18]. La règle de la prévisibilité figure également à la section 2-715 UCC.

2. La règle de prévisibilité du préjudice dans les textes internationaux d'harmonisation du droit des contrats

La CVIM puise dans les sources de la common law et reprend la théorie de la prévisibilité dans son article 74 : après avoir proclamé le principe de réparation intégrale dans son premier paragraphe, elle limite sa portée dans le second conformément au critère de prévisibilité en référence seulement à la connaissance du débiteur défaillant, tel que l'a établi la jurisprudence anglaise dans l'affaire Transfield Shipping Inc v Mercator Shipping Inc (The Achilleas), et non pas tel que les parties en ont expressément ou tacitement convenu dans le contrat. L'instrument relatif à la vente (CESL) contient une règle similaire à l'article 161. Les PU visent la règle à l'article 7.4.4. À l'instar de la CVIM, les PU se réfèrent à la prévisibilité du préjudice au moment de la conclusion du contrat et seulement au regard de la partie défaillante. Dans le commentaire, il est précisé que la partie défaillante ne doit pas prendre en charge les préjudices qui ne pouvaient pas être prévus au moment de conclure le constat ni le risque qui, pour cette raison, ne peut pas être prévu et couvert par une assurance.

Un compromis semble être trouvé entre la tendance romano-germanique et la common law aux articles 9:503 PECL et III-3:703 DCFR, qui retiennent la règle de la prévisibilité sous son acception anglaise et, par conséquent, ne visent que le débiteur défaillant, tout en établissant une règle spéciale pour les cas d'inexécution intentionnelle ou délibérée, selon le modèle français.

3. La règle de prévisibilité des Principes OHADAC

Dans le présent article, la règle de la prévisibilité est établie pour une répartition des risques dus à l'inexécution du contrat sur le fondement de l'autonomie des parties. Pour ce faire, il est fait référence au préjudice prévu par les parties ou qui aurait pu raisonnablement être prévu, à savoir, à la responsabilité pour les risques relevant de l'accord de volonté des parties. Il est ainsi exclu la réinterprétation effectuée par les PU, PECL et DCFR qui, comme cela a déjà été vu, dirigent la règle de la prévisibilité seulement à l'égard de la partie défaillante.

Au contraire, dans le présent article il est proposé de se référer aux deux parties et à la nature du préjudice, en permettant aux parties de savoir ce à quoi elles se sont engagées et à quelles conséquences elles s'exposent en cas d'inexécution. C'est à cela également que se rattache la « prévision ou la prévisibilité raisonnable » au moment de la conclusion du contrat.

Au regard de cette règle, la partie défaillante sera tenue responsable du préjudice découlant de son inexécution selon le cours normal des choses, et ayant été prévu au contrat comme risque couvert ou qui aurait dû être raisonnablement prévu au moment de conclure le contrat (par exemple, sur la base des relations commerciales existant préalablement entre les parties ou les informations échangées entre elles).

Exemple : Un incendie s'est déclenché dans un parking dû au défaut de vigilance et de contrôle de A, l'entreprise propriétaire. Une fourgonnette appartenant à la société professionnelle B, un marchant d'art, qui y était garée a été considérablement brûlée. A, n'ayant pas exécuté son devoir de surveillance, est responsable des dommages causés à la fourgonnette. Cependant, il n'est pas responsable de la perte d'une collection de photographies anciennes, d'une grande valeur, qui se trouvait à l'intérieur puisque le contenu de la fourgonnette n'avait pas fait l'objet de déclaration expresse et que l'entreprise propriétaire du parking ne pouvait pas raisonnablement prévoir que des biens d'une telle valeur étaient stockés dans le véhicule.

Le présent article ne reprend pas l'exception qui, comme cela a été vu, figure dans certains systèmes juridiques et règles d'harmonisation au regard de la responsabilité du débiteur dont le comportement défaillant est fautif ou gravement négligent. Les raisons de ce choix normatif sont variables : en premier lieu, la solution contraire oblige les opérateurs à procéder à des investigations délicates sur l'intention du débiteur, une tâche souvent compliquée puisqu'elle relève du contexte subjectif, et va à l'encontre de la logique des relations commerciales. En second lieu, la common law et certains systèmes romano-germaniques méconnaissent cette différence qui n'existe pas non plus dans la CVIM, la CESL ni les PU. La troisième raison est d'ordre pratique et est confortée par la pratique jurisprudentielle de certains systèmes juridiques qui établissent bien, quant à eux, une distinction entre le débiteur malveillant et le débiteur fautif : mais vu que le caractère prévisible est le seul qui est nécessaire, l'extension de responsabilité finit par être la même dans l'un et l'autre cas.

Commentaire

Article 7.4.3

Atténuation du préjudice

1. Le débiteur ne répond pas du préjudice dans la mesure où le créancier aurait pu l'atténuer par des moyens raisonnables.

2. Le créancier peut recouvrer les dépenses raisonnablement occasionnées en vue d'atténuer le préjudice indépendamment de leur efficacité.

Le présent article porte sur le dit « devoir d'atténuation » ou « duty of mitigation » ou « to mitigate », c'est-à-dire sur la règle qui empêche que la partie lésée par l'inexécution ne réclame des dédommagements pour les pertes qui auraient pu être évitées, limitées ou atténuées, simplement s'il avait adopté les mesures raisonnables appropriées aux circonstances de l'espèce.

L'atténuation du préjudice constitue un principe fondamental du droit anglo-américain des contrats, et la décision relative à l'affaire British Westinghouse Electric and Manufactoring Co Ltd v Underground Electric Railways Co of London Ltd (1912, AC 673) peut être considérée comme un leading case en la matière. Le principe s'applique également pour les tribunaux des territoires caribéens de souche anglo-saxonne [p. ex. arrêt de la Court of Appeal de la Jamaïque dans l'affaire National Transport Co-operative Society Ltd v Attorney General (2011), Civ. App. n. 117].

Dans les systèmes caribéens issus de la tradition romano-germanique, les codes civils ne retiennent pas le devoir du créancier de réduire le préjudice causé par l'inexécution. Cependant, la règle peut se fonder sur la bonne foi contractuelle, consacrée comme principe général. La matérialisation positive de ce devoir figure bien dans certains codes de commerce (p. ex. articles 1.074, 1.077, 1.078 et 1.079 du code de commerce colombien). Les codes civils néerlandais et surinamais ne retiennent pas expressément le devoir d'atténuation, mais la doctrine considère qu'elle figure à l'article 6:101, qui régit la négligence de celui qui contribue au préjudice pour limiter la réparation du préjudice contractuel et qui sera traitée dans le commentaire de l'article 7.4.4 des présents Principes.

En réalité, tant le devoir d'atténuation que la négligence de celui qui y contribue sont des limites qui peuvent être rattachées à la causalité : le débiteur ne peut répondre que des dommages qu'il a effectivement provoqués, et non de ceux qui sont dus au comportement de la victime qui les aura causés ou aggravés. Ces limites figurent dans tous les systèmes et peuvent être invoquées par le débiteur défaillant afin de réduire le montant du préjudice réparable.

L'analyse de la règle, objet du présent commentaire, permet de délimiter trois règles. Selon la première, la partie lésée a droit à réparation pour tous les dommages qui auraient pu (ou dû) être évités ou limités en prenant les mesures raisonnables appropriées aux circonstances (paragraphe premier). En réalité, et malgré la dénomination anglaise de « duty to mitigate », il ne s'agit pas d'une véritable obligation, car elle découle du droit à réparation, mais plutôt d'une charge dont la sanction sera la réduction du montant de l'indemnisation. L'établissement de cette règle vise à éviter que la passivité de la partie lésée par l'inexécution n'augmente le préjudice qui aurait pu facilement être atténué.

Les « mesures raisonnables » varieront d'un cas à l'autre, selon les circonstances, et parfois elles consisteront simplement à effectuer une prestation de remplacement conformément à l'article 7.4.6 des présents Principes. Ce qui n'est absolument pas nécessaire, c'est que la partie lésée prenne des mesures présentant un risque économique.

Exemple 1 : A, une entreprise de vente « on line », charge l'entreprise de construction B de réparer la toiture de son entrepôt de stockage dans un délai d'un mois, avant le début de la saison des tempêtes. À la date convenue, le travail n'est toujours pas achevé. Face à la menace que représente la saison des pluies, A, qui est conscient, d'une part, que mettre en suspens son activité entrainerait de lourdes pertes et, de l'autre, que les marchandises stockées sont délicates et seraient irrémédiablement endommagées par la pluie, décide de charger C, une entreprise fabricante de plastiques, de construire une couverture provisoire afin de protéger la toiture de l'entrepôt en attendant que les réparations soient achevées.

Conformément à une seconde règle, le préjudice atténué n'est pas réparable. C'est le cas si le créancier parvient à réduire ou éviter les dommages. Dans ce cas, il ne pourra pas réclamer d'indemnisation pour le dommage atténué.

Exemple 2 : A, une entreprise de pêche du pays X, a conclu un contrat avec B, du pays Y, par lequel il s'engage à lui livrer les poissons pêchés chaque jour. Le matin du jour « d », B ne se présente pas au port afin de récupérer la prise du jour et A décide de la vendre à la halle au poisson, où il en obtient un meilleur prix que ce dont il avait convenu avec B. Par conséquent, A ne pourra pas demander de dommages et intérêts à B.

De même, si les mesures adoptées dépassent la limite du raisonnable et qu'elles entrainent une réduction extraordinaire du préjudice subi, il ne sera pas réparé pour la différence. Comme cela a déjà été vu, la raison est que l'indemnisation ne remplit qu'une fonction purement compensatoire (commentaire sous l'article 7.4.1).

Une troisième règle prévoit que la partie lésée devra être remboursée de tous les frais qu'elle aura engagés pour atténuer le préjudice, à condition que ces frais soient raisonnables et ce, indépendamment de l'aboutissement ou non des mesures prises (paragraphe deux).

Exemple 3 : Reprenant les faits de l'exemple 1, l'entreprise A peut demander à B de rembourser les frais engagés pour la couverture protectrice de plastique de l'entrepôt de stockage.

Au contraire, si le créancier a adopté des mesures extraordinaires et disproportionnées qui ont augmenté le dommage, il ne pourra pas récupérer les frais ni demander à être indemnisé pour les dommages supplémentaires.

Le devoir d'atténuation figure à l'article 77 CVIM, l'article 7.4.8 PU, l'article 9:505 PECL, l'article III-3:705 DCFR et l'article 163 CESL.

Commentaire

Article 7.4.4

Préjudice imputable au créancier

Le débiteur n'est pas responsable du préjudice subi par le créancier dans la mesure où les actes du créancier ont contribué à produire l'inexécution ou ses effets.

Comme cela a été indiqué dans le commentaire de l'article précédent, le comportement de la partie lésée ayant contribué au préjudice constitue une autre limite au dédommagement intimement rattaché au lien de causalité.

S'il est effectivement rattaché au devoir d'atténuation, certains systèmes le régissent de façon conjointe [article 6:101 des codes civils néerlandais et surinamais], il ne s'agit pas de la même limite. Le devoir de réduire le dommage n'intervient pas tant qu'il n'y a pas inexécution. Ce n'est que dans ce cas que le créancier devra prendre les mesures raisonnables pour réduire le préjudice qui en découle. Toutefois, cette règle porte sur l'hypothèse plus large où le créancier contribue à l'inexécution même ou aux dommages. En réalité, l'objectif vise simplement à imputer au responsable la seule partie du préjudice dont il est réellement responsable, ce qui explique pourquoi il s'agit d'un problème de causalité ou d'imputation objective.

Le présent article englobe deux hypothèses de fait différentes : dans la première, l'inexécution est totalement ou partiellement due au comportement du créancier, par exemple pour non-respect de son obligation de collaborer en vue de l'exécution de la prestation du débiteur, ou non-respect de contrats connexes, ou par des actes ou des omissions de personnes rattachées au créancier, etc.

Exemple 1 : L'entreprise pharmaceutique A, du pays X, charge C, du pays Y, de construire un bâtiment pour ses nouveaux laboratoires, selon les plans que B, un célèbre architecte, avait réalisé pour elle. Une fois le bâtiment construit, il est constaté qu'il ne présente pas la résistance sismique requise et il est démontré que cela est dû à un défaut des plans. Par conséquent, C n'est pas responsable de l'inexécution.

La seconde hypothèse se réfère au comportement (action ou omission) qui entraine l'aggravation du dommage produit par l'inexécution.

Exemple 2 : L'entreprise horticole A, du pays X, avait vendu 3 tonnes d'avocats à l'entreprise B, du pays Y, pour la préparation de guacamole en pot. Dans les termes du contrat figurait une clause stipulant que les avocats devaient être livrés à un état de maturité permettant qu'ils soient stockés dans des chambres frigorifiques pendant au moins une semaine. Cependant, les avocats ont commencé à pourrir le deuxième jour après leur livraison. Il est ensuite prouvé que bien que B n'avait pas exécuté ses obligations contractuelles, en livrant des avocats trop mûrs, la température des chambres frigorifiques de A n'était pas adaptée pour conserver des fruits dans leur état optimal. Par conséquent, B ne sera pas responsable de tous les préjudices subis.

La conséquence, en tout cas, sera l'exclusion ou la diminution de la responsabilité, selon le degré d'intervention de la partie lésée dans l'inexécution ou la survenance du dommage.

Dans les systèmes caribéens de tradition romano-germanique, cette limite, bien qu'elle ne soit pas consacrée à titre général par les codes, a connu un développement jurisprudentiel. En effet, tant en matière de responsabilité contractuelle que de responsabilité extracontractuelle, les tribunaux considèrent que la négligence du créancier qui contribue à la survenance de l'inexécution ou de ses effets doit entrainer une diminution du quantum servant à l'indemnisation, qui est proportionnel au degré de participation de la partie lésée ou y compris une exonération de responsabilité si l'inexécution est exclusivement due à la faute de la partie lésée.

Dans la common law, la question de la faute de la partie lésée dans la production du dommage n'était pas, jusqu'à l'adoption du Law Reform (Contributory Negligence) Act en 1945, considéré comme important en matière de réclamation pour des dommages contractuels. Une règlementation similaire existe dans d'autres États de la Commonwealth, ainsi que dans certains États d'Amérique du Nord. La nouvelle loi a imposé de réduire l'indemnisation de la victime dans les cas où elle a contribué à la survenance du dommage, en matière de responsabilité extracontractuelle (tort). Jusqu'alors, le problème de la contributory negligence avait été très peu débattu en droit anglais, vu que le développement solide de la jurisprudence sur le devoir d'atténuation permettait de résoudre la majorité des cas. Toutefois, par la suite la possibilité d'étendre l'application de la règle à la responsabilité contractuelle s'est posée. De toute façon, il a été soutenu que même en cas de responsabilité contractuelle, si le défendeur parvient à démontrer que le préjudice causé est exclusivement dû au comportement négligent du demandeur, le défendeur ne pourra absolument pas être tenu pour responsable [Lambert v Lewis (1982), AC 255].

Les PECL et le DCFR retiennent dans deux dispositions l'hypothèse de la perte imputable à la partie lésée (article 9:504 PECL) ou au créancier (article III-3:704 DCFR), et prévoient dans ce cas que la partie défaillante ne sera pas responsable. De même, l'article 162 CESL dispose que le débiteur ne sera pas responsable des pertes subies par le créancier dans la mesure où ce dernier aura contribué à l'inexécution ou à ses effets. Plus précisément, les PU disposent à l'article 7.4.7 que dès lors que le dommage est dû en partie à un acte ou à une omission de la partie lésée ou à un autre évènement pour lequel cette partie assume le risque, le montant du dédommagement sera réduit à hauteur de la contribution de ces facteurs au dommage tout en prenant en compte le comportement de chacune des parties. Il prévoit, donc, la diminution de l'indemnisation comme cela est le cas dans les systèmes romano-germaniques. Aucune mention n'est faite à la négligence de celui qui contribue au dommage dans la CVIM, toutefois, la question pourrait tomber sous le coup de l'article 80.

Commentaire

Article 7.4.5

Calcul du préjudice

1. Le créancier qui, ayant résolu le contrat, passe un contrat de remplacement dans un délai et d'une manière raisonnables, peut recouvrer la différence entre le prix prévu au contrat initial et le prix du contrat de remplacement.

2. Le créancier qui, ayant résolu le contrat, ne procède pas à un contrat de remplacement peut, s'il existe un prix courant pour la prestation convenue, recouvrer la différence entre le prix prévu au contrat et le prix courant au jour de la résolution. Par prix courant, on entend le prix généralement pratiqué pour une prestation effectuée dans des circonstances comparables au lieu où elle aurait dû être effectuée ou, à défaut du prix courant en ce lieu, le prix courant pratiqué en un autre lieu qu'il parait raisonnable de prendre comme lieu de référence.

3. Les dispositions des paragraphes précédents s'entendent sans préjudice du droit de la partie lésée d'obtenir des dommages et intérêts supplémentaires conformément aux règles de cette section.

Afin de faciliter le calcul du préjudice en matière de responsabilité contractuelle quand il y a eu résolution du contrat, certains systèmes consacrent positivement les règles de calcul concret et de calcul abstrait. Le premier est fondé sur le prix actuel, par exemple, lorsqu'il a été procédé à une prestation de substitution ou de remplacement. Le calcul abstrait se produit lorsque l'indemnisation se calcule sur la base d'un standard, comme le prix du marché du bien que le créancier devait avoir perçu.

Dans le droit harmonisé, des critères précis sont expressément retenus pour évaluer le préjudice suite à la résolution pour inexécution et correspondent exactement à ces systèmes de calcul concret et abstrait. Ainsi, les articles 75 CVIM, 7.4.5 PU, 9:506 PECL, III-3:706 DCFR et 164 CESL prévoient que si le créancier a procédé à une prestation de remplacement dans un délai et d'une manière raisonnables, l'indemnisation devra correspondre à la différence entre le prix fixé au contrat initial et le prix du contrat de remplacement. À cela il convient d'ajouter le dédommagement pour toute autre perte qui serait démontrée. S'il n'a pas été procédé à une prestation de remplacement, les articles 76 CVIM, 7.4.6 (1) PU 9:507 PECL, III-3:707 DCFR et 165 CESL mentionnent un système de calcul abstrait : la différence entre le prix contractuel et le prix du marché.

Les codes civils caribéens ne retiennent pas de tels critères de calcul, mais les tribunaux en tiennent compte, par contre, pour fixer le montant des dommages et intérêts, surtout dans les contrats commerciaux. De plus, une forme de calcul concret est retenue, mais dans le cadre de l'exécution, concernant les obligations de faire, que le créancier peut demander d'exécuter au frais du débiteur en cas d'inexécution (article 1.610 du code civil colombien : article 695 du code civil costaricain : article 290 du code civil cubain : article 1.144 du code civil français et dominicain : article 1.323 du code civil guatémaltèque : article 934 du code civil haïtien : article 1.357 du code civil hondurien : article 2.027 du code civil mexicain : article 1.849 du code civil nicaraguayen : article 983 du code civil panaméen : article 1.051 du code civil portoricain : article 997 du code civil saint-lucien : article 1.266 du code civil vénézuélien).

Dans d'autres systèmes, les règles relatives au calcul concret et abstrait ne sont établies que pour les contrats de vente. Cela figure dans les articles 7:36 et 7:37 des codes civils néerlandais et surinamais : et dans les règles de tradition anglaise, bien qu'elles ne se réfèrent qu'au calcul abstrait [sections 50 (3) et 51 (3) du Sale of Goods Act anglais, et formulées de manière identique : sections 50 (3) à 51(3) du Sale of Goods Act d'Antigua-et-Barbuda, des Bahamas, de Trinité-et-Tobago, du Bélize, de Montserrat, et sections 49 (3) à 50 (3) du Sale of Goods Act de la Jamaïque]. La législation étasunienne prévoit, toutefois, les deux critères de calcul : calcul concret [sections 2-706 (1) et 2-712 (1) UCC], et calcul abstrait (section 2-713 UCC).

Dans les présents Principes, les deux critères d'évaluation du préjudice sont retenus. Le premier paragraphe fait référence au calcul concret, sur la base d'une prestation de remplacement ou d'un contrat de remplacement, exécuté dans un délai et d'une manière raisonnables. L'indemnisation sera calculée en prenant la différence entre le contrat initial et le contrat de remplacement. Si le contrat de remplacement n'est pas raisonnable, car la différence de prix avec le contrat initial présente une différence exorbitante, la présente règle ne sera pas applicable.

Exemple 1 : A, une entreprise exportatrice de cacao dans le pays X, a conclu a contrat de vente avec la société B du pays Y, par lequel A est tenu de livrer 2 tonnes de cacao et B de payer 200. Au moment de la livraison, A n'exécute pas son obligation et B se voit obligé d'acheter le cacao à C, qui le vend à 250. A devra verser des dommages et intérêts d'une valeur de 50, qui est la différence entre le prix convenu et le prix payé lors de l'opération de remplacement.

Le calcul abstrait est prévu au paragraphe deux, et concerne le prix du marché, s'il existe, de la prestation objet du contrat. Dans ce cas, le montant de l'indemnisation sera calculé en tenant compte de la différence entre le contrat initial et celui en cours. Une question délicate se pose quant au moment à retenir pour le calcul, car le prix du marché est fluctuant (surtout celui de certains biens) et le montant de l'indemnisation pourrait dans ce cas varier considérablement selon la date retenue. Les textes internationaux préfèrent se référer au prix du marché à la date de la résolution [articles 76 (1) CVIM : article 7.4.6 (1) PU : article 9:507 PECL : article III-3:707 DCFR : article 165 CESL]. Toutefois, dans le système anglo-américain la règle générale retient le prix du marché des biens à la date de l'inexécution [articles 50 (3) et 51 (3) du Sale of Goods Act anglais, et dans une formulation identique : sections 50 (3) à 51(3) du Sale of Goods Act d'Antigua-et-Barbuda, des Bahamas, de Trinité-et-Tobago, du Bélize, de Montserrat : et sections 49 (3) à 50 (3) du Sale of Goods Act de la Jamaïque], ou dès lors que le créancier a eu connaissance de l'inexécution [section 2-713 (1) UCC]. Ce dernier choix vise à éviter que les parties puissent spéculer sur l'inexécution dans un marché fluctuant. C'est également la règle d'évaluation retenue à l'article 7.3.4 (3) des présents Principes. Toutefois, dans le cas d'indemnisation du préjudice, les Principes OHADAC se rallient à la première solution, dans la mesure où la prise en compte du prix au moment de la résolution s'avère plus ajustée au principe de réparation intégrale du préjudice tant réel que du manque à gagner. Dans le cas où il surgirait une différence importante ou si la résolution est négligente ou spéculative, les règles des articles 7.4.2 et 7.4.3 (1) ne serviront qu'à ajuster le calcul ou, le cas échéant, à choisir le prix de référence à la date de l'inexécution.

Exemple 2 : Reprenant les faits de l'exemple 1, si lorsque A se prépare à effectuer la livraison, B refuse injustement le cacao de A et celui-ci ne parvient pas à vendre sa marchandise, les préjudices subis devront être estimés en prenant en compte le prix du cours du cacao au jour de la résolution du contrat. C'est-à-dire que si le prix convenu au contrat, qui n'a pas été payé, est de 200 et que le prix du marché est de 300, A aura droit à des dommages et intérêts de 100 (300-200).

Il a été préféré l'introduction de ces critères de calcul du préjudice dans la résolution pour inexécution bien qu'ils ne figurent pas dans une grande partie des systèmes caribéens qui fournissent des méthodes de calcul facile, rapide et sûr parce qu'elles sont utiles dans les échanges commerciaux.

Toutefois, le présent article fixe des règles à titre simplement probatoire qui ne dérogent pas aux principes généraux sur la détermination du préjudice. Il s'agit simplement d'alléger la charge de la preuve qui pèse sur le créancier au moment d'évaluer le préjudice intrinsèque (propter rem ipsam non habitam), et non de limiter le quantum de l'indemnisation, puisque la partie lésée peut prétendre à des dédommagements supplémentaires conformément à la présente section (paragraphe trois).

Commentaire

Article 7.4.6

Dommages-intérêts moratoires

1. Sauf stipulation contraire, le retard dans l'exécution d'une obligation pécuniaire, même justifié, donne droit au créancier aux intérêts.

2. Les intérêts courent à compter du jour où l'obligation est exigible.

3. Sauf stipulation contraire, le retard non justifié dans l'exécution d'une obligation pécuniaire donne également droit au créancier d'être indemnisé pour les préjudices supplémentaires subis, qui sont indemnisables conformément aux règles de cette section.

1. L'obligation de paiement des intérêts

Le présent article établit une règle spéciale pour le calcul du dommage dans les cas d'exécution tardive d'une obligation pécuniaire. Dans ces cas, la majorité des systèmes juridiques caribéens se fondent sur le préjudice réel et le manque à gagner dans un forfait : l'intérêt. Par conséquent, dès lors que le débiteur a été mis en demeure (si la condition est nécessaire) ou à partir du moment où il existe un retard d'exécution, la somme convenue comme obligation principale produira des intérêts, et constituera l'indemnisation par dommages et intérêts, directement et sans avoir besoin de produire une quelconque preuve [article 1.617 du code civil colombien : article 706 du code civil costaricain : article 1.153 des codes civils français et dominicain : 1.435 du code civil guatémaltèque : article 943 du code civil haïtien : article 1.367 du code civil hondurien : article 707 du code de commerce hondurien : article 2.117.2 du code civil mexicain : article 1.867 du code civil nicaraguayen : article 993 du code civil panaméen : article 223 du code de commerce panaméen : article 1.061 du code civil portoricain : article 1.008 du code civil saint-lucien : article 1.277 du code civil vénézuélien : section 354 (1) du Restatement Second of Contracts : articles 78 et 84 CVIM : article 7.4.9 (1) PU : article 9:508 (1) PECL : article III-3:708 (1) DCFR : articles 168-171 CESL].

Cuba mérite une mention particulière, car les conventions relatives aux intérêts est illicite dans ce pays, à l'exception des obligations découlant d'opérations effectuées avec des établissements de crédit ou de commerce international (article 294 du code civil cubain). Ainsi, l'article 315 du code de commerce autorise à établir par convention des intérêts sans taxe, ni limite d'aucune sorte pour les prêts à caractère commercial.

En Angleterre, jusqu'à très récemment, aucun intérêt de retard n'était imputé au débiteur sauf si l'obligation relève de valeurs commerciales ou si une convention expresse de paiement des intérêts a été convenue (dans ce cas, il ne s'agit pas d'une indemnisation pour le préjudice d'une somme due en application de ce que les parties ont convenu entre elles). En 1982, la loi a autorisé (Administration of Justice Act) qu'un tribunal puisse octroyer le paiement d'intérêts, y compris si le débiteur a payé avant que le jugement ne soit rendu mais pourvu que ce soit après avoir été mis en demeure judiciairement. Et pour les obligations commerciales, le Late Payment of Commercial Debts (Interest) Act de 1998 impose le paiement d'intérêts moratoires comme « implied term » de ce type de contrats.

Dans la droite ligne de tout ce qui précède, la règle ici proposée confère à la partie lésée par l'inexécution de l'obligation de paiement d'une dette numéraire, le droit d'obtenir les intérêts convenus au contrat. Le droit à recouvrer les intérêts ne constitue pas en réalité un dédommagement au titre de dommages et intérêts. D'où le fait que les règles générales sur ce moyen de défense établi dans la présente section ne sont pas applicables. Les intérêts sont le produit ou le fruit de l'argent (fruit civil), ce qui explique que la partie défaillante soit tenue de les payer même si l'inexécution est justifiée conformément à l'article 7.1.8 des Principes OHADAC, car la solution contraire consisterait en un enrichissement du débiteur qui percevrait des intérêts sur cette somme qu'il aurait dû déjà verser à l'autre partie.

Exemple : A, du pays X, a acheté 100 tonnes de café à B, du pays Y. À l'échéance de son obligation de paiement, A ne peut pas payer l'intégralité de la somme qu'il doit à B du fait d'une nouvelle réglementation nationale, qui contrôle les sorties de capitaux à l'étranger. Dans ce cas, bien que l'inexécution soit justifiée par la force majeure, A devra verser à B les dommages et intérêts correspondants.

Compte tenu de la nature des intérêts sur une somme d'argent, le droit de la partie lésée à les recouvrer n'est soumis à l'établissement d'aucune preuve quant à l'existence d'un préjudice certain, comme cela a déjà été mentionné dans le commentaire sous l'article 7.4.1 des présents Principes.

Cette obligation contractuelle de paiement des intérêts en cas d'inexécution est applicable, sauf si les parties en ont convenu autrement, par exemple par l'introduction d'une clause contractuelle de règlement du préjudice conformément à l'article 7.4.7 des présents Principes.

2. Taux d'intérêt

La majorité des systèmes caribéens ont pour habitude de laisser l'autonomie de la volonté déterminer le taux d'intérêt et à défaut de convention sur ce point, la règle supplétive établie prévoit que ce sera le taux d'intérêt légal qui s'appliquera [article 1.617 du code civil colombien : article 1.435 du code civil guatémaltèque : articles 6:119 et 6:120 des codes civils néerlandais et surinamais : article 1.367 du code civil hondurien (intérêt légal de 6 %) : article 2.117.2 du code civil mexicain : article 1.867 du code civil nicaraguayen (intérêt légal de 9 %) : article 993 du code civil panaméen (intérêt légal de 6 %) : article 1.061 du code civil portoricain (intérêt légal de 6 %)]. Concernant le Late Payment of Commercial Debts (Interest) Act de 1998, il permet également, mais avec des limites, l'accord sur un intérêt contractuel (article 8). Toutefois, le code de commerce de Cuba, dans la réglementation du prêt commercial, permet aux parties de convenir d'un intérêt contractuel mais, à défaut d'accord écrit, le prêt sera gratuit (articles 314 et 315 du code de commerce cubain). Toute prestation convenue au profit du créancier entre sous la dénomination d'intérêt (article 315.2 du code de commerce cubain).

D'autres systèmes en vigueur dans la zone renvoient directement à l'intérêt légal (article 1.153 des codes civils français et dominicain : article 943 du code civil haïtien : article 1.277 du code civil vénézuélien).

Les articles 9:508 (1) PECL et III-3:708 (1) DCFR disposent que le taux d'intérêt sera calculé conformément au taux moyen appliqué par les banques commerciales pour les prêts à court terme aux clients professionnels, pour la monnaie du lieu où le paiement doit être effectué. Ce taux est également le point de départ de l'article 7.4.9 (2) PU, qui ajoute ensuite qu'en l'absence d'un tel taux en ce lieu, taux retenu sera celui du taux de l'État de la monnaie de paiement et en l'absence d'un tel taux à l'un ou l'autre lieu, le taux d'intérêt sera le taux approprié fixé par la loi de l'État de la monnaie de paiement. Toutefois, la CVIM ne fixe aucun taux d'intérêt vu qu'il s'est avéré impossible de parvenir à un accord sur un taux standard. Le taux d'escompte n'est pas adapté pour mesurer correctement les coûts du crédit, et un consensus ne s'est pas non plus dégagé pour préférer les coûts du crédit du pays du vendeur ou de celui de l'acheteur.

Des problèmes similaires se sont posés pour fixer un taux d'intérêt supplétif au taux contractuellement convenu dans le présent article. Il est nécessaire d'éviter de favoriser une monnaie forte au détriment des autres, et les intérêts légaux qui s'appliquent dans les différents États de la zone sont très variés. De ce fait, il a été considéré que s'agissant de contrats commerciaux, la solution la plus adéquate sera de laisser aux parties la liberté de régler la question et, à défaut, il appartiendra aux arbitres ou aux tribunaux d'établir un indice de référence ad hoc ou conforme à la loi qui régira le contrat ou la loi du for. Il est donc recommandé d'insérer au contrat une clause qui détermine le taux d'intérêt qui régit les obligations pécuniaires découlant du contrat, comme celles proposées à la fin du commentaire du présent article.

3. Dies a quo de l'échéance de l'intérêt

Les intérêts commenceront à courir à partir du jour où la dette arrive à échéance sans être payée et sans que la partie lésée n'ait à adresser de mise en demeure ou de notification (paragraphe deux). C'est le cas si, conformément aux dispositions de l'article 6.1.2 (a) des présents Principes, une date déterminée ou déterminable a été fixée pour le paiement et si le débiteur ne paie pas, les intérêts commenceront à courir à compter de cette date. Et si, comme le prévoit l'article 6.1.2 (b), un délai de paiement a été fixé, les intérêts ne courront qu'à la fin de la période du délai convenu.

C'est le système de prédilection des règles de droit harmonisé qui ne requièrent pas de mise en demeure pour que le retard de paiement constitue une inexécution [article 7.4.9 (1) PU : article 9:508 (1) PECL : article III-3:708 (1) DCFR], et est le modèle retenu par les présents Principes (article 7.1.1). Par conséquent, si la partie lésée a accordé un délai supplémentaire pour le paiement, conformément à l'article 7.1.6, les intérêts devront courir à compter de la date initiale à laquelle l'obligation aurait dû être exécutée et non à compter de la notification ou à la fin de la période supplémentaire.

Exemple : A, du pays X, a acheté 100 tonnes de café à B, du pays Y et a fixé comme date de livraison et de paiement le 1er juin. Arrivé à l'échéance, B livre la marchandise mais A n'exécute pas son obligation de paiement, invoquant qu'elle est pendante au recouvrement de certaines factures. B décide de lui accorder un délai supplémentaire de 30 jours pour exécuter son obligation. Finalement, A paie le 30 juin. B peut demander des intérêts à compter du 1er juin, date d'échéance de la dette.

4. Les préjudices supplémentaires

Les intérêts ont pour finalité d'éviter que le retard de paiement ne soit économiquement profitable à la partie défaillante, mais ne constitue pas à proprement parler des dommages et intérêts, donc aucune preuve du préjudice n'est à produire. Pour ce faire, la partie lésée pourra réclamer le dédommagement pour les préjudices supplémentaires que l'inexécution à la date lui auront causé, à condition qu'ils soient indemnisables conformément aux présents Principes, c'est-à-dire à condition que l'inexécution ne soit pas justifiée et que les préjudices invoqués répondent aux conditions de certitude et de prévisibilité.

Exemple 1 : En reprenant l'exemple du paragraphe 1, entre le moment de l'échéance et celui du paiement effectif, la valeur de la devise baisse en conséquence de l'inflation. Cette baisse n'est pas compensée par les intérêts dus conformément au paragraphe premier du présent article, mais B ne pourra pas réclamer de dommages et intérêts supplémentaires pour cette raison puisque l'inexécution de A était justifiée.

Exemple 2 : A, du pays X, conclut un contrat de vente immobilier avec B, du pays Y. Ils ont convenu contractuellement que la date de paiement serait le 3 avril. L'importance de cette date est mentionnée au contrat, puisque A avait besoin de cet argent pour rembourser un prêt qui arrivait à échéance ce jour-même, ce qui était la véritable raison de la vente. L'acheteur B ne paie pas le jour convenu, et par conséquent, A ne peut rembourser son prêt à l'échéance et doit payer un haut taux d'intérêts pour son retard. Le vendeur pourra non seulement demander à B de payer les intérêts produits par le prix à compter du 3 avril jusqu'au moment du paiement effectif, mais aussi les intérêts du prêt comme dommages et intérêts supplémentaires.

Cette solution est retenue également par les textes internationaux [article 7.4.9 (3) PU : article 9:508 (2) PECL : article III-3:708 (2) DCFR]. Et également elle figure dans certains codes de commerce de la zone OHADAC (p. ex. article 679 du code de commerce guatémaltèque : article 708 du code de commerce hondurien). Toutefois, il n'est pas possible de réclamer des dédommagements supplémentaires dans certains systèmes juridiques de la zone, comme dans le droit néerlandais et surinamais (article 6:119, sans préjudice de l'exception prévue au paragraphe premier) ou au Costa Rica (article 706 du code civil).

CLAUSES SPÉCIFIQUES RELATIVES AU TAUX D'INTÉRÊTS

Tel que cela a été indiqué au paragraphe deux du commentaire du présent article, la difficulté de fixer un intérêt unique qui fonctionne à titre supplétif à l'intérêt contractuel oblige les parties qui auront soumis leur contrat aux règles des Principes OHADAC d'insérer au contrat une clause déterminant le taux d'intérêt applicable.

Les clauses proposées ci-après diffèrent selon si une date a été fixée pour le paiement (clause A), ou au contraire, si les parties avaient convenu d'une période au cours de laquelle le débiteur devra honorer sont obligation pécuniaire (clause B).

Les deux correspondent à l'esprit des présents Principes et, par conséquent, n'imposent pas pour que le retard soit considéré comme une inexécution qu'il soit procédé à une mise en demeure, ni à une notification (article 7.1.1).

Le premier paragraphe fixe le taux d'intérêt et la date d'échéance. Et le second paragraphe prévoit la possibilité de dédommager les préjudices supplémentaires et à titre facultatif ces préjudices seront réparables même si rien ne le mentionne dans la disposition de l'article 7.4.6 (3) des présents Principes.

Option A : Date prévue pour l'exécution

« L'inexécution de l'obligation (paiement du prix, restitution du prêt, etc.) à la date convenue dans la clause (...) du présent contrat donnera droit à la partie lésée de recouvrer un intérêt de (...) % à compter de la date d'échéance et jusqu'au moment où le paiement sera devenu effectif, peu importe que le défaut de paiement soit ou non justifié.

La partie lésée pourra également réclamer un dédommagement pour tout préjudice supplémentaire, à condition qu'il soit certain, prévisible et que l'inexécution ne soit pas justifiée. »

Option B : Délai d'exécution

« L'inexécution de l'obligation (paiement du prix, restitution du prêt, etc.) à la fin de la période de temps accordée pour exécuter l'obligation convenue dans la clause (...) du présent contrat donnera droit à la partie lésée de recouvrer un intérêt de (...) % à compter de la fin du délai fixé et jusqu'au moment où le paiement sera devenu effectif, peu importe que le défaut de paiement soit ou non justifié.

La partie lésée pourra également réclamer un dédommagement pour tout préjudice supplémentaire, à condition qu'il soit certain, prévisible et que l'inexécution ne soit pas justifiée. »

Commentaire

Article 7.4.7

Clauses de liquidation des dommages-intérêts

1. Lorsque les parties sont convenues d'une somme due en cas d'inexécution d'une obligation, cette somme sera due, indépendamment de l'existence ou de l'étendue du dommage.

2. Toutefois, si elle apparait, au vu du préjudice effectif ou en raison des circonstances, excessive ou disproportionnée, elle sera réduite même si les parties en ont convenu autrement.

1. Caractéristique des clauses pénales

Tel que le paragraphe premier du présent article le prévoit, les parties au contrat peuvent fixer le montant de l'indemnité pour les préjudices contractuels, en convenant que la partie défaillante devra payer à la partie lésée une somme déterminée et ce, indépendamment du préjudice qu'il lui aura été causé. Il s'agit des dites « sanctions compensatoires » ou « clauses pénales » ayant pour fonction de liquider de manière anticipée les dommages et intérêts dans les systèmes romano-germaniques et, en droit anglo-saxon, « liquidated damages clauses ».

En effet, les systèmes caribéens romano-germaniques admettent, comme règle générale, les clauses pénales avec des fonctions très variées, et pouvant être convenues dans les contrats commerciaux au titre du principe de l'autonomie de la volonté (articles 1.592-1.601 du code civil colombien : article 867 du code de commerce colombien : articles 708-714 du code civil costaricain : articles 268-269 du code civil cubain : articles 1.152 et 1.226-1.233 des codes civils français et dominicain : articles 1.436-1.442 du code civil guatémaltèque : articles 942 et 1.013-1.020 du code civil haïtien : articles 6:91-6:94 des codes civils néerlandais et surinamais : articles 1.417-1.420 du code civil hondurien : articles 1.840-1.850 du code civil mexicain : article 88 du code de commerce mexicain : articles 1.985-2.003 du code civil nicaraguayen : articles 1.039-1.042 du code civil panaméen : articles 1.106-1.109 du code civil portoricain : articles 1.062-1.068 du code civil saint-lucien : articles 1.276-1.263 du code civil vénézuélien).

Le critère retenu par ces systèmes est que les sommes mentionnées au contrat remplacent l'indemnisation qui pourrait être perçue par la partie lésée par l'inexécution (sanction compensatoire). Pour que la clause joue son rôle sanctionnateur (sanction cumulative), les parties doivent lui donner expressément cette fonction dans leur accord (article 712 du code civil costaricain : article 268 du code civil cubain : article 1.418 du code civil hondurien : articles 1.991 et 1.999 du code civil nicaraguayen : article 1.040 du code civil panaméen : article 1.107 du code civil portoricain). Cet accord est également nécessaire pour que la clause soit considérée comme facultative ou libératoire de l'obligation (article 1.418 du code civil hondurien : article 1.990 du code civil nicaraguayen : article 1.107 du code civil portoricain).

Nonobstant, si la clause de liquidation de dommages-intérêts est prévue en cas de retard ou d'inexécution partielle ou défectueuse et si le débiteur n'a pas exécuté totalement et définitivement son obligation, le créancier lésé peut demander l'exécution de l'obligation principale ou l'indemnisation des dommages en plus de la clause pénale (article 1.594 du code civil colombien : articles 1.229 des codes civils français et dominicain : article 1.437 du code civil guatémaltèque : article 1.016 du code civil haïtien : article 1.419 du code civil hondurien : article 1.846 du code civil mexicain : article 1.991 du code civil nicaraguayen : article 1.108 du code civil portoricain : article 1.064 du code civil saint-lucien : article 1.258 du code civil vénézuélien).

En droit anglo-américain, les clauses prévoyant le paiement d'une somme en cas d'inexécution peuvent être de deux types : les clauses pénales (penalty clauses) et les clauses de liquidation de dommages-intérêts (liquidated damages clauses). Les premières, en tant que véritables sanctions (correspondant à ce que le droit continental dénomme « sanction cumulative ») sont nulles et le créancier ne pourra les réclamer que pour les pertes réelles qu'il aura subies. Les secondes (correspondant aux clauses pénales dont la fonction est de régler les dommages et intérêts) sont valables. Selon la jurisprudence [Dunlop Pneumatic Tyre Co Ltd v New Garage and Motor Co Ltd (1915), UKHL 1], l'essence même de la clause pénale est qu'elle est stipulée in terrorem, afin d'obliger le créancier à exécuter son obligation principale. Les clauses de règlement des dommages, au contraire, sont une estimation préalable des pertes que le créancier subirait en cas d'inexécution imputable. La différence entre une la cause pénale et une clause de liquidation de dommages-intérêts est une question d'interprétation qui doit être tranchée au regard des termes et des circonstances propres à l'espèce (montant, dommage causé par l'inexécution...) et de l'intention de parties [arrêt de la High Court de Trinité-et-Tobago dans l'affaire Quality Really Services Ltd v Peterson (1982), Carilaw TT 1982 HC 84 : arrêt de la Court of Appeal de la Barbade dans l'affaire Furniture Ltd v Clark, (2004), Civ. app. nº 21, 1997 (Carilaw BB 2004 CA 1) : section 356 du Restatement Second of Contracts].

Les textes européens d'harmonisation du droit adoptent l'approche continentale permettant les clauses pénales dans les articles 9:509 PECL et III-3:712 DCFR, y compris lorsqu'elles portent sur un montant élevé et qu'elles présentent donc un objectif coercitif ou de garantie d'exécution. Nonobstant, le deuxième paragraphe de ces articles soumet la clause à une réduction si son montant est excessif par rapport à la perte effective qu'a entrainée l'inexécution ou les autres circonstances. Les PU contiennent, à l'article 7.4.13, une règle quasiment identique.

Cette diversité de critères par rapport aux systèmes nationaux de l'OHADAC qui traitent des clauses pénales conduit les présents Principes à limiter la possibilité d'accord sur les clauses de liquidation de dommages-intérêts (liquidated damages), vu que la solution permettant de véritables sanctions (sanction cumulative ou penalty clauses) produirait un choc important avec la tradition de la common law.

Le présent article ne régit pas non plus les clauses qui permettent le débiteur de se libérer de son obligation en payant une somme convenue car, en réalité, la réglementation de ces clauses (sanction facultative) appartient au domaine des obligations facultatives.

Par conséquent, à l'issu du premier paragraphe du présent article, les clauses contractuelles par lesquelles les parties conviennent d'une somme d'argent à payer par la partie défaillante, en cas de défaut d'exécution et qui représente une estimation anticipée des dommages et intérêts, sont valables. Ces clauses présentent l'avantage de dispenser la partie lésée d'avoir à prouver le caractère certain et le montant de son préjudice. La partie lésée ne pourra pas demander un montant supérieur, et la partie défaillante ne pourra pas invoquer l'absence de préjudice.

Exemple : A et B concluent un contrat par lequel A est tenu de construire un bâtiment pour B, qu'il doit livrer le 31 janvier. Le contrat contient une clause prévoyant que l'entreprise de construction devra 100 à l'autre partie pour chaque jour de retard dans la livraison. Si A exécute son obligation en retard le 10 février, il sera tenu de payer 1 000, quels que soient les dommages subis par B.

Faisant écho aux dispositions des systèmes nationaux, la partie lésée aura, en principe, seulement le droit de réclamer le paiement de la somme prévue au contrat dans les cas où elle aura droit à une indemnisation du préjudice, à savoir, quand l'inexécution ne sera pas justifiée conformément à article 7.1.8 des présents Principes. Toutefois, il n'y a pas d'inconvénient à ce que les parties en conviennent autrement sur la base de l'autonomie de la volonté.

2. Réduction du dédommagement disproportionné ou excessif convenu

Dans certains systèmes caribéens romano-germaniques, la « sanction » peut être modérée en justice si elle est prévue au contrat en cas d'inexécution totale et si l'obligation n'a été que partiellement exécutée ou de façon défectueuse (article 1.596 du code civil colombien : article 713 du code civil costaricain : article 269 du code civil cubain : article 1.231 des codes civils français et dominicain : article 1.438 du code civil guatémaltèque : article 1.018 du code civil haïtien : article 1.419 du code civil hondurien : article 1.844 du code civil mexicain : article 1.992 du code civil nicaraguayen : article 1.041 du code civil panaméen : article 1.108 du code civil portoricain : article 1.260 du code civil vénézuélien).

Cette possibilité de modérer est plus large dans d'autres codes, qui non seulement prévoient la réduction dans le cas où la pénalité a été prévue en cas d'inexécution totale, mais également de façon générale afin d'éviter les pénalités excessives (articles 942 du code civil haïtien : 6:94.1 du code civil néerlandais et surinamais : articles 1.007 et 1.066 du code civil saint-lucien). Dans nombre de codes figurent des règles de réduction ou d'adaptation des clauses pénales disproportionnées (p. ex. article 1.596 du code civil colombien : article 867 du code de commerce colombien : article 712 du code civil costaricain : articles 1.843-1.845 du code civil mexicain : article 2.002 du code civil nicaraguayen).

En plus de permettre au juge de la réduire, certains textes permettent que la peine soit augmentée si elle s'avère dérisoire (article 1.152 des codes civils français et dominicain : article 942 du code civil haïtien) ou si la raison ou l'équité le requiert (article 6:94.2 des codes civils néerlandais et surinamais). Cette disposition permet au juge de contrôler les clauses de liquidation de dommages-intérêts, dès lors qu'elles ne contiennent pas une évaluation préalable mais directement une limitation de responsabilité en cas d'inexécution, et en cas d'inexécution par dol ou faute grave. Dans ces hypothèses, les droits français et néerlandais ne permettent pas de limiter la responsabilité et les juges peuvent augmenter la peine convenue afin de la faire coïncider avec les préjudices effectivement subis par le créancier. Dans les autres systèmes, le contrôle de ce type de clauses pénales entraine davantage de difficultés car il faut recourir aux règles applicables aux clauses de limite de responsabilité (article 7.1.7).

Dans les systèmes common law, en revanche, les clauses de pénalité ne peuvent pas être modifiées, car elles sont considérées comme étant le résultat de l'accord entre les partie et même si la somme convenue s'avère finalement très faible [Cellulose Acetate Silk Co Ltd v Widness Foundry Ltd (1925), AC 20], le juge ne pourra pas l'augmenter. Toutefois, ces clauses pourront être écartées si elles portent sur une condition générale, dans le cas où la limitation de la responsabilité s'avère déraisonnable (Unfair Contract Terms Act de 1977 et Unfair Terms in Consumer Contracts Regulations de 1999).

En droit uniforme, les PU, PECL et le DCFR donnent seulement la possibilité aux tribunaux de réduire la somme stipulée au contrat s'il est manifeste qu'elle dépasse substantiellement la perte réelle subie.

Le paragraphe second du présent article sanctionne le pouvoir de modération aux indemnisations convenues, afin de permettre le contrôle des clauses déraisonnables et manifestement abusives. Il s'agit d'une règle impérative qui ne pourra pas être exclue conventionnellement par les parties. Par conséquent, si la somme convenue entre les parties s'avère manifestement excessive et disproportionnée, par rapport au préjudice réel subi par la partie lésée, et au regard des circonstances de l'espèce, le juge ou l'arbitre pourra réduire proportionnellement l'indemnisation convenue jusqu'à ce qu'elle devienne raisonnable. Toutefois, l'indemnisation ne doit pas s'ajuster aux pertes réelles car il faut considérer que les parties, usant de leur liberté contractuelle, ont souhaité prendre une mesure dissuasive de l'inexécution.

Précisément concernant l'autonomie de la volonté des parties, qui dans les contrats commerciaux est placée sur un plan d'égalité, le présent article n'octroie pas au juge ou à l'arbitre le droit d'augmenter la somme d'argent convenue. Nonobstant, si la clause implique une limite ou une exonération de responsabilité, selon les circonstances de l'espèce, il faudra s'en tenir aux dispositions de l'article 7.1.7 des présents Principes.

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Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international.pdf