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Vendredi 29 Mars 2024

L'Association ACP Legal

  • L'Ohadac et ACP Legal

    La notoriété mondiale et le succès du programme OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) ont amené de très nombreux juristes, des entreprises et certains Gouvernements des Etats de la Caraïbe à réfléchir à la mise en place d'un programme d'unification du droit des affaires dans la Caraïbe reprenant la philosophie du précédent de l'OHADA.

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  • L'OHADAC en bref

    Plaquette réalisée par l'Association ACP Legal.

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PRINCIPES OHADAC RELATIFS AUX CONTRATS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Article 5.2.1

Stipulation pour autrui

1. Les parties au contrat (le « stipulant » et le « promettant ») peuvent stipuler au profit d'un tiers (le « bénéficiaire ») qui acquiert, sauf stipulation contraire, le droit d'en exiger l'exécution auprès du promettant.

2. L'existence et le contenu du droit que le bénéficiaire peut exercer à l'encontre du promettant sont déterminés par l'accord des parties.

1. Le principe de la relativité contractuelle et le contrat au profit d'un tiers dans les systèmes de l'OHADAC

Le contrat au profit de tiers pose, fondamentalement, le droit de conférer à un tiers un droit émanant d'une relation contractuelle établie entre le stipulant (la partie qui a un intérêt direct sur ce droit) et le promettant (partie qui est engagée à l'égard du tiers bénéficiaire). La relation juridique entre le stipulant et le promettant est désignée « rapport de couverture ». La relation entre le stipulant et le tiers bénéficiaire est désignée « rapport de valeur ».

La stipulation pour autrui, dans les contrats internationaux, présente l'utilité pratique d'être un instrument de simplification contractuelle et d'économie juridique. En ce sens, les stipulations pour autrui sont adaptées aux contrats liés entre eux ou aux contrats dans lesquels il existe une pluralité d'intervenants (chaîne de contrats, sous-traitance ou contrats conclus dans le cadre de groupes de sociétés).

Exemple 1 : La compagnie d'assurance A conclut un contrat d'assurance avec l'entreprise de transport B par lequel elle couvre tant les risques de B que ceux des sous-traitants dans le cadre de certains transports. Si une entreprise C, sous-traitante de B, prend en charge un transport, elle sera automatiquement bénéficiaire du contrat d'assurances souscrit entre A et B.

Le contrat au profit du tiers peut, entre autres, fonctionner comme un instrument de financement et permettre au stipulant, débiteur du tiers et à la fois créancier du promettant, de parvenir à un accord avec le promettant pour qu'il assume la dette avec le tiers. De la sorte, par un seul contrat juridique il pourra à la fois honorer sa dette avec le tiers et compenser sa créance avec le promettant.

Exemple 2 : L'entreprise A acquiert du distributeur B un lot de marchandises, stipulant dans le contrat que le paiement devra se faire entre les mains de l'entreprise fabricante C (qui est, à son tour, créancière de B). Ce contrat permet au distributeur B d'être financé pour le paiement de sa dette par C.

Il est également relativement fréquent dans la pratique de conclure des contrats au profit de tiers dans l'objectif clair de garantir une créance que le tiers bénéficiaire pourra apporter face au stipulant débiteur [p. ex. assurances de crédits commerciaux qui couvrent le risque de perte en cas d'une éventuelle insolvabilité des clients de sorte que, par exemple, l'assuré (stipulant) conclut un contrat de factoring et désigne comme bénéficiaire des indemnités la société de factoring].

Le principe (civiliste) de la relativité contractuelle et la doctrine (de common law) du privity of contract partagent une même signification : d'un côté, ils considèrent que le tiers ne peut pas acquérir les droits et exercer les actions découlant du contrat dont il n'est pas partie : d'autre part, ils interdisent de faire peser sur une personne des obligations auxquelles elle n'a pas elle-même consenti. Toutefois, cette limite à la portée subjective des contrats a subi une évolution différente dans les différents systèmes juridiques, ce qui constitué dans le droit européen un important point de divergence entre les systèmes romano-germaniques (et certains de common law) et le droit anglais. Alors que les premiers admettent dans leur législation solidement établie les contrats au profit de tiers, le droit anglais continue de résister jusque tout récemment [concrètement jusqu'au Contracts (Rights of Third Parties) Act de 1999], par lequel il admet expressément pour la première fois la flexibilisation de la privity, en permettant au tiers d'invoquer des droits qui lui ont été conférés dans des contrats auxquels il n'était pas partie. L'admission généralisée des contrats en faveur de tiers a été corroborée par son insertion dans les différents textes d'harmonisation des contrats (article 5.2.1 PU : article 6:109 PECL : articles II-9:301 à 9:303 DCFR).

Cette tendance généralisée à admettre la stipulation au profit d'un tiers est également confirmée dans les codes civils des pays de l'OHADAC, qui régissent cette institution en tant qu'exception au principe de la relativité contractuelle. Dans certains cas, comme dans le code civil vénézuélien, elle est admise de façon nuancée, sous la condition qu'il ait « un intérêt personnel, matériel ou moral, à l'exécution de l'obligation » (article 1.164). Dans d'autres cas, comme le code civil haïtien, il n'existe pas de règle générale relative au contrat au profit d'un tiers mais il existe des dispositions concrètes qui laissent percevoir cette possibilité, comme c'est le cas du contrat de louage auquel se réfère l'article 1.737. Il n'existe pas de règle expresse sur la stipulation au profit d'un tiers dans le cadre de la Commonwealth caribéenne qui, sous l'influence directe de la common law anglaise, demeurerait réticente à faire exception au régime de la privity des contrats. Toutefois, dans le silence des textes, il ne faut pas interpréter de manière rigide mais dans le contexte même de l'évolution du droit des contrats anglo-saxons. En ce sens, tout porte à croire que la stipulation au profit du tiers dans les contrats entrera aussi dans ces législations.

2. Identification d'un contrat au profit d'un tiers

La première difficulté que présente le contrat au profit d'un tiers est son identification, c'est-à-dire, la détermination qu'il s'agit d'un contrat donnant droit à un tiers d'exiger l'exécution de l'obligation stipulée à son profit. Dans tous les cas où les parties auront expressément et clairement exprimé leur volonté, il n'y a aucun problème particulier. Les difficultés apparaissent dès lors que la volonté des parties n'a pas été manifestée. Il convient de se demander si les assurances de responsabilité civile, les garanties du fabriquant sur la qualité de ses produits, le contrat entre une agence de voyage et une compagnie aérienne pour le transport de ses clients ou les accords sur les aliments à verser aux enfants qui habitent chez l'un de leur parent, contiennent des stipulations au bénéfice d'un tiers.

La qualification de ces situations dépendra du critère retenu par chaque système juridique. Il convient de distinguer, dans ce cadre, deux grands modèles : celui qui part exclusivement de la volonté des parties et celui qui introduit, en outre, des paramètres objectifs pour identifier les stipulations au profit de tiers.

Conformément au premier modèle, la volonté des parties est le seul critère qui permet de générer la véritable stipulation au profit du tiers. C'est le cas dans le Contracts Act (Rights of Third Parties) de 1999. Les travaux menés dans la Law Commission ont été établis dans deux hypothèses (dual intention test), et sont finalement repris dans la section 1 (1) et (2) du Contracts Act (Rights of Third Parties) de 1999, dans lesquelles l'exercice de l'action par le tiers est possible. Le premier, dès lors que ce droit lui aura été expressément conféré dans le contrat. Le second, dès lors que le contrat lui confèrera un avantage (présomption iuris tantum) sauf si, de l'interprétation du contrat (on the proper construction of the contract), il résulte que les parties ne souhaitaient pas conférer un droit au tiers. Par conséquent, ce qui est déterminant pour identifier un contrat ayant stipulé au profit d'un tiers est qu'il existe bien, d'une manière ou d'une autre, une volonté des parties de conférer un droit au tiers dont il pourra se prévaloir (right to sue), et non seulement que du contrat découle ce droit pour le tiers. Dans le même sens, l'article 6:253 des codes civils néerlandais et surinamais pose une règle expresse d'attribution du droit, indiquant que le tiers peut demander une prestation si le contrat contient une stipulation à son profit.

Conformément au second modèle, outre l'autonomie de la volonté expresse des parties, l'attribution du droit du tiers découle également de circonstances objectives, telles que les « circonstances du contrat », la « finalité » du contrat ou les usages. C'est le modèle suivi par le droit français bien que cela ne ressorte pas directement de ses dispositions. Dans la pratique, une série de contrat-types comportent de véritables stipulations au profit de tiers (p. ex. les contrats qui comportent des obligations de conseil ou de sécurité ou de surveillance, les obligations du transporteur en matière de sécurité de voyageurs ou celles du vendeur professionnel face à l'acheteur non spécialiste). Toutefois, l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013 (article 114) parait s'en tenir uniquement à la volonté des parties comme source du droit du tiers.

Dans le cadre de l'OHADAC, la tendance majoritaire des codes civils vise l'efficacité de la stipulation au profit du tiers à partir de la volonté des parties, et de cette stipulation découle le droit pour le tiers d'en exiger l'exécution (article 1.506 du code civil colombien : article 316 du code civil cubain : article 1.549 du code civil hondurien : article 1.869 du code civil mexicain : article 1.108 du code civil panaméen : article 1.164 du code civil vénézuélien). L'article 741 du code de commerce hondurien part de la présomption, avec la possibilité d'un accord contraire, que toute stipulation dans un contrat confère au tiers le droit d'exiger du promettant l'exécution de la dite obligation. Une nuance différente est prévue dans les articles 1.122 des codes civils français et dominicain et 1.531 du code civil guatémaltèque, qui établissent une présomption d'efficacité du contrat entre les parties « sauf si le contraire est expressément indiqué ou découle de la nature même du contrat » ou « dès lors qu'il résulte de l'objectif poursuivi par le contrat ». L'article 963 du code civil saint-lucien va dans le même sens. Toutes ces dispositions augmentent, par conséquent, les possibilités d'identifier un contrat au profit d'un tiers en se fondant sur les circonstances objectives du contrat, même si la volonté des parties au contrat n'est pas en ce sens clairement identifiable.

La règle fixée par les Principes OHADAC pour identifier et qualifier un contrat comme étant une situation au profit du tiers suit le premier des deux modèles exposés. En effet, l'identification repose sur la volonté des parties, qui est le critère le plus respectueux du régime d'interprétation contractuelle des modèles inspirés du droit anglais. Mais, en outre, il évite l'inévitable confrontation des règles nationales qui déboucherait pour le choix du second modèle, vu que dans ces cas la qualification du contrat nécessiterait d'analyser la finalité ou la nature du contrat dans chaque droit national. De même, l'accord entre les parties comme source exclusive du droit conféré au tiers exclut l'application des règles ici exposées dans les cas où le tiers pourra exercer une action directe à l'encontre de l'une des parties au contrat et basée sur une obligation d'origine légale. Dans la majorité de ces cas, une qualification extracontractuelle s'avèrera nécessaire. Par exemple, ne sont pas considérés comme des contrats au profit de tiers, les réclamations que les victimes peuvent déposer, sur la base d'une action directe, à l'encontre de l'assureur du responsable du dommage.

L'article objet de ce commentaire indique également expressément que la stipulation d'un droit au profit de tiers suppose de lui reconnaitre le droit à demander l'exécution au promettant. De la sorte, il est présumé que tout contrat qui contient une stipulation au profit d'un tiers, lui confère le droit de réclamer ce droit auprès du promettant. Une telle indication, comme déjà mentionné, figure expressément dans les codes civils mexicain et vénézuélien, et est intéressante dans la mesure où la règle en elle-même éclaire sur le régime distinct de ce type de contrats par rapport à la règle générale de la privity. Cela peut s'avérer particulièrement significatif et important pour l'environnement de la Commonwealth caribéenne dès lors qu'il s'agit de faire figurer cette institution dans sa réglementation. De ce fait, le respect de l'autonomie de la volonté des parties et la soumission aux strictes règles d'interprétation du droit anglo-saxon conseillerait cette formulation expresse dans le contrat afin d'éviter tout doute quant à la véritable portée de la formulation du droit au profit du tiers.

Le paragraphe deux du présent article rappelle le caractère contraignant de l'avantage conféré par le contrat et sa rédaction est la même que celle retenue pour l'article 5.2.1 PU. Il s'avère évident que le droit du tiers dépend absolument de ce que les parties ont convenu entre elles. Donc de l'accord des parties dépend à la fois la reconnaissance du droit du tiers ainsi que la possibilité et la portée de l'action reconnue à celui-ci, tout en permettant d'en fixer les conditions et les limites à l'acquisition du droit et à son exercice.

3. Effets post mortem des stipulations au profit des tiers

Une stipulation au profit d'un tiers génère une diversité de relations entre les différentes parties impliquées. Certaines d'entre elles (Le rapport de couverture et le rapport entre promettant et bénéficiaire) se fondent directement sur le contrat lui-même alors que le rapport entre le stipulant et le bénéficiaire, en tant que cause du contrat, est en réalité une relation extérieure. Toutefois, cette autonomie du contrat relative à la relation sous-jacente n'est pas confirmée dans tous les cas et n'est pas non plus défendue avec la même intensité dans tous les systèmes. L'exemple le plus clair est le dépôt bancaire avec désignation de bénéficiaire en cas de mort du titulaire du compte.

Les Principes OHADAC n'établissent aucune règle spécifique sur les effets post mortem des stipulations au profit des tiers. Cela s'explique du fait de la divergence claire qui existe entre les systèmes romano-germaniques et de common law, voire même entre les premiers entre eux. Le reste des textes d'harmonisation du droit des contrats n'en établissent non plus aucune (PU, DCFR et PECL). L'absence de règle sur ce point ne correspond pas à une lacune, ni ne laisse un vide juridique sur un aspect essentiel des contrats au profit de tiers. La prise en compte spécifique des régimes successoraux est essentiellement liée à la valeur stipulant-tiers et, par conséquent, il n'est pas nécessaire d'en énoncer les règles en matière de contrat au profit de tiers. D'un point de vue abstrait, le contrat au profit d'un tiers conserverait toute sa validité et son efficacité, alors que l'attribution du droit qui est conféré (et qui appartient au rapport de valeur) pourrait être postérieurement attaquée ou annulée par le stipulant.

Quant au principe d'économie juridique, il est proposé dans ce type de cas d'inclure au contrat des clauses spécifiques permettant de respecter les solutions impératives du rapport de valeur, soit au travers de règles spécifiques de révocabilité de la stipulation, soit au travers de l'insertion au contrat d'un régime propre aux exceptions opposables par le promettant face à l'action en exécution engagée par le tiers bénéficiaire. Ces deux aspects seront traités dans les dispositions correspondantes des présents Principes.

Commentaire

Article 5.2.2

Clauses d'exonération ou de limitation de responsabilité

Les parties peuvent consentir au bénéficiaire le droit d'invoquer, à l'encontre du promettant, une clause du contrat qui exclut ou limite la responsabilité du stipulant.

Parmi les avantages susceptibles d'être consentis au tiers, figurent les clauses exonératoires ou limitatives de responsabilité incluses dans le contrat conclu entre le stipulant et le promettant. De la sorte, le tiers peut les invoquer également à son profit dans le cas où sa responsabilité serait engagée. Cette possibilité est expressément prévue par l'article 5.2.3 PU et l'article II-9:301 (3) DCFR. Ce type de stipulation au profit du tiers présente des particularités quant aux hypothèses les plus habituelles en matière de contrat au profit de tiers. D'une part, si en général le tiers est demandeur face au promettant, dans le cas présent c'est le bénéficiaire qui sera le défendeur pour le promettant. D'autre part, dans les cas typiques de contrats au profit de tiers, la demande déposée par le tiers se fonde sur le contrat qui lie le stipulant et le promettant, tandis que dans le cas présent, la demande du promettant à l'encontre du tiers sera fondée sur la responsabilité extracontractuelle de ce dernier. Ainsi, les stipulations au profit de tiers se sont montrées particulièrement utiles dans les secteurs comme la construction ou le transport afin d'étendre aux entreprises auxiliaires les bénéfices découlant des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité insérées au contrat principal, telles que les clauses dites « Himalaya ». Ce type de « droits » est fréquent dans le secteur du transport où les contrats prévoient habituellement une clause limitative de responsabilité du transporteur qui sera également applicable au profit des autres contractants participant à l'exécution du transport. Ils bénéficient, en tant que transporteurs effectifs et alors qu'ils ne sont pas partie au contrat à proprement parler, de la même protection que celle dont bénéficie le transporteur signataire du contrat et dans les mêmes limites, si une réclamation ou une demande est déposée contre eux.

Exemple : Un contrat de transport est conclu entre l'entreprise A et le transporteur B, par lequel est prévue une limitation de responsabilité à un montant maximum de 30.000 dollars. En vue de réaliser le transport, B soustraite C. Un dommage est subi par la marchandise durant le transporte, face à la réclamation de A, le sous-traitant C pourra invoquer la limitation maximale de responsabilité de 30.000 dollars prévue au contrat conclu entre A et B.

La section 3 (6) du Contracts (Rights of Third parties) Act de 1999 régit de façon générale ce type de clauses et la section 6 (5) relative aux contrats de transport maritime et aux contrats de transport ferroviaire, routier et aérien. Les antécédents particuliers du droit anglais pourraient expliquer la nécessité de se prononcer expressément sur ce type de clauses, dans le Contracts (Rights of Third parties) Act, vu l'importance qu'elles revêtent dans le secteur du droit maritime, et qui avaient obligé à recourir à des constructions juridiques variées avant de conduire aux limitations issues de la privity. De la sorte, la règle posée par le Contracts (Rights of Third parties) Act suppose l'admission en droit anglais de l'efficacité des clauses dites « Himalaya » permettant d'étendre les limitations de responsabilité du transporteur aux dockers et autres prestataires indépendants du transport. Dans la lignée des règles de La Haye-Visby concernant les préposés du transporteur (article IV.bis de la Convention internationale pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement du 25 août 1924), cela revient à établir le même système de limitation de responsabilité à côté de l'action (contractuelle ou extracontractuelle) qui peut être exercée.

Dans les droits civils européens appliqués dans la zone OHADAC, il n'existe pas de disposition semblable, ni même dans le projet de réforme du droit des obligations initié en France en 2013. Toutefois, ce silence normatif ne préjuge pas en soi la négation du droit de conférer ce type de droits à des tiers. Évidemment, la réponse définitive devra être trouvée dans le cadre de chaque droit, mais la tendance générale est qu'en l'absence de référence expresse, il ne peut pas être déduit que l'attribution de tels droits, dans le cadre de contrat au profit de tiers, est interdite.

Dans ce contexte, le silence des codes civils de la zone OHADAC ne doit pas être interprété non plus comme une interdiction ou une impossibilité de convenir de clauses de ce type au bénéfice de tiers. Il existe des dispositions spécifiques qui admettent, de façon expresse ou implicite, l'extension des limitations de responsabilité aux tiers. Il convient de citer, dans ce sens, l'article 702 du code de commerce hondurien ou l'article 216 de la loi du commerce maritime de 2006 du Venezuela. Par conséquent, l'on comprend que dans les limites de l'autonomie de la volonté des parties, une place peut être réservée aux clauses exonératoires de responsabilité au profit du tiers. En tout cas, l'efficacité de ce type de clauses sera analysée à la lumière des dispositions des articles 7.1.7 et 7.4.7 des présents Principes.

Commentaire

Article 5.2.3

Révocation d'une stipulation en faveur d'un tiers

La stipulation peut être modifiée ou révoquée tant que le bénéficiaire n'a pas notifié son acceptation à l'une quelconque des parties au contrat.

1. Règle générale de la révocabilité et ses limites

L'origine contractuelle du droit du tiers fait qu'il dépend de la configuration que les parties auront donnée au contrat ainsi que des conditions dans le temps que celles-ci auront, le cas échéant, déterminées pour son acquisition. Dans ce contexte, il est important de fixer le moment où la révocation ou la modification du droit du tiers peut se produire, et le moment à partir duquel le droit du tiers sera considéré comme étant acquis. À défaut d'accord exprès, la limite posée est celle de l'acceptation du droit par le tiers. Il s'agit, par là, de garder un certain équilibre entre la liberté contractuelle des parties contractantes et la sécurité juridique du tiers bénéficiaire. Ce système est suivi par les codes civils français et dominicain, dans la section 2 (3) du Contracts (Rights of Third Parties) Act de 1999 et par les codes civils néerlandais et surinamais, quand ils posent l'acceptation du tiers comme limite à la révocabilité [article 6:253.2]. C'est également la solution défendue par le droit espagnol. De même, l'acception par le tiers est la limite retenue par dans les différents codes civils de la zone de l'OHADAC (article 1.010 du code civil costaricain : article 1.121 des codes civils dominicain et français : article 1.549 du code civil hondurien : article 1.871 du code civil mexicain : article 1.875 du code civil nicaraguayen : article 1.108 du code civil panaméen : article 1.209 du code civil portoricain : article 962 du code civil saint-lucien). C'est également la solution retenue par les PU et les PECL. Toutefois, le DCFR part d'une première prémisse partiellement différente, qui fixe une limite à la modification ou la révocation du droit au moment où celui-ci reçoit notification que ce droit lui a été conféré en vertu du contrat. Cela suppose de fixer un régime d'acquisition automatique et immédiate du droit par le bénéficiaire qui oblige, postérieurement à établir un système de renonciation [article II-9:303 (1) DCFR] qui fonctionnera, mutatis mutandis, comme une sorte de condition résolutoire du droit attribué au tiers.

La règle posée par les présents Principes retient la réglementation majoritaire qui pose la limite à la modification ou à la révocabilité du droit du tiers au moment de son acceptation. Il découle de ce principe, sauf convention contraire, que l'acception du droit par le tiers est nécessaire de sorte que si le bénéficiaire décède avant d'avoir consenti, il n'aura rien acquis ni rien transmis à ses héritiers.

Cette règle favorise et facilite, en outre, la relation contractuelle entre le stipulant et le promettant qui sauront par avance jusqu'à quel moment ils pourront modifier ou révoquer les accords impliquant un tiers. S'avère fondamental, non seulement le fait d'accepter mais également celui de notifier aux parties contractantes cette acceptation, notification qui peut être effectuée par une déclaration de volonté expresse dans ce sens ou bien résulter du simple fait de se retourner contre le promettant pour exiger de lui l'exécution de son obligation (comme cela est prévu par l'article 316 du code civil cubain). Dans les deux cas, il s'agit d'une notification et ce critère est généralement partagé par les législations civiles de la zone OHADAC. La notification de l'acceptation est un élément qui garantit également la sécurité juridique des parties contractantes.

À cela s'ajoute la question du destinataire de cette acceptation. Les droits civils caribéens qui se prononcent sur cette question établissent que la notification devra parvenir au promettant, car il est tenu à l'exécution de la prestation (ce que prévoient les codes civils de Cuba, du Honduras, du Nicaragua, du Panama et de Porto Rico). La même solution est contenue dans le Contracts (Rights of Third Parties) Act de 1999. Toutefois, la règle posée par les Principes OHADAC laisse la possibilité de communiquer l'acceptation à l'une quelconque des parties contractantes, dans la même ligne que les codes civils néerlandais et surinamais [article 6:253.3] ou que l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013 (article 115). Cette solution est cohérente avec le régime reconnaissant le droit de révocabilité, que nous verrons ensuite.

Il est exclu du champ des Principes OHADAC l'acceptation tacite de ce droit. Cette solution est retenue par le code civil colombien (article 1.506) pour les actes réalisés par le débiteur qui auraient uniquement pu être exécutés en vertu du contrat. Elle est également établie, par une formulation plus souple, à l'article 5.2.5 des PU. Un tel critère, outre le fait qu'il n'est pas majoritairement reconnu dans la zone OHADAC, pose d'importants problèmes d'interprétation pour identifier les comportements susceptibles ou non de constituer une acceptation, et de ce fait, constituent une incertitude qui est inutile pour le devenir du contrat.

Malgré le silence des codes civils caribéens sur ce point, il convient de considérer que la règle comprend non seulement la possibilité de révocation mais également la modification du droit conféré au tiers, tel que cela est prévu dans les PU et dans le DCFR. La logique dans ce cas est similaire à la révocation, tant que l'acceptation par le tiers du bénéfice qui lui est conféré l'a été dans les termes convenus. Une modification postérieure, particulièrement si elle porte atteinte aux intérêts du tiers pourrait être considérée comme une restriction de ses droits acquis.

Dans tous les cas, il ne pourra pas être entendu que la règle limitant la révocabilité aura un caractère impératif si les parties ont expressément convenu d'un régime spécifique de révocabilité ou de modification du droit et, par conséquent, si le tiers bénéficiaire en a connaissance. C'est ce que prévoit, par exemple, le code civil guatémaltèque, qui offre la possibilité au stipulant de se réserver le droit de révoquer le droit du tiers (article 1.533). Par conséquent, la règle contenue dans les Principes OHADAC se limite à une présomption qui garantit la sécurité juridique du bénéficiaire, dans la mesure où il connait sur la base du contrat les conditions et la portée de son droit et qui, également, garantit l'autonomie et la liberté des parties contractantes de pouvoir configurer comme elles l'entendent le droit qu'elles souhaitent conférer au tiers.

2. La titularité du droit de révocation

Les Principes OHADAC n'établissent aucune règle sur la titularité du droit de révoquer, car il est considéré que cette question devra être déterminée au cas par cas par les parties. Le droit comparé offre, sur ce points, deux modèles divergents : la titularité exclusive du stipulant, reprise dans le paragraphe deux de l'article 6:253 des codes civils néerlandais et surinamais, et dans l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013 : et la titularité partagée, sous condition d'un accord entre stipulant et promettant, contenue dans le Contracts (Rights of Third Parties) Act de 1999.

La même diversité existe dans les textes d'harmonisation contractuelle : alors que les PU tendent vers une titularité partagée entre le promettant et le stipulant, les PECL attribuent la titularité exclusive au stipulant et le DCFR laisse la détermination de la titularité du droit de révocation à l'accord convenu dans le contrat.

Cette dualité s'observe également dans les dispositions des pays de l'OHADAC. Ainsi, le code civil colombien opte pour la volonté des deux parties au contrat (article 1.506). Le droit vénézuélien (article 1.164 du code civil) présume que le stipulant détient le droit de révoquer car il mentionne que celui-ci ne peut pas révoquer si le tiers a déclaré qu'il souhaite se prévaloir de ce droit. Une solution similaire figure à l'article 962 du code civil saint-lucien. À un niveau plus extrême, le droit guatémaltèque (article 1.533 du code civil) permet au stipulant de se réserver le droit de se substituer au tiers sans son consentement ni celui de l'autre contractant. Les autres codes civils, tel le cubain, le dominicain, le mexicain ou le nicaraguayen, ne disposent pas en la matière.

L'absence de règle spécifique dans les Principes OHADAC suppose simplement que ce seront les parties au contrat qui, au regard des circonstances de chaque contrat, détermineront à qui appartient le droit de modifier ou de révoquer. D'un point de vue strictement contractuel, il n'est pas strictement nécessaire, surtout en l'absence de consensus, d'avoir à établir un régime spécifique quant à la titularité du droit de révoquer qui repose fondamentalement sur la relation sous-jacente entre le stipulant et le tiers bénéficiaire. L'absence de stipulation expresse ne constitue pas une lacune, mais un renvoi général à l'interprétation du contrat qui lie le stipulant et le promettant et à la libre volonté qu'ils ont manifestée. Cette solution s'ajuste mieux à la configuration du droit du tiers et permet, dans ce cas, d'établir les possibilités de révocation selon celui qui aura un véritable intérêt à l'attribution d'un droit au profit du tiers. Habituellement, il est compris que cet intérêt revient au stipulant, mais rien n'empêche que le promettant aussi puisse en disposer et, par conséquent, qu'il requiert un accord pour toute modification ou révocation du contrat.

Commentaire

Article 5.2.4

Moyens de défense opposables

Le promettant peut opposer au bénéficiaire, à défaut de stipulation contraire, les moyens de défense dérivés du contrat comportant la stipulation pour autrui.

Les contrats au profit de tiers déterminent le régime des moyens de défense opposables par le promettant dès lors que le tiers bénéficiaire réclame l'exécution de l'obligation. Dans ces cas, il faut déterminer quels sont les moyens de défense qui peuvent être invoqués et au regard de quelles relations, sachant que la trilogie qui existe dans ces cas est la suivante : la relation entre le stipulant et le promettant, matérialisée par les clauses du contrat : la relation de valeur entre le stipulant et le tiers : et les relations qui peuvent établies, en marge, entre le promettant et le tiers.

Le régime des moyens de défense opposables par le promettant à l'encontre du tiers constitue l'un des domaines, au sein du régime des contrats au profit de tiers, qui présentent le moins de différences dans une analyse comparative. Le tiers assume une position à part entière, qui dépend uniquement de la manière dont son droit a été configuré par le promettant et le stipulant dans le contrat. Cela rend la stipulation pour autrui, de par l'autonomie caractéristique du droit du tiers, différente des droits qui le cas échéant peuvent être conférés à des tiers « ayant cause » d'une des parties au contrat. La question a connu une importance particulière dans le secteur de la responsabilité civile maritime dans le droit anglais au moment d'apprécier la place des tiers lésés demandeurs face à des mutuelles d'assurance de protection et d'indemnisation (P & I), qui leur refusaient la qualité de tiers, car leur statut étaient préalablement pris en compte par l'assuré (c'est-à-dire que la personne lésée « entre dans la peau » de l'assuré).

Sont en parfaite correspondance avec cette autonomie du droit du tiers bénéficiaire, les relations entre le promettant et le stipulant qui seront établies, hors du cadre de la stipulation pour autrui prévue au contrat, et qui ne pourront pas être opposables au tiers en tant que moyen de défense. Cette règle est claire pour certains systèmes juridiques qui la prévoient expressément. Toutefois elle découle également, étant en conformité avec la nature du contrat au profit du tiers, de certains systèmes qui ne consacrent pas cette protection de manière expresse. Ainsi, face à la réclamation déposée par le tiers à l'encontre du promettant en vue d'obtenir l'exécution de l'obligation convenue à son profit, ce dernier ne pourra pas lui opposer, par exemple, un moyen de défense qu'il s'agit d'une compensation de créance entre lui et le stipulant qui serait fondée sur une obligation préalable contractée avec ce dernier.

Sur ce même fondement, le promettant ne peut pas non plus opposer comme moyen de défense, face à la réclamation du tiers, la relation de valeur établie entre le stipulant et le tiers. D'une façon générale, le promettant ne pourra pas opposer au tiers des questions comme la nullité ou la révocabilité de la relation de valeur pour se libérer de l'exécution de l'obligation à laquelle il s'est engagée.

La solution retenue dans les présents Principes reprend le sens de l'article 1.872 du code civil mexicain et de l'article 745 du code de commerce hondurien, qui limitent expressément les moyens de défense opposables par le promettant fondés sur le contrat ayant conféré le droit du tiers. Le silence des autres codes civils ne signifie pas une position différente sur ce point, vu que, comme cela a été indiqué, l'autonomie du droit du tiers est consubstantielle à la reconnaissance même des contrats au profit de tiers ainsi qu'au fait qu'il émane du contrat liant le stipulant et le promettant. Dans ce type de contrats, il est considéré généralement que les moyens de défense personnels que le stipulant pourrait avoir à l'égard du promettant ne pourront pas être invoqués.

La disposition figurant dans les présents Principes présente, en tout cas, un caractère dispositif. Il est possible d'obtenir une autre solution si le promettant et le stipulant l'établissent ainsi dans le contrat. Cela est clairement habituel dans le domaine de la reprise de dette entre le stipulant et le tiers : dans ce cas, les moyens de défense personnels, dont le promettant dispose à l'encontre du tiers, seront admis.

Exemple : Dans un contrat de vente, l'acheteur (X) retient une partie du prix afin de payer les dettes du vendeur (Y) qu'il a envers des créanciers déterminés (Z1, Z2 et Z3), et à l'égard desquels il s'engage à réaliser le paiement. Y est le stipulant, X est le promettant et Z1, Z2, Z3 sont les bénéficiaires.

Dans la mesure où cela n'affecte pas l'autonomie et la configuration du droit conféré au tiers, rien n'empêche le promettant d'opposer au tiers les moyens de défense basés sur les relations personnelles établies entre lui et le tiers, et qui seront régies par le régime général des obligations applicable entre eux. Il n'est pas nécessaire d'introduire dans les présents Principes une règle spécifique sur ce point, dans la mesure où la possibilité de s'opposer à cette clause relève du cadre habituel des relations contractuelles et, de ce fait, demeure en dehors des spécificités du contrat au profit de tiers.

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Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international.pdf