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Jeudi 28 Mars 2024

L'Association ACP Legal

  • L'Ohadac et ACP Legal

    La notoriété mondiale et le succès du programme OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) ont amené de très nombreux juristes, des entreprises et certains Gouvernements des Etats de la Caraïbe à réfléchir à la mise en place d'un programme d'unification du droit des affaires dans la Caraïbe reprenant la philosophie du précédent de l'OHADA.

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  • L'OHADAC en bref

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PRINCIPES OHADAC RELATIFS AUX CONTRATS DU COMMERCE INTERNATIONAL

ABRÉVIATIONS

CG : Convention de Genève du 17 février 1983 sur la représentation en matière de vente internationales de marchandises

CESL : Droit commun européen de la vente contenu dans la Proposition de règlement du Parlement Européen et du Conseil relatif à un droit commun européen de la vente du 11 octobre 2011

CVIM/CISG : Convention des Nations Unies sur les contrats de vente internationale de marchandises, conclue à Vienne le 11 avril 1980

DCFR : Draft Common Frame of Reference (Projet du Cadre Commun de Référence)

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

OHADAC : Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires dans la Caraïbe

MARC : Modes Alternatifs de Résolution des Conflits

PECL : Principes du Droit Européen des Contrats (Principes de la Commission Lando)

PU : Principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international

UCC : Uniform Commercial Code (USA)

UNIDROIT : Institut International pour l'Unification du Droit Privé

INTRODUCTION

1. Origine des Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international

L'OHADAC (Organisation pour l'Harmonisation du Droit des Affaires dans la Caraïbe) est une institution créée essentiellement en vue du rapprochement, de l'harmonisation ou de l'unification du droit des affaires dans le cadre géographique des pays caribéens. L'harmonisation est considérée comme le moyen essentiel pour permettre de faciliter et d'intensifier les échanges commerciaux dans cet espace régional ainsi que, à long terme, pour rassembler les efforts afin de renforcer son rôle dans le marché mondial, tout en resserrant les liens économiques et politiques entre les pays de la région.

La Caraïbe est une région stratégique caractérisée par une diversité politique marquée, dont l'espace géographique est d'un grand intérêt pour le commerce international, étant donnée sa proximité avec de grandes économies développées (États-Unis) ou émergentes (Mexique, Brésil, Colombie, etc.). Néanmoins, malgré leur proximité, qui se produit parfois entre certains micro-États qui partagent la même île (Saint Martin/Sint Marteen), les États caribéens ne sont pas parvenus à établir une communication étroite d'un point de vue juridique ou économique, ce qui nuit à leurs rapports commerciaux et ferme la porte à des alliances stratégiques capables de renforcer leur position commune dans la région.

Le projet OHADAC est né à la suite d'une conférence qui s'est tenue à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) le 15 mai 2007, organisée par le CARICOM, les Chambres de Commerce et d'Industrie de la Caraïbe, le Conseil Régional de Guadeloupe et la Chambre de Commerce et d'Industrie de Pointe-à-Pitre. La Guadeloupe a été à la tête d'une initiative des départements français d'outremer, avec le soutien des fonds de coopération régionale et des fonds européens « INTERREG », et a joué de ce fait un rôle central dans la mise en application de ce projet. Cela a permis, par la même occasion, de définir le système de participation d'autres pays à travers la constitution de sections régionaux et nationaux des associations « ACP Légal », une organisation non gouvernementale qui dispose aujourd'hui des représentations dans divers pays de la région.

En juin 2008, une deuxième conférence OHADAC a eu lieu à Port-au-Prince afin de définir les priorités en matière d'harmonisation, et en juin 2010, l'OHADAC a été le sujet principal du Congrès Latino-Américain et Caribéen d'Arbitrage Commercial International, qui s'est tenu à La Havane et qui s'est conclu par la « Déclaration de La Havane »1, une sorte de formalisation de la volonté de promouvoir et de faire progresser l'idée de l'harmonisation du droit des affaires dans la Caraïbe. De même, en octobre 2010 un séminaire de formation en matière d'arbitrage commercial et d'investissement a eu lieu à Panama, déjà dans l'objectif de rédiger un Règlement OHADAC d'Arbitrage.

Dans le cadre des priorités établies par l'OHADAC, en 2013 quatre propositions d'actes normatifs ont finalement été retenus en matière de contrats, de sociétés, d'arbitrage et droit international privé, poursuivant des finalités différentes dans chaque cas. Les Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international ont pour objectif de répondre aux besoins d'harmonisation soulevés par la première proposition d'acte normatif. Les travaux sur le projet ont commencé en novembre 2013 et ont pris fin en décembre 2014.

2. Le cadre territorial des présents Principes en tant que condition : le territoire « OHADAC »

Le Projet OHADAC, bien qu'inspiré de l'expérience OHADA, a été conscient dès le départ des aspects différenciant les deux organisations et qui empêchaient une simple importation de la stratégie suivie dans l'Afrique essentiellement francophone. Le Projet OHADAC a été confronté dès le début la diversité et hétérogénéité des pays de la Caraïbe, contrairement à l'OHADA, dont les pays partagent une tradition essentiellement commune.

Un aspect notable du contexte territorial des Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international est le nombre important d'organisations internationales autour de la Caraïbe. Certains pays appartiennent à la Communauté des Caraïbes (CARICOM) ou le CARIFORUM, à l'Association des États de la Caraïbe (AEC), à l'Organisation des États de la Caraïbe Orientale (OECO), ou au Groupe de Rio et à la Communauté des États Latino-américains et Caraïbes (CELAC). Ces organisations ont pour objectif, même partiel, l'intégration économique. Plusieurs pays font partie d'organisations régionales qui dépassent les frontières de la Caraïbe, mais qui partagent les mêmes objectifs du point de vue de l'harmonisation juridique ou de l'intégration économique : l'ALADI, l'ALBA, l'OEA (CIDIP), le Commonwealth... Cette pluralité d'organisations internationales est similaire à celle qui caractérisait l'OHADA en Afrique. Cela n'a pas été un obstacle au succès d'une harmonisation internationale fondée sur les travaux d'une organisation spécifique telle que l'OHADA. L'OHADAC, bien qu'elle vise des résultats plus modestes que ceux de l'OHADA en Afrique, du moins dans un premier temps, cherche à contribuer au même objectif dans la zone de la Caraïbe et les Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international constituent un pilier fondamental dans la poursuite de cet objectif.

Le territoire OHADAC concerne une trentaine d´États indépendants et plus de quarante territoires différents. Parmi les douze territoires continentaux, onze sont des États indépendants : Colombie, Costa Rica, Guatemala, Honduras, Mexique, Nicaragua, Panama, Venezuela, Suriname, Guyana et Bélize. La Guyane Française est une collectivité territoriale sous la souveraineté de la France. Les territoires insulaires se montrent plus nombreux et hétérogènes. D'une part on trouve des États indépendants : Cuba, République Dominicaine, Haïti, Antigua-et-Barbuda, Dominique, Grenade, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie, Bahamas, Barbade, Jamaïque et Trinité-et-Tobago. D'autre part, on trouve aussi des territoires soumis à la souveraineté de la France (départements d'outremer de Guadeloupe et Martinique et collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélemy), du Royaume-Uni (Anguilla, Îles Caïman, Îles Turques-et-Caïques, îles Vierges Britanniques, Montserrat et Bermudes, bien que ce dernier territoire ne fasse pas partie strictement de la Caraïbe), des Pays-Bas (Bonaire, Saint-Eustache et Saba, qui appartenaient aux petites Antilles néerlandaises, suite à leur nouveau statut acquis le 10 octobre 2010). Finalement, il convient de souligner le statut particulier de Porto Rico, État libre associé et non incorporé aux États-Unis, et celui de Curaçao, Aruba et Sint-Marteen en tant que territoires autonomes des Pays-Bas.

En termes politiques, l'OHADAC réunit un sixième des États de la communauté internationale et environ 260 millions d'habitants. L'héritage culturel et linguistique de ces pays est tout aussi varié que le degré de proximité qu'ils entretiennent avec les anciennes métropoles. Tandis que les États hispanophones ont une vielle tradition d'indépendance qui remonte au XIXème siècle dans tous les cas, plusieurs territoires de tradition française, anglaise ou néerlandaise font encore partie des États métropolitains ou ont obtenu leur indépendance pendant la deuxième moitié du XXème siècle.

Cette diversité n'est pas seulement politique, mais également culturelle. Les territoires qui composent l'OHADAC montrent une grande variété linguistique : espagnol, français, anglais et néerlandais, ainsi que les langues indigènes, qui sont particulièrement répandues sur le continent, et les langues de métissage: créole et papiamento. L'espagnol domine clairement sur le continent ainsi que dans des pays tels que le Bélize, où si l'anglais est la seule langue officielle, l'espagnol est d'usage courant. Néanmoins, le néerlandais (Suriname) et le français (Guyane française) sont également employés sur le continent. Une telle diversité linguistique n'est pas nécessairement culturelle mais laisse toutefois présager des différences notables dans le domaine juridique, qui ne sont pas toujours évidentes.

Les États continentaux et insulaires de la Caraïbe sont ancrés, en grande partie, dans la tradition juridique romano-germanique et leur droit des contrats suit la tradition juridique française et espagnole. Le droit français étend son influence au-delà des départements et collectivités d'outremer (Guadeloupe, Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy). Le droit des contrats haïtien, essentiellement compris dans le code civil, suit le modèle du droit civil français. De même, la République Dominicaine, qui est pourtant un pays hispanophone et de tradition coloniale et culturelle espagnole, mélange ses racines à la tradition française, en particulier dans le domaine juridique : ce n'est pas pour rien que son code civil est identique au code civil français. Sainte-Lucie maintient aussi une culture juridique partiellement française, influencée directement par le code civil québécois. Les territoires continentaux hispanophones (Colombie, Venezuela, Costa Rica, Guatemala, Honduras, Nicaragua, Panama et Mexique) partagent également l'héritage du Code Napoléon. Il convient de noter que ces pays, malgré leur tradition espagnole, ont majoritairement obtenu leur indépendance dans le premier quart du XIXème siècle, c'est-à-dire bien avant la promulgation du code civil espagnol en 1889. Évidemment, la tradition juridique et culturelle espagnole a été importante. Le fait que le code civil espagnol soit clairement inspiré du Code Napoléon estompe et confond les influences juridiques qui sont, en tous cas, largement courantes. De leur côté, Cuba et Porto Rico ont obtenu l'indépendance de l'Espagne en 1898, et le code civil espagnol a été en vigueur dans ces deux pays pendant des décennies, même après leur indépendance. Dans le cas de Porto Rico, l'influence des États-Unis a été tout aussi remarquable du point de vue juridique et cette influence est également croissante dans d'autres territoires de common law ou dans des pays tels que le Panama.

L'influence romano-germanique est également palpable dans les territoires, continentaux comme insulaires, sous la souveraineté ou de tradition néerlandaise et elle cohabite même avec la common law dans des territoires tels que le Guyana. L'ancien code civil néerlandais répondait au Code Napoléon et a été en vigueur aux Pays-Bas et dans ses territoires jusqu'à la réforme de 1992. Le nouveau code civil néerlandais a changé de cap pour s'inspirer de la tradition germanique, et plus particulièrement du code civil allemand (BGB), comme c'est le cas du code civil des Antilles néerlandaises et d'Aruba. Une telle évolution touche le droit des contrats applicable dans les territoires insulaires soumis au droit néerlandais à travers diverses formules (Bonaire, Saint-Eustache, Saba, Aruba, Curaçao, Sint Maarten) autant que le droit des contrats de Suriname, qui est une république indépendante depuis 1975 mais qui a intégré le nouveau code civil néerlandais dans son ordre juridique.

L'influence de la common law est évidente, avant tout, dans les territoires soumis à la souveraineté britannique (Anguilla, Îles Caïman, Îles Turques-et-Caïques, îles Vierges Britanniques, Montserrat et Bermudes). Cette influence se retrouve également dans d'autres territoires souverains mais qui ont une histoire coloniale liée au Royaume-Uni. Sous l'égide de la common law se trouvent d'autres territoires indépendants qui, pour la plupart, font partie à la fois du Commonwealth et de l'Organisation des États de la Caraïbe Orientale (OECO), comme Antigua-et-Barbuda, Dominique, Grenade, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Sainte-Lucie. D'autres font seulement partie du Commonwealth (Bahamas, Barbade, Jamaïque, Trinité-et-Tobago, Guyane et Bélize). Les territoires caribéens du Commonwealth ont conservé une structure procédurale fidèle à la tradition britannique et organisée en trois degrés de juridiction. Dans la plupart de ces territoires il existe un tribunal de première instance généralement nommé High Court ainsi qu'une cour d'appel (Court of Appeal). Les pays qui font partie de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale (Anguilla, Dominique, Grenade, Saint-Christophe-et-Niévès, Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Sainte-Lucie) ont intégré ces deux degrés de juridiction dans une institution juridictionnelle commune : The Eastern Caribbean Supreme Court (ECSC), dont le siège se trouve à Sainte-Lucie. Le troisième degré, la juridiction suprême, est représentée par le Judicial Committee of the Privy Council, dont le siège se trouve en Angleterre et qui a été remplacé dans certains États par la Caribbean Court of Justice (Barbade, Bélize et Guyana), dont le siège se situe à Trinité-et-Tobago. Le maintien de la compétence du Privy Council a été l'objet d'un débat constant dans les milieux juridiques caribéens.

La common law s'applique dans les îles de la Caraïbe en raison de différents titres et origines historiques. La méthode de réception de la common law variait selon que les territoires s'étaient assujettis en vertu d'un accord (settlement) ou d'un droit de conquête ou de cession. Dans le premier cas (Antigua-et-Barbuda, Bahamas, Barbade, Montserrat, Saint-Christophe-et-Niévès), il était considéré que la réception de la common law s'était produite en vertu de l'accord lui-même, sans que de nouvelles dispositions légales aient été nécessaires. Par contre, en cas de conquête ou de cession, le principe général consistait à maintenir le droit en vigueur dans la colonie au moment de la conquête ou de la cession (Bélize, Guyana, Grenade, Jamaïque, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie et Trinité-et-Tobago), si bien que l'incorporation de la common law a généralement requis l'adoption de lois pour sa réception. Malgré tout, cette distinction est purement indicative, car en réalité l'histoire de la réception de la common law dans ces territoires est particulièrement difficile à clarifier. Par exemple, dans le cas des îles Vierges Britanniques, le Common Law (Declaration of Application) Act a été adoptée en 1795, et bien que l'equity law n'ait pas été étendue avant la West Indies Associated States Supreme Court en 1969, il est admis qu'une telle manifestation du droit anglais était déjà appliquée de facto par les tribunaux bien avant. Dans la pratique, l'application de la common law est fondée sur des dispositions légales [par ex. section 31 du Supreme Court of Judicature Act, Cap 117 (Barbade) : section 48 du Judicature (Supreme Court) Act (Jamaïque) : section 12 du (Supreme Court of Judicature Act, Ch 4:201 (Trinité-et-Tobago) : section 15 du Supreme Court Act, Ch 53 (Bahamas) : Civil Law of Guyana Act (Guyana) Ch 6:01] ou a été mise en œuvre par voie de proclamation (par ex. Proclamations de 1763 pour la Dominique, Saint-Vincent-et-les-Grenadines ou la Jamaïque) ou dans les textes constitutionnels. Dans le cas de la Jamaïque, comme indiqué ci-dessus, la réception s'est déroulée à travers différentes voies, et en particulier en établissant son statut colonial dans la section 22 du Statute 1 Geo II Cap 1 de 1728.

Il découle des rapports particuliers entre le droit anglais et ses colonies, en ce qui concerne le droit écrit, que l'influence du droit anglais dans les territoires sous souveraineté britannique est très similaire à celle dans les territoires indépendants. En principe, les lois du Parlement de Westminster s'appliquent aux colonies lorsqu'elles le prévoient de manière expresse et sans équivoque (Colonial Laws Validity Act, 1865), mais cette application a des limites floues, dues aux compétences législatives propres aux colonies, qui sous-tendent la tendance à la présomption d'une efficacité restreinte des lois écrites au Royaume-Uni et le principe de non-ingérence dans les législations des territoires du Commonwealth. C'est ce qu'a déclaré le Privy Council dans l'affaire Al Sabah v Grupo Torras et al [2005, 2 WLR, 904 (CI)], un cas qui portait sur les rapports entre les lois anglaises et l'autonomie législative des Îles Caïman.

Les particularités augmentent en tout cas dans les territoires qui ne sont pas sous souveraineté britannique. Il est évident que le développement en-soi des systèmes juridiques caribéens, conformément à leurs propres besoins et leurs particularités sociales, est aujourd'hui remis en question. Non seulement l'opportunité de maintenir le système d'appel devant l'English Privy Council est fréquemment remise en question, mais en outre les tribunaux caribéens ont également souligné le besoin d'adapter la common law à leur évolution après l'indépendance (arrêt de la Court of Appeal de Trinité-et-Tobago dans l'affaire Boodram v AG and Another, 1994, 47, WIR 459).

Certainement, les particularités des systèmes caribéens face au droit anglais se révèlent surtout dans des domaines plus proches de leurs racines culturelles et idéologiques que le droit des contrats, tels que le droit de la famille (mariage entre personnes de même sexe) ou le droit public. Mais les Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international peuvent contribuer à l'identité du droit caribéen autant qu'à son harmonie avec la tradition de la common law.

L'influence de la common law se manifeste également à travers l'incidence du droit des États-Unis sur certains systèmes caribéens, tels que ceux de Porto Rico, des Îles Vierges Britanniques ou même du Panama. Mention est également faite d'une certaine « américanisation » de l'application de la common law dans les territoires caribéens. Néanmoins, dans de nombreux cas ces influences ne sont pas pures. Par exemple, Porto Rico a clairement une culture romano-germanique, comme c'est le cas de petits territoires tels que Sainte-Lucie ou le Guyana, qui sont parfois considérés comme des systèmes mixtes ou hybrides. Au Guyana, l'influence romano-germanique héritée du droit néerlandais persiste, tout comme celle de la common law. Leurs liens ressortent clairement dans le Civil Law of Guyana Act (Guyana) Ch 6:01, qui a essayé de rationnaliser ou d'adapter à la common law les institutions héritées du droit romano-néerlandais et qui ont subsisté. Le caractère hybride de l'ordre juridique de Sainte-Lucie combine des éléments de la common law, l'influence du droit français, le système juridique québécois et des institutions indigènes dans son code civil de 1879, adapté à la common law en 1956 [Civil Code (Amendment Ordinance)], en particulier dans le domaine du droit des contrats (article 917 A). La singularité d'une telle hybridation peut être représentée par la transposition de la condition anglaise de la « consideration » à la notion romaniste de la « cause » [Velox and Another v Helen Air Corporation & Others, 1977, 55 WIR 179 (CA)]. Le code civil de Sainte-Lucie est aujourd'hui en cours de réforme.

L'asymétrie des influences et des traditions juridiques réapparait dans les sources internationales du droit des contrats, lesquelles doivent également être appréciées dans le cadre d'une stratégie d'harmonisation juridique régionale. La Convention de Vienne de 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises a été ratifiée par Cuba, la République Dominicaine, le Honduras et la Colombie, mais aussi par des pays de tradition anglo-saxonne tels que Saint-Vincent-et-les-Grenadines et Guyana. S'il est certain qu'aujourd'hui le Royaume-Uni n'a pas ratifié cette convention, elle l'a cependant été par les États-Unis, en plus de la France et des Pays-Bas. Cette convention, largement inspirée des pratiques du commerce international, a peut-être été la source d'inspiration principale des Principes d'UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international, et elle fournit un point de départ remarquable en matière contractuelle.

Par conséquent, la diversité dans la région caribéenne constitue, aussi bien en Europe qu'au niveau mondial, un défi bien connu dans le domaine de l'unification du droit des contrats, dont l'objectif final est l'adoption d'un texte qui soit acceptable tant du point de vue de la culture de la common law que de la culture romano-germanique.

3. Les buts des Principes OHADAC

Les Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international obéissent à un modèle de soft law. L'harmonisation soft passe par l'élaboration d'actes et de lois uniformes qui ne s'imposent pas directement aux États, mais qui leur sont proposés en tant que loi type ou recommandation, que les États ou les particuliers peuvent insérer librement dans leurs ordres juridiques ou dans leurs relations juridiques. L'avantage d'un tel caractère soft est qu'il permet de conjuguer une plus grande technicité et une interférence limitée dans la rédaction des règles de droit et des propositions d'harmonisation. Les règles de soft law peuvent devenir des règles de hard law lorsqu'elles sont adoptées unilatéralement par les États de l'OHADAC, mais aussi dans le cas où l'organisation se dirige vers un ordre plus institutionnel. Il faut remarquer qu'une telle stratégie est actuellement employée dans l'Union Européenne dans le but d'harmoniser le droit des contrats et le droit civil en général. Une stratégie soft peut être mise en pratique de manière immédiate. Si les résultats sont positifs, cela pourra conduire, à l'avenir, à des démarches plus ambitieuses.

Contrairement aux tentatives d'harmonisation internationale du droit des contrats à travers des techniques de soft law, certaines théories récentes dans le domaine de l'unification juridique se sont prononcées en faveur de la pluralité des droits nationaux afin de faciliter la concurrence des systèmes juridiques, et ce même dans les espaces caractérisés par une profonde intégration économique tels que l'Union Européenne. Étant donné que le domaine du commerce international est régi par le principe d'autonomie de la volonté, les parties doivent être suffisamment informées des circonstances afin de pouvoir choisir le for et le droit le plus adapté à leurs besoins2. Il s'agit d'une idée qui a acquis un certain prestige suite à l'unification du droit privé en Europe et que certains auteurs ont nommée « efficacité de la diversité ».

Cette approche est très discutable, en particulier en matière de droit privé, qui est moins perméable au besoin de compétitivité que le droit public. En effet, la concurrence entre les ordres juridiques de droit public vis-à-vis des particuliers peut être efficace (incitation fiscale, attraits du droit des sociétés, etc.), mais par définition la concurrence entre les ordres juridiques s'avère impossible en matière de contrats lorsque deux particuliers s'opposent. En effet, il existera toujours des ordres juridiques plus avantageux pour une partie que pour l'autre, si bien qu'un droit choisi par les deux parties entrainerait immanquablement un comportement trompeur de la part de la partie la mieux informée et présenterait un risque pour la sécurité juridique en général. D'ailleurs, cette concurrence souligne une profonde contradiction du point de vue de l'analyse économique du droit lui-même. Étant donné que l'un des arguments essentiels en faveur de l'unification découle aussi de cette approche, dans la mesure où elle établit les coûts externes d'information comme l'une des conséquences de la pluralité des droits, ce qui fausse les conditions de concurrence entre les entreprises, que le processus d'harmonisation est amené à internaliser ou éliminer.

La critique définitive, cependant, vient de la réalité de la pratique elle-même plutôt que de la théorie. Même avec beaucoup d'imagination, il est impossible d'envisager que les parties à un contrat international aient pleinement connaissance de la diversité de droits privés nationaux, pariant sur le droit le plus compétitif pour régir le contrat et jaugeant peut-être même les nombreuses possibilités de dépeçage. En imaginant que cela soit possible, il faudrait encore calculer le coût réel pour maintenir et mettre à jour une telle information pour un commerçant type. La pratique du commerce international, généralement prosaïque, montre que chaque partie a l'habitude de réclamer l'application de son propre droit, ignorant entièrement le contenu et la nature des lois et des ordres juridiques des autres parties. Cela entraine souvent des retards importants dans la phase des pourparlers et il n'est pas rare que cela mette en échec le contrat. Afin de sortir de cette impasse, il faut trouver un compromis lorsque les parties réclament l'application de différents ordres juridiques en concurrence. Afin de parvenir à un accord, il faut que le droit choisi soit connu de toutes les parties et adapté à chacune d'entre elle, et c'est pourquoi il est courant de finalement choisir le droit d'un État tiers. Les Principes OHADAC cherchent à offrir un modèle de règlement neutre qui permette de faciliter les négociations et de garantir la sécurité juridique des parties au contrat.

L'unification du droit des contrats est donc nécessaire pour renforcer la sécurité juridique du marché et établir des règles du jeu communes à tous. La prévisibilité et un calcul adéquat des coûts et des risques économiques et juridiques sont essentiels pour dynamiser le commerce et faciliter les échanges internationaux. Les projets difficiles et couteux qui ont été développés au niveau mondial (Principes d'UNIDROIT) et au niveau régional (OHADA, PECL, DCFR) en sont la preuve. Il est bien connu que le recours au droit anglais ou au droit national de la partie la plus forte dans les pourparlers sert d'habitude à sortir de l'impasse quant à la loi applicable. Mais la soumission du contrat à un ordre juridique national, quel qu'il soit, n'implique pas une solution optimale. Une harmonisation du droit des contrats peut éliminer une partie des coûts de rédaction et négociation des contrats internationaux, en proposant des règles de droit épurées, des traductions fiables et des régimes prévisibles pour toutes les parties.

En outre, l'harmonisation du droit des contrats ne semble pas seulement nécessaire mais opportune. L'amélioration de la qualité du droit des contrats est fréquemment confrontée à la rigidité des ordres juridiques nationaux à double titre. En premier lieu, il s'agit d'une rigidité formelle, qui résulte des difficultés inhérentes aux processus législatifs, en particulier s'ils sont mis en place au moyen d'une réforme des instruments juridiques qui ont naturellement tendance à être figés, tels que les codes civils. En second lieu, les droits nationaux sont contraints par la perception même des relations juridiques purement internes qui constituent leur domaine d'application matériel, et qui souffrent d'une absence de prise en compte consubstantielle des besoins du commerce international. Les particularités des échanges internationaux demandent des solutions adaptées à cet espace singulier, différent et hétérogène, qui peut difficilement se satisfaire d'un législateur interne plongé dans des préoccupations locales. Un droit global efficace ne peut pas se construire sur la base d'un droit local. L'harmonisation du droit des contrats dans un espace géographique international devient donc une opportunité. Elle offre la possibilité de construire un droit des contrats de haute technologie, qui s'appuie sur la virtualité de la méthode comparative comprise de la manière la plus subversive. Pour que ce projet soit un succès il faut respecter certains postulats, connaitre les limites qui se posent et les surmonter au moyen de formules imaginatives.

Le caractère souple et optionnel d'une règlementation harmonisée du droit des contrats ne garantit pas son succès ni son efficacité à atteindre les objectifs poursuivis. Une des clefs de la réussite dans un espace d'une remarquable diversité juridique réside dans la formulation de Principes qui soient facilement acceptables par les différentes cultures juridiques concernées. Afin d'aboutir à un texte consensuel, il est indispensable de surmonter les limites et les erreurs commises dans les Principes d'UNIDROIT, dans les PECL et, surtout, dans le DCFR. La portée de ces textes dans la pratique du commerce international est très limitée, ce qui contraste avec l'impact considérable qu'ils ont eu dans le milieu universitaire et leur influence en tant que loi type dans la réforme des ordres juridiques nationaux.

En se basant sur l'expérience notable de l'élaboration des Principes d'UNIDROIT, il ne fait aucun doute que le même processus de recherche d'un droit européen des contrats a provoqué un effort doctrinal et législatif majeur, capable de fournir des modèles de règlementation plus perfectionnés et attractifs que les anciennes réglementations nationales, qui étaient parfois confuses. Il existe un intérêt légitime à ce que les résultats de ce formidable effort comparatif et créatif soient utiles pour le renouvellement du droit privé national. Le choix de l'adaptation, proposée par la réforme du BGB allemand en 2002, a été suivie par d'autres ordres juridiques nationaux, si bien qu'aujourd'hui le droit des contrats positif autant que le droit in statu nascendi sont un point de référence incontournable des réformes ou projets de codification du droit privé national quels qu'ils soient.

Par contre, aujourd'hui très peu des contrats internationaux sont soumis aux Principes d'UNIDROIT, du moins comparé au choix plus fréquent pour le droit anglais ou pour un autre droit national. Il faut s'attendre à ce que les DCFR soient aussi peu utilisés comme règlementation de références que les PECL. Dans la pratique, leurs règles ont à peine acquis le profil d'une « règle narrative », utilisée par les juges et les arbitres afin de renforcer leurs décisions à l'aide de citations érudites ad abundantiam, mais rarement pour fonder directement une solution contraire aux droits nationaux ou particulièrement novatrice afin de combler une lacune légale. À son tour, la prétention de présenter ces textes en tant qu'une manifestation de la lex mercatoria ne répond pas au critère le plus élémentaire. La pratique de l'arbitrage montre fréquemment qu'un recours raisonnable est fait à certaines règles des Principes d'UNIDROIT qui, en réalité, ne sont que le reflet ou la version synthétique d'une règle ou d'un principe communément admis dans le commerce international. Beaucoup des sentences arbitrales qu'appliquent les Principes d'UNIDROIT ont pour objet l'intégration de la Convention de Vienne de 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises, et cela est généralement fait de manière assez raisonnable. Cependant, l'utilisation de ces règles comme fondement exclusif d'une base juridique soulève beaucoup plus de doutes, en particulier si elles contredisent d'autres ordres juridiques importants. Finalement, une déclaration d'application en bloc des Principes d'UNIDROIT comme loi applicable au contrat semble assez risquée lorsque, clairement, plusieurs de ces règles sont imprévisibles, interventionnistes ou étrangères à la tradition libérale de l'arbitrage commercial international. Par conséquent, la déclaration figurant, par exemple, dans la sentence arbitrale CCI n. 7.110/1995 (Bull. CCI, 1992/2, pp. 39-54), qui soutient l'application des Principes d'UNIDROIT en tant que porteurs des principes généraux neutres qui reflètent un accord international, ne peut pas être généralisée et exige une analyse minutieuse de chaque question juridique soulevée. Cela permet de contrôler la solution proposée dans les Principes et son origine à la lumière des systèmes comparés les plus représentatifs ainsi que la pratique habituelle du commerce international. De manière tout aussi prudente, la sentence arbitrale CCI 11.256/2003 soutient que les Principes d'UNIDROIT ne reflètent pas nécessairement les usages commerciaux généralisés3, et la sentence arbitrale Laudo CCI 11.926/2003 établit que les Principes d'UNIDROIT doivent être comparés au contenu du droit national qui devrait s'appliquer à défaut de choix ou qui présente un lien étroit avec le contrat, afin de ne pas induire de règles qui pourraient être imprévisibles pour les parties4.

Selon certains auteurs, la raison expliquant la faible compétitivité des textes internationaux rédigés pour servir d'alternative plus efficace au simple choix d'un droit national par les parties réside dans la modeste participation des opérateurs du commerce à la rédaction des principes et des textes d'harmonisation. Néanmoins, cela n'explique pas suffisamment pourquoi certains règlement n'ont pas été l'objet de plus d'enthousiasme ni pourquoi ils n'ont pas reçu d'écho quand, manifestement, ils semblent plus pointus du point de vue de la technique que n'importe quel droit national. Les Principes d'UNIDROIT, bien qu'ils revêtent dans l'ensemble un caractère dispositif et qu'ils soient compatibles avec les clauses contractuelles et les usages commerciaux, offrent une règlementation qui suit exclusivement la structure d'un corps normatif. Les Principes d'UNIDROIT sont soft quant à leurs effets, en particulier en raison du caractère optionnel des règles qu'ils contiennent, mais ne sont pas absolument soft au regard de leur forme. Même si cette règlementation n'est pas complète, les matières régies dans ces principes appellent à être terminées ou complétées à travers une règlementation qui pourrait parfaitement être comparées à une règlementation nationale. Dans le cadre de ce processus, les Principes d'UNIDROIT doivent prendre parti et opter pour un modèle donné de règlementation. Parfois, concernant certaines questions cruciales, cette décision a été prise en faveur du modèle romano-germanique, qui privilégie la justice matérielle plutôt que la sécurité juridique, au détriment de l'option alternative qu'offre la common law. Autrement dit, les Principes d'UNIDROIT ont préféré la définition en respectant la règle du consensus le plus large possible et se sont ouvertement prononcés en faveur de solutions qui ne sont pas toujours les plus sûres ou les plus partagées du point de vue des contrats de commerce international.

Les PECL ont été peut-être plus respectueux et perméables à ce consensus mais, à bien des égards, ils offrent les mêmes alternatives que les Principes d'UNIDROIT, avec un inconvénient supplémentaire : ils ont pour ambition de créer un système de droit général des contrats, valable pour les contrats entre professionnels (B2B) ainsi que pour ceux conclus avec des consommateurs (B2C). La toile de fond européenne de ce texte peut répondre à cette critique, mais à l'heure actuelle, il est difficile d'admettre la cohérence d'une telle option, du moins si la contribution au développement du commerce transfrontalier est le but essentiel de cette harmonisation.

L'OHADAC s'est fixé pour unique objectif d'harmoniser le droit des pays caribéens dans le cadre d'échanges exclusivement commerciaux (B2B), ce qui se rapproche donc plus du point de départ des Principes d'UNIDROIT, sans les contraintes que la rédaction d'un droit des contrats également valable pour les contrats conclus avec des consommateurs a posé aux PECL. D'un autre côté, la dérive du DCFR, qui s'est ouvertement inspiré de l'idée d'un code civil européen, a accentué la rupture du dialogue entre les systèmes de droit romano-germanique et de common law, comme en témoigne le livre III dédié à une catégorie d'« Obligations », qui constitue une sorte de déclaration de guerre au droit anglais et aux PECL eux-mêmes.

L'OHADAC devra garder ces expériences à l'esprit afin d'éviter de commettre les mêmes erreurs et de produire un texte qui soit utile aux opérateurs du commerce agissant dans un cadre légal hétérogène. Le principe kantien qui doit guider la rédaction des Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international dans la Caraïbe vise à rédiger un texte légal qui soit aussi fiable et utile à tout opérateur du commerce dans l'espace du marché caribéen, quelle que soit sa culture juridique. Il s'agit, finalement, de respecter la règle du consensus le plus large possible, qui doit être guidée par une série de principes et de limites à ne pas franchir :

  1. ne pas rédiger de règles qui puissent être culturellement inacceptables ou gênantes pour une partie ou un juge appartenant un ordre juridique déterminé :
  2. créer de nouvelles règles seulement dans la mesure où elles contribueront à résoudre des problèmes communs à tous les ordres juridiques, en facilitant les échanges commerciaux internationaux et la sécurité du commerce :
  3. respecter la règle du plus petit dénominateur commun dans les cas de désaccords qui semblent insurmontables.

Le contexte de la zone OHADAC n'exige pas seulement d'abandonner les techniques imposées par le haut en faveur des sources de nature souple. Il convient aussi de partir ab initio de la certitude qu'il faudra faire face à des questions inévitables, auxquelles il faudra fournir des solutions imaginatives afin de contourner le problème. Dans ce sens, les Principes OHADAC doivent s'efforcer d'être plus qu'une série de règles juridiques destinées à régir le contrat si elles sont choisies par les parties. Ils doivent étendre leurs fonctions, au-delà du règlement des différends, à la négociation du contrat elle-même, en développant un guide efficace permettant aux commerçants caribéens d'avoir accès à des contrats internationaux plus transparents et plus sûrs.

Dans la même veine, le choix des Principes OHADAC doit être considéré comme un instrument utile afin d'établir un système venant compléter les clauses contractuelles de manière à maintenir, en cas de contradiction, la prévalence des clauses contractuelles. Deuxièmement, les présents Principes ne doivent pas devenir la manifestation erronée de l'intégrité du régime contractuel, car les lacunes seront inévitables ainsi que la multiplicité des interprétations, ce qui est souvent moins évident. C'est pour cela que les présents Principes ne doivent pas empêcher que les parties établissent, en tout cas, un ordre juridique de référence afin de combler les lacunes normatives et interprétatives, tel que cela est proposé dans les commentaires sur le Préambule.

Dans un autre ordre d'idée, la construction des Principes OHADAC doit partir d'une observation initiale de textes tels que la Convention de Vienne de 1980, les Principes d'UNIDROIT, les PECL ou le DCFR, corrigé conformément aux impératifs de consensus déjà soulignés. L'uniformité des Principes OHADAC avec les textes internationaux existants doit s'apprécier comme une valeur, sauf s'il s'avère que, ponctuellement, ‘ils ne respectent pas la triple limite mentionnée plus haut relative à sa réception par les commerçants et les juges appartenant aux diverses cultures concernées. Les Principes OHADAC s'arrêteront sur la limite ultime d'un commun accord qui soit acceptable pour tous les acteurs du marché caribéen, indépendamment de leur tradition juridique.

Afin de surmonter les obstacles découlant d'une telle autolimitation, les Principes OHADAC deviendront parfois une sorte de guide juridico-commercial, proposant des règles et usages communs et des clauses-types pour que les parties puissent combler toute lacune ou les limites légale au moyen de régimes contractuels qu'elles auront spécifiquement conçu pour elles-mêmes et conformément à la nature et à la finalité du contrat et à leurs attentes. Cet apport intégré de règles juridiques, de recommandations de conduite et de clauses modèles constitue le signe d'identité des Principes OHADAC, la raison de sa singularité et sa contribution principale à l'harmonisation comparée.

4. Domaine d'application matériel des présents Principes

Les Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international se limitent à la règlementation générale du régime des contrats internationaux. Ils ne contiennent pas de règles sur des contrats spécifiques, si bien que les parties devront apprécier la nécessité de compléter la réglementation des contrats particulièrement spécialisés par des clauses spécifiques, des contrats-types voire en se soumettant, à défaut, au droit national qu'elles estiment approprié ou suffisamment développé du point de vue technique pour régir leurs obligations.

Les présents Principes, d'un autre côté, se limitent aux obligations contractuelles au sens strict. Les questions relatives à la procédure, au droit des biens, aux obligations non-contractuelles ainsi qu'aux quasi-contrats sont toujours hors de la règlementation des présents Principes. Le régime de la responsabilité précontractuelle n'a pas été non plus retenu dans les présents Principes. Dans la plupart des ordres juridiques, la dite culpa in contrahendo mérite d'être qualifiée de « non contractuelle », comme en témoigne l'article 1.2 (i) du Règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement Européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome I »), en lien avec le Règlement (CE) n° 864/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (« Rome II »). L'opportunité d'exclure cette matière obéit non seulement à une question de qualification, mais aussi à la diversité de traitement d'une telle responsabilité dans les différents ordres juridiques qui appartiennent à la zone OHADAC. Conformément au principe de bonne foi, la sanction des comportements abusifs pendant les pourparlers est un socle commun aux systèmes romano-germaniques ainsi que dans le droit nord-américain (sections 1-203 UCC et 205 Second Restatement on Contracts). Néanmoins, l'approche du droit anglais concernant la responsabilité précontractuelle suit un critère plus rigide (« all or nothing approach ») qui tend à ne pas reconnaitre les obligations imposées par le principe de bonne foi pendant les pourparlers (Walford v Miles, 1992, WLR, 174:16).

Les présents Principes s'appliquent exclusivement aux contrats commerciaux, en excluant les contrats conclus par des consommateurs et, plus largement, à des fins autres qu'une activité professionnelle ou commerciale. Les contrats ou engagements qui relèvent du droit de la famille ou des successions ainsi que le régime des donations sont également hors du champ d'application des présents Principes. Les présents Principes ne prévoient rien non plus en ce qui concerne les obligations cambiaires et les effets de commerce.

5. Participants à l'élaboration des Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international

L'élaboration de l'avant-projet des présents Principes a été confiée par l'OHADAC, à travers l'Association ACP Legal, à une équipe de recherche formée entièrement par des experts en droit comparé des contrats.

Les experts suivants ont participé à la rédaction et à la discussion de l'avant-projet, sous la direction du Dr. Sixto A. Sánchez Lorenzo, professeur de la Faculté de droit de l'Université de Grenade (Espagne) :

Ángel Espiniella Menéndez, professeur de la Faculté de droit de l'Université d'Oviedo (Espagne).
Fernando Esteban de la Rosa, professeur de la Faculté de droit de l'Université de Grenade (Espagne).
Rosa García Pérez, professeur de la Faculté de droit de l'Université de Grenade (Espagne).
Pilar Jiménez Blanco, professeur de la Faculté de droit de l'Université d'Oviedo (Espagne).
Ángeles Lara Aguado, professeur de la Faculté de droit de l'Université de Grenade (Espagne).
Rosa Miquel Sala, professeur de la Faculté de droit de l'Université de Bayreuth (Allemagne).
Patricia Orejudo Prieto de los Mozos, professeur de la Faculté de droit de l'Université Complutense de Madrid (Espagne).
María Luisa Palazón Garrido, professeur de la Faculté de droit de l'Université de Grenade (Espagne).
Francisco Pertíñez Vílchez, professeur de la Faculté de droit de l'Université de Grenade (Espagne).
Ricardo Rueda Valdivia, professeur de la Faculté de droit de l'Université de Grenade (Espagne).
Carmen Ruiz Sutil, professeur de la Faculté de droit de l'Université de Grenade (Espagne).
Carmen Vaquero López, professeur de la Faculté de droit de l'Université de Valladolid (Espagne).

En plus des personnes citées, les membres suivants de l'Association Henri Capitant ont participé à la révision de l'avant-projet et à la rédaction définitive du texte :

Denis Mazeaud, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Paris II (Panthéon-Assas).
Phillipe Dupichot, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Paris I (Panthéon-Sorbonne).
Cyril Grimaldi, professeur à la Faculté de droit de l'Université de Paris XIII.

1 Voici le texte de la déclaration : « Les participants au Congrès latino-américain et caribéen d'arbitrage commercial international, persuadés que le processus d'intégration régionale caribéen est une voie pour avancer ver un processus universel de globalisation bien équilibré et respectueux des intérêts de tous les Etats qui constituent la Communauté internationale ; convaincus que l'harmonisation juridique du droit commercial est un instrument efficace pour développer le commerce international et régional avec une plus grande sécurité juridique et minimiser ses coûts en facilitant les échanges commerciaux, le développement des économies nationales et leur intégration progressive ; conscients que les pays de la région latino-américano-caribéenne peuvent générer des courants de confiance et de relations mutuelles dans leur intérêt commun à travers des processus d'harmonisation juridique qui contribueraient à travers leur collaboration à renforcer la position internationale de la région dans les forums internationaux d'unification et d'harmonisation du droit international privé et du droit commercial ; valorisant l'importance d'expériences régionales d'harmonisation juridique telle celle constituée par l'OHADA ainsi que les autres processus régionaux d'intégration ; estimant adaptée la promotion de l'arbitrage dans le règlement des conflits juridiques dans la sphère commerciale et des investissements, comme un pilier fondamental d'harmonisation du droit des affaires dans la Caraïbe ; DÉCLARENT : 1. Soutenir la promotion du projet OHADAC d'Harmonisation du Droit des Affaires dans la Caraïbe. 2. Convoquer les pays de la région latino-américano-caribéenne comme la Guadeloupe, la Martinique, la Dominique, la Guyane, Sainte-Lucie, Saint Vincent et les Grenadines... et tous ceux qui se joignent à cette initiative en réunissant tous les éléments nécessaires à la plus grande collaboration destinée à l'harmonisation des différentes règles de droit commercial. 3. Rechercher la coopération institutionnelle à ce projet des pays dont le système juridique a influencé de façon décisive la formation des différents systèmes juridiques nationaux en Amérique latine et dans la Caraïbe, comme celui des systèmes romano-germanique, français, espagnol, hollandais et de Common Law. 4. Émettre le vœu que d'autres pays de la zone latino-américaine rejoignent l'initiative OHADAC. 5. Demander à l'OHADAC de promouvoir et concevoir un système d'arbitrage commercial international institutionnel, doté d'une règlementation moderne et efficiente qui tienne compte des apports les plus récents du droit comparé, comble ses lacunes, et s'oriente vers une procédure arbitrale qui atteigne l'autonomie des parties, respecte la souveraineté des Etats, facilite un travail efficace des Arbitres, et garantisse le rendu de sentences arbitrales qui optimise la qualité de la justice, la sécurité juridique et l'efficacité de ces sentences. 6. Promouvoir dans l'ère Caraïbe les études de droit comparé, lesquelles, dans une perspective large, permettraient une connaissance mutuelle des systèmes juridiques respectifs qui facilitent un travail d'harmonisation juridique du droit des affaires. 7. Proposer à l'OHADAC d'introduire dans son agenda un catalogue de matières de droit positif dont l'harmonisation est considérée comme nécessaire pour atteindre les objectifs propres d'intégration juridique, singulièrement dans les domaines des contrats commerciaux, du transport, des registres commerciaux, des sociétés commerciales, des garanties et moyens de paiement, des droits de propriété industrielle, du droit de la concurrence, et des procédures d'exécution transfrontalière des crédits. 8. Collaborer aux objectifs signalés avec un respect exemplaire et absolu de la souveraineté des Etats, de la diversité des cultures, des valeurs et des conceptions politiques, par la recherche d'une coopération loyale qui rende faisable l'harmonisation juridique avec pour finalité ultime et principal intérêt commun, de promouvoir le progrès et la croissance économique des pays de la Région, en sus de l'amélioration des conditions de vie des peuples qui forment la Communauté Latino-Américaine et Caribéenne des Nations. »

2 Selon la Commission Européenne: « Dans de nombreux cas, le marché crée des problèmes d'intérêt public, mais il élabore aussi ses propres solutions. L'efficacité avec laquelle le marché répond à différentes valeurs sociales et à l'opinion publique ne devrait pas être sous-estimée. En conséquence du comportement concurrentiel, un grand nombre de problèmes créés par le marché peuvent se résoudre automatiquement sous la pression des groupes d'intérêts concernés consommateurs, ONG, entreprises). Les autorités publiques peuvent renforcer cette coïncidence entre l'intérêt personnel et l'intérêt public » (Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen concernant le droit européen des contrats, JOCE, 2001/C 255/01, numéro 49). Ces considérations sont la base de l'option I (aucune action communautaire) qui fut soutenue par le gouvernement britannique, l'European Publishers Council, la CCI et un nombre significatif de commerçants provenant surtout des secteurs maritime et des télécommunications.

3 http://www.unilex.info/case.cfm?pid=2&do=case&id=1416&step=Abstract

4 http://www.unilex.info/case.cfm?pid=2&do=case&id=1416&step=Abstract

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Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international.pdf