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Jeudi 28 Mars 2024

L'Association ACP Legal

  • L'Ohadac et ACP Legal

    La notoriété mondiale et le succès du programme OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) ont amené de très nombreux juristes, des entreprises et certains Gouvernements des Etats de la Caraïbe à réfléchir à la mise en place d'un programme d'unification du droit des affaires dans la Caraïbe reprenant la philosophie du précédent de l'OHADA.

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  • L'OHADAC en bref

    Plaquette réalisée par l'Association ACP Legal.

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PRINCIPES OHADAC RELATIFS AUX CONTRATS DU COMMERCE INTERNATIONAL

Article 3.4.1

Vices du consentement

L'erreur, le dol, la contrainte et l'abus de faiblesse ou de dépendance sont des vices du consentement.

Les systèmes juridiques de la Caraïbe ont en commun, dans certaines situations, de permettre l'annulation du contrat quand l'une quelconque des parties a prêté un consentement vicié. Conformément à la typologie retenue, constituent des vices de consentement l'erreur, le dol, la contrainte et l'abus de faiblesse ou de dépendance. Les catégories proposées reposent sur les mêmes critères de neutralité que l'ensemble des dispositions qui gouvernent les présents Principes. Les catégories de vices mentionnées visent à donner un espace suffisant pour accueillir les contenus ou les institutions qui, présents dans les systèmes de la Caraïbe, servent des fonctions similaires.

La classification adoptée permet de regrouper les principales situations contractuelles dans les systèmes de la Caraïbe quant à l'application du régime des vices du consentement. Par ce regroupement et cette comparaison juridique, les présents Principes prétendent non seulement contribuer à la connaissance et la clarification de la réglementation des vices de consentement dans les systèmes de la Caraïbe, mais ils visent également à vérifier et proposer les lignes de convergence possible face à une vision harmonisatrice dans un cadre pluriculturel.

Les présents Principes reprennent la classification des vices du consentement qui comprennent ceux figurant dans les codes traditionnels et auxquels s'ajoutent l'abus de faiblesse et de dépendance qui découlent de la undue influence propre à l'equity law. Cette catégorie, originaire de la common law, est contenue d'une manière générale et sous différentes formes par les textes européens et internationaux relatifs au droit des contrats. La classification s'apparente donc au schéma suivi par d'autres textes sur le droit des contrats, qui ont également dû résoudre des problèmes de coordination entre les institutions afin de proposer une construction juridique d'utilité commune pour la sphère du droit continental et celle de la common law, tels que les PU, le DCFR, les PECL et la CESL.

Alors que les PU considèrent l'erreur, le dol, la contrainte et l'avantage excessif (articles 3.2.1 à 3.2.7) comme étant des causes d'annulation du contrat, les PECL traitent dans le chapitre général de la validité du contrat de l'erreur (article 4:103), du dol (article 4:107), de la contrainte (article 4:108), de l'avantage excessif ou injuste (article 4:109) et des clauses abusives dans les contrats non négociés individuellement (article 4:110). Le DCFR quant à lui répertorie parmi les vices du consentement : la mistake (article II-7:201), la fraud (II-7:205), la coercion or threats (article II-7:206) et la unfair exploitation (article II-7:207) : enfin, la CESL vise l'erreur (article 48), le dol (article 49), les menaces (article 50) et l'exploitation déloyale (article 51).

Les présents Principes, tout en suivant la tendance des textes mentionnés ci-dessus et se référant au traitement qui en est fait dans les multiples systèmes de la Caraïbe, ont écarté des vices du consentement la violence physique ou vis absoluta qui ne peut pas être associée aux autres vices du fait de l'absence totale de volonté. Le traitement de ces situations relèvera du régime établi par l'article 3.1.1.

Les catégories proposées ne présentent pas de difficultés particulières pour les systèmes juridiques qui sont sous l'influence romano-germanique. Ils considèrent que l'erreur, la violence, la contrainte et le dol sont des vices du consentement. Certains systèmes adoptent cette classification de manière littérale (article 1.556 du code civil hondurien : article 1.116 du code civil panaméen : article 1.217 du code civil portoricain). D'autres ont établi des variantes exclusivement terminologiques (articles 2.455, 2.457 et 2.460 du code civil nicaraguayen, qui utilisent l'expression « force » pour les situations de violence et « peur grave » pour les cas de contrainte : les articles 69 et 71 du code civil cubain, emploient le terme de « fraude » pour se référer à des situations qui sont considérées comme du dol dans d'autres systèmes : les articles 1.015 a 1.020 du code civil costaricain considèrent comme vices du consentement, l'erreur la force ou la peur grave, la contrainte et le dol). Enfin, d'autres dispositions afin de parvenir à plus de simplification du régime, ont inclus les situations types de contrainte ou de menace sous la dénomination générique de violence (articles 1.109 et 1.112 des codes civils dominicain et français : article 904 du code civil haïtien : articles 1.812 et 1.819 du code civil mexicain : articles 1.146 et 1.151 du code civil vénézuélien) ou de force (article 1.508 et article 1.513 du code civil colombien). Face à cette tendance générale, il s'avère anecdotique de mentionner que le code civil cubain ne contient, du moins de façon formelle, aucune disposition spécifique pour les situations de violence et que le code civil guatémaltèque insère la simulation dans les vices du consentement (article 1257). De même, le code civil saint-lucien (article 925 du code civil) inclut aussi la lésion (lesion) parmi les vices que sont l'erreur (error), le dol, (fraud), la violence (violence) et la peur (fear).

La classification adoptée s'appuie également sur le système néerlandais. Selon l'article 3:44 des codes civils néerlandais et surinamais, un contrat pourra être annulé dès lors qu'interviendra duress (violence), fraud (dol) et undue influence. D'autre part, il pourra également être annulé pour erreur conformément à l'article 6:228.

La classification proposée prend en considération la divergence existant entre la common law et la tradition romano-germanique quant au sens respectif de l'erreur et de la mistake, institutions qui ne se correspondent pas pleinement. Cela est dû au régime du terme mistake qui intervient dans des situations diverses, et pour être traité comme il se doit, les présents Principes proposent de prendre en compte les différents types de mistake, en fonction des conséquences juridiques associées à chaque situation.

Les auteurs anglais font la distinction entre la common mistake (erreur commune), la mutual mistake (erreur mutuelle ou bilatérale) et l'unilateral mistake (erreur unilatérale). Dans la common mistake l'accord entre les parties ne fait pas défaut, mais le consentement des parties repose sur une erreur. À titre général la common mistake reste soumise à la règle relative à l'erreur de l'article 3.4.3. Toutefois, au regard de la conséquence que produisent (nullité absolue ou inexistence du contrat) l'erreur sur res extincta, qui retombe sur l'objet du contrat dès lors que celui-ci s'est éteint à défaut de consentement entre les parties avant sa conclusion [Couturtier v Hastie (1856), 5 HL Cas. 673 : Strickland v Turner (1852), 155 ER 919] et l'erreur de l'acquéreur qui ignore qu'il est déjà propriétaire de la chose qui lui a été vendue, ou erreur par res sua [Abraham v Oluwa (1944), 17 NLR 123], sont traitées dans les présents Principes comme une impossibilité initiale (article 3.1.3). Le même traitement s'applique à la mutual mistake, qui se caractérise par l'existence d'un malentendu entre les parties qui ont négocié pensant chacune à une chose ou à un acte différent. Vu que la conséquence de ce type d'erreur, dans les pays de la common law, est la nullité absolue ou l'inexistence du contrat [Raffles v Wichelhaus (1864), 2 H. & C. 906 : Scriven Brothers & Co v Hindley & Co (1913), 3 KB 563], les présents Principes reprennent le traitement de ce type de mistake par l'inexistence du consentement (article 3.1.1). Enfin, il existe également l'unilateral mistake ou erreur unilatérale qui intervient dès lors qu'une seule partie commet une erreur, alors que l'autre ne se trompe pas, et au contraire, s'aperçoit de ce qui se passe ou aurait dû le faire. Ce type de mistake, vu le traitement qu'elle a reçu dans les systèmes de common law, reste soumis au régime de l'erreur de l'article 3.4.3.

La classification proposée facilite la rencontre entre l'institution de la common law connue sous le nom de misrepresentation et les situations d'erreur et de dol contenues dans le droit romano-germanique, selon qu'il s'agit d'une situation de innocent misrepresentation ou de fraudulent misrepresentation. Les deux permettent d'annuler le contrat (article 1 du Misrepresentation Act 1967 ou article 2 du Bermuda Law Reform Act de 1977 : section 164 du Restatement Second of Contracts).

Dans le cas de documents signés par erreur, ou dont le contenu diffère de ce qui est attendu, la common law permet également, bien que de manière exceptionnelle, de considérer le contrat comme nul, dans le cas de contrats conclus par des personnes aveugles ou analphabètes [arrêt de la High Court de Trinité-et-Tobago dans l'affaire Seepersad v Mackhan (1982), nº 533 de 1977 (Carilaw TT 1982 TT 27) : arrêt de la Supreme Court des Bahamas dans l'affaire Gordon v Bowe (1988), Carilaw BS 1988 SC 75]. Bien que, en règle générale, l'erreur dans la déclaration soit placée par l'article 3.4.4 des présents Principes sous le même régime que l'erreur viciée, vu la gravité particulière que revêtent les circonstances dans lesquelles se produit l'erreur, elle n'est pas non plus incluse dans le champ d'application des vices et est régie par l'article relatif au défaut de consentement.

La violence et la contrainte des droits continentaux trouvent facilement une figure similaire dans les systèmes de common law au travers de l'institution de la duress. Tout comme cela arrive dans les systèmes de la Caraïbe qui ont été sous l'influence du droit espagnol et du droit français, il y a duress dès lors que l'on effraie quelqu'un par des menaces ou une contrainte (vis compulsiva).

Dans les systèmes romano-germanique de la Caraïbe, il n'existe pas de vice spécifique qui puisse ressembler à la undue influence, c'est-à-dire à l'influence indue qui est exercée sur l'une des parties dans le but de lui faire conclure le contrat. Si cela arrive, le contrat peut être annulé à condition que le consentement de l'une des parties n'ait pas été exprimé librement du fait que l'autre a profité d'une situation de confiance, d'un état de nécessité ou de dépendance ou de fragilité psychologique de celle-ci pour obtenir indûment son consentement. La juridiction in equity a élaboré la théorie de la undue influence afin de protéger les cas de vices du consentement non protégés par les règles de la duress. Toutefois, certains cas de undue influence entreront sous le régime de la contrainte, tel que cela ressort du commentaire relatif à la contrainte et à l'abus de faiblesse ou de dépendance.

Commentaire

Article 3.4.2

Nature impérative ou supplétive des règles

1. Les régimes du dol, de la contrainte et l'abus de faiblesse ou de dépendance sont impératifs.

2. Le régime de l'erreur est applicable, sauf accord contraire des parties.

1. Signification du caractère impératif du régime des vices

Dans la majorité des systèmes de la zone OHADAC, le régime des vices du consentement n'est pas soumis à la liberté des parties, c'est-à-dire qu'il revêt un caractère impératif. L'affirmation du caractère impératif du régime du dol, de l'intimidation et de l'abus de faiblesse ou de dépendance par les présents Principes, même s'ils reflètent les solutions nationales, doit être entendue comme des paramètres méthodologiques distincts. Il convient de rappeler que les présents Principes ne constituent que des propositions de clauses contractuelles pouvant être insérées au contrat, sachant que les parties peuvent décider de ne pas retenir certaines des dispositions. Hormis cette dynamique, les présents Principes en affirmant le caractère impératif du régime des vices visent l'équité du contrat en attribuant la préférence au régime des vices du consentement contenu dans les présents Principes plutôt que les clauses convenues entre les parties. Compte tenu que le régime des vices du consentement a pour finalité de garantir une déclaration de volonté libre et non viciée, l'exclusion de telles dispositions par les parties serait contraire aux postulats les plus élémentaires de la moralité contractuelle et de l'ordre public international. Les présents Principes introduisent donc dans le contrat un élément d'« auto-tutelle » ou d'autocontrôle sur le contrat qui s'avère approprié aux fondements de sa force contraignante.

Il s'agit d'un mécanisme d'autocontrôle qui s'accorde avec celui utilisé dans tous les systèmes de la Caraïbe en matière de vices du consentement. De la sorte, les présents Principes ne font que rappeler que les systèmes des pays et des territoires de la Caraïbe interdisent aux parties au contrat, dans le cadre de l'autonomie de la volonté, de limiter ou de renoncer à appliquer les règles régissant les vices du consentement. Bien que cette règle existe dans certains systèmes (p. ex. article 1.021 du code civil costaricain : article 1.822 du code civil mexicain : article 2.461 du code civil nicaraguayen), les mêmes conséquences découlent facilement du reste, étant donné le refus que leur opposent, dans les sociétés modernes, les situations contractuelles contenues sous les différentes catégories de vices du consentement. Ce caractère impératif a conduit les présents Principes à opter pour l'application du régime juridique des vices du consentement du droit national applicable au contrat. Le caractère indérogeable du régime des vices du consentement sera établi par le droit national que les parties auront choisi pour le contrat, conformément aux recommandations émises par les présents Principes. Sinon, le régime dérogatoire relèvera du droit national qui sera applicable faute d'accord entre les parties sur ce point. Par conséquent, le régime proposé n'a pas l'intention d'affecter ce caractère impératif, mais plutôt de contribuer, quand cela sera possible, à clarifier et à créer des consensus sur des postures de rejet, tout en restant dans les limites du droit disponible laissé par les droits nationaux.

2. Caractère dispositif du régime de l'erreur

Bien qu'il n'existe aucune déclaration légale à cet effet, l'examen des systèmes de la Caraïbe révèle que dans cette zone régionale, tout comme dans les pays européens, il existe un régime juridique de type dispositif pour le régime tant de l'erreur que du vice du consentement contractuel. À titre anecdotique, il n'existe qu'un système juridique en dehors de la sphère des systèmes de l'OHADAC qui attribue à ce régime un caractère impératif (article 218 du code civil péruvien). Dans les compilations des règles de droit des contrats, il est également dans la dynamique générale d'attribuer un caractère dispositif au régime de l'erreur [article 3.1.4 PU : article 4:118 (2) PECL : article I-7:215 DCFR : article 56 CESL].

La physionomie générale du régime de l'erreur dans les systèmes nationaux comporte deux types de conséquences. D'une part, lorsque les parties choisissent les présents Principes, le régime proposé remplace celui établi par le droit applicable au contrat. Le remplacement s'opère largement et s'étend tant à la définition des situations concernées par l'erreur importante pour déterminer l'annulation du contrat que sur la fixation de limites au droit d'annulation du contrat, tel que cela est mentionné à l'article 3.4.3 des présents Principes. D'autre part, le caractère dispositif du régime de l'erreur contenu dans les présents Principes permet aux parties, dans le contrat, de remplacer ou modifier le régime de l'erreur. Cela rend parfaitement possible le fait que les parties déclarent, par exemple, l'inapplication du présent régime et son remplacement par le régime établi par le droit national qui leur est le plus familier. De même, il est possible de faire des modifications au régime proposé au moyen d'une clause qui est recommandée dans le commentaire de l'article 3.4.3.

Dès lors que les parties ont choisi les présents Principes mais qu'elles préfèrent que, pour ce qui concerne le régime de l'erreur comme du vice du consentement, un droit différent s'applique, y compris un droit qu'elles auront choisi suite aux recommandations, il convient que ce régime choisi soit avéré par l'insertion d'une clause spécifique.

Commentaire

Article 3.4.3

Erreur

1. Une partie peut annuler le contrat si, lors de la conclusion du contrat, elle a commis une erreur substantielle de fait ou de droit, et si :

  1. l'autre partie a provoqué l'erreur, ou rendu l'erreur possible par son silence contraire à son devoir légal d'information : ou
  2. l'autre partie a commis la même erreur : ou
  3. l'autre partie a connu ou aurait raisonnablement dû connaitre l'existence de l'erreur, de sorte qu'il était contraire à la loyauté contractuelle propre aux usages commerciaux de laisser l'autre partie dans l'erreur.

2. Une erreur est tenue pour substantielle si elle est d'une gravité telle qu'une personne raisonnable placée dans la même situation que la partie qui a subi l'erreur n'aurait pas conclu le contrat.

3. Le droit d'annuler le contrat n'est pas reconnu si :

  1. l'erreur est inexcusable par suite du manque de diligence ou d'attention de la victime de l'erreur : ou
  2. le risque d'erreur a été assumé par la victime ou si celle-ci doit en assumer le risque en raison des circonstances de l'espèce.

1. Portée du régime de l'erreur

La présente disposition a pour but d'offrir aux opérateurs un régime pour l'erreur qui soit, à la fois, capable d'accorder les traditions juridiques existantes dans les pays et les territoires de la Caraïbe, de réceptionner les développements les plus avancés intervenus sur ce régime juridique et d'insérer les exigences propres aux contrats commerciaux susceptibles d'appliquer les présents Principes.

L'erreur comme le vice du consentement est bien connue des systèmes romano-germaniques (articles 1.509 à 1.512 du code civil et article 900 du code de commerce colombiens : articles 1.015 à 1.016 du code civil costaricain : article 70 du code civil cubain : article 1.110 des codes civils français et dominicain : articles 1258 à 1.260 du code civil guatémaltèque : article 905 du code civil haïtien : article 1.557 du code civil hondurien : article 6:228 des codes civils néerlandais et surinamais : articles 1.813 à 1.814 du code civil mexicain : articles 2.455 à 2.456 du code civil nicaraguayen : article 1.117 du code civil panaméen : article 1218 du code civil portoricain : articles 1.147 à 1.149 du code civil vénézuélien). Dans les systèmes qui entrent dans la tradition de la common law, il existe également un corps législatif, mais majoritairement jurisprudentiel, sur la mistake et la misrepresentation [article 2 de la Law Reform Misrepresentation and Frustrated Contracts des Bermudes : sections 152 à 154 (mistake) et 159 à 165 du (misrepresentation) Restatement Second of Contracts]. Un régime relatif à l'erreur existe également dans les pays ayant été influencés par des traditions juridiques diverses (article 926 du code civil saint-lucien).

Les dispositions des présents Principes ont pour but d'offrir un régime très simple et moderne pour le vice de l'erreur par rapport à celui dont disposent la majorité des systèmes de la Caraïbe, et ce sans non plus apporter des règles faisant violence aux cultures juridiques en présence. Dans l'analyse qui suit, seront mises en évidence certaines différences et similitudes principales entre les droits des pays et des territoires de la Caraïbe. Les connaitre constitue un intérêt particulier non seulement quand le droit applicable sera celui de l'un des pays ou territoire de la Caraïbe, mais également quand il s'agira de résoudre, au moyen de l'interprétation, quelque doute ou ambiguïté survenu lors de l'application des présents Principes.

La règle s'applique à toutes les situations contractuelles dans lesquelles l'erreur apparaitra comme vice de consentement. Sont compris, la majorité des cas qui dans les systèmes romano-germaniques sont regroupés sous les typologies de l'erreur sur la chose, l'erreur sur la substance, l'erreur sur la personne ou d'erreur de droit. Dans les Principes OHADAC, l'erreur dite de compte ou l'erreur de calcul mérite par contre un traitement spécial. Il s'agit de lui appliquer le même régime que celui applicable à l'erreur dans la déclaration régi par l'article 3.4.4. De la sorte, il s'avère possible de se passer des difficultés liées à la détermination du moment où l'erreur s'est produite, qui pourra être celui où la déclaration a été effectuée ou un moment antérieur à l'étape du décompte ou du calcul.

Compte tenu de la particularité des systèmes de common law, il convient de préciser les cas types auxquels s'applique le régime prévu par la présente disposition. Tel que cela a été indiqué dans le commentaire de l'article 3.4.1, certaines situations répertoriées dans l'erreur ou la mistake dans les systèmes de common law ne sont pas incluses dans le champ d'application de la présente disposition, dans la mesure où le problème juridique fondamental est traité dans d'autres dispositions des présents Principes du fait des conséquences juridiques d'un tout autre ordre qui découlent de ces situations.

Bien qu'à titre général, les cas de common mistake sont soumis au régime prévu par la présente disposition, deux types particuliers de common mistake en sont exclus. Il s'agit de celle qui porte sur la res extincta, à savoir, sur l'objet du contrat dès lors que celui-ci s'est éteint sans que les parties ne le connaissent avant la conclusion du contrat, en application du régime de la common law (section 6 du Sale of Goods Act de 1979 : section 8 du Sale of Goods Act de Montserrat : section 8 du Sale of Goods Act d'Antigua-et-Barbuda : section 8 du Sale of Goods Act des Bahamas : section 8 du Sale of Goods Act de Trinité-et-Tobago : section 8 du Sale of Goods Act du Bélize : section 7 du Sale of Goods Act de la Jamaïque), qui est ramené au régime de l'impossibilité initiale (article 3.1.3). De même, l'erreur qui se produit quand l'acquéreur ignore qu'il est déjà propriétaire de la chose qui lui a été vendue, constitue un cas d'erreur pour res sua [Abraham v Oluwa (1944), 17 NLR 123]. Les deux situations sont exclues du champ d'application du régime de l'erreur.

De ce point de vue, tel que cela a déjà été indiqué dans le commentaire de l'article 3.1.3, les présents Principes proposent une délimitation entre les régimes de l'impossibilité initiale et celui de l'erreur qui n'est pas évidente dans les textes internationaux relatifs au droit des contrats (article 3.1.3. PU : article 4:102 PECL : article II-7:102 DCFR).

Le présent régime n'est pas non plus applicable aux cas où les parties ignoraient ou ne pouvaient pas prévoir l'impossibilité de l'objet ou de l'exécution du contrat. Bien que cette ignorance soit considérée par nombre de codes civils en vigueur dans les systèmes caribéens comme une cause de nullité pour erreur (p. ex. article 1.518 du code civil colombien : articles 627 et 631 du code civil costaricain : articles 1.599 et 1.601 des codes civils dominicain et français : article 1.564 du code civil hondurien : article 1.827 du code civil mexicain : article 1.832 du code civil nicaraguayen : article 1.123 du code civil panaméen : article 1.224 du code civil portoricain), les présents Principes ont opté pour soumettre ces situations aux règles applicables aux cas d'impossibilité d'exécution. Ce traitement uniforme exclut le besoin d'appliquer deux régimes alternatifs, celui de l'erreur et celui des conséquences de l'inexécution, situations dont la qualification peut s'avérer difficile.

Exemple : Une société colombienne propriétaire d'un tableau de Picasso le vend à un musée privé espagnol. Toutefois, un incendie détruit le tableau quelques heures avant que le contrat ne soit signé. Soumettre cette situation au régime de l'erreur oblige à vérifier le moment où s'est produite la destruction. Donc, selon si elle a été antérieure ou postérieure à la conclusion du contrat, le régime de l'erreur ou de l'impossibilité d'exécution s'appliquera. Afin d'éviter cette difficulté, les Principes OHADAC soumettent la situation sous ces deux versions au même régime.

La présente disposition ne s'applique pas non plus à la mutual mistake, qui se rapporte aux situations où il existe entre les parties un réel malentendu, c'est-à-dire que chacune d'elle a négocié en pensant à une chose ou à une affaire différente. Vu que ce type d'erreur dans les pays de common law conduit à la nullité absolue du contrat [Raffles v Wichelhaus (1864), 2 H & C 906 : Scriven Brothers & Co v Hindley & Co (1913) 3 KB 563], les présents Principes renvoient le traitement des cas de mutual mistake au régime de l'inexistence de consentement (article 3.1.1).

La présente disposition s'applique aux situations où se produit une unilateral mistake ou erreur unilatérale, c'est-à-dire celles où une seule partie est dans l'erreur, alors que l'autre ne se trompe pas, mais, au contraire, s'aperçoit ou aurait dû s'apercevoir de ce qui se passe. La présente disposition s'applique également dans de nombreux cas pouvant être qualifiés dans les pays de common law de innocent ou negligent misrepresentation, à savoir que l'erreur qui s'est produite ne comporte pas d'intention de tromperie. Tel que déjà indiqué, le régime de la présente disposition ne s'applique pas aux actes signés par erreur ou présentant un contenu différent de celui souhaité, et qui sont considérés comme nuls par les systèmes de common law dès lors que l'erreur concerne des personnes aveugles ou analphabètes [arrêt de la High Court de Trinité-et-Tobago dans l'affaire Seepersad v Mackhan (1982), nº 533 de 1977 (Carilaw TT 1982 TT 27) : arrêt de la Supreme Court des Bahamas sur Gordon v Bowe (1988), nº 346 de 1975 (Carilaw BS 1988 SC 75)].

Le régime de l'erreur établi par les présents Principes s'articule autour de deux éléments. Le premier consiste à définir l'erreur importante qui génère le droit d'annuler le contrat. Pour qu'il y ait erreur importante, il faut que deux conditions soient réunies. D'une part, il doit s'agir d'une erreur essentielle. D'autre part, en plus de l'erreur essentielle, il faut que se produise au moins l'une des situations suivantes : l'erreur doit avoir été provoquée par l'autre partie : l'erreur est commune : ou l'une des parties connaissait l'erreur de l'autre ou aurait dû la connaitre. Le second élément porte sur les circonstances qui provoquent le droit d'annuler le contrat. Parmi elles, il y a le fait que l'erreur a été due à un défaut d'attention ou de diligence de la victime (erreur inexcusable) : ou le fait que le risque d'erreur aurait été pris par la victime ou que suite à ces circonstances, cette partie devait courir le risque de l'erreur.

2. Erreur essentielle

L'application du régime de l'erreur dans les présents Principes requiert l'existence d'une erreur essentielle. L'erreur est essentielle dès lors que si elle ne s'était pas produite, le contrat n'aurait pas été conclu. La limite posée par les présents Principes sur le caractère essentiel de l'erreur ne constitue pas une nouveauté dans les systèmes romano-germaniques, qui d'une façon plus ou moins nette reprennent cette notion (article 1.511.2 du code civil colombien : article 1.015 du code civil costaricain : article 73 du code civil cubain : article 1.110 des codes civils dominicain et français : article 1.258 du code civil guatémaltèque : article 905 du code civil haïtien : article 6:228 du code civil néerlandais et surinamais : article 1.557 du code civil hondurien : article 1.813 du code civil mexicain : articles 2.462 et 2.463 du code civil nicaraguayen : article 1.117 du code civil panaméen : article 1.218 du code civil portoricain : articles 1.147 et 1.148 du code civil vénézuélien). La tendance est claire également dans l'article 40 de l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013.

Dans les systèmes de common law, dans la notion qui regroupe tous les cas de common mistake, l'erreur doit porter sur un fait fondamental (fundamental mistake) ou sur un point fondamental du contrat, sans lequel les parties ne seraient pas parvenues à un accord [Bell v Lever Brothers Ltd (1932), AC 161, 206 : Galloway v Galloway (1914), 30 TLR, 531]. Dans le même ordre d'idée, pour le droit nord-américain une non-fraudulent misrepresentation ne permet l'annulation du contrat que si elle est essentielle (section 162.2 du Restatement Second of Contracts).

La même voie est empruntée par les textes d'unification du droit des contrats, qui tendent à limiter l'importance de l'erreur aux seuls cas où elle s'est avérée déterminante dans la conclusion du contrat (article 3.2.1 PU : article 4:103 PECL : article 48.1 CESL : article II-7:201 DCFR).

Le déplacement de l'axe du régime juridique de l'erreur, allant de l'objet sur lequel elle porte jusqu'à son caractère essentiel, opéré par les présents Principes, rend possible la rationalisation et la simplification de ce régime, et fait perdre toute utilité aux typologies classiques relatives à l'objet de l'erreur (error in corpore, in persona, in negotio ou in substantia) qui, sous l'influence des droits français (article 1.110 des codes civils français et dominicain) et espagnol (articles 1.266 et 1.267 du code civil espagnol), subsistent dans de nombreux codes de la Caraïbe (articles 1.510-1.512 du code civil colombien : article 69 du code civil cubain : articles 1.259 et 1.260 du code civil guatémaltèque : article 1.557 du code civil hondurien : articles 2.455 et 2.467 du code civil nicaraguayen : article 1.117 du code civil panaméen).

La règle proposée conserve uniquement la distinction entre l'erreur de fait et l'erreur de droit qui ont pour finalité de dissiper les doutes susceptibles d'exister sur la possibilité que l'erreur retombe sur les règles juridiques. Dans les systèmes de la Caraïbe, seul le Mexique dans son article 1.813 du code civil fournit une classification simple de l'erreur. Les autres vont dans le sens des textes internationaux les plus modernes de codification du droit des contrats dans lesquels, d'une façon générale, tout type d'erreur qui porte sur des circonstances de fait ou de droit est important et relève d'un régime unitaire (article 3.2.1 PU : article 4:103 PECL : article II-7:201 DCFR : article 48.1 CESL). La même classification apparait dans les travaux législatifs préliminaires en droit français (article 39 de l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013).

Il convient de préciser que dans certains systèmes de la Caraïbe, il existe des solutions qui n'entrent pas dans l'erreur de droit (p. ex. article 1.509 du code civil colombien). Vu l'importante inégalité juridique susceptible d'être générée entre les parties au contrat, les présents Principes prévoient que les parties peuvent insérer au contrat une clause spécifique sur leur intention de restreindre la portée de l'erreur sur les questions juridiques. Ce choix pourra être effectué par la rédaction d'une clause spécifique dans les termes mentionnés ci-dessous.

Les présents Principes retiennent une évaluation objective du caractère essentiel de l'erreur. Il consiste à comparer le comportement de la victime de l'erreur avec celui d'une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Restant fidèle aux exigences propres au commerce, il a été opté pour une approche simplement objective quant aux circonstances des relations commerciales, sans considération des circonstances subjectives. Les éléments susceptibles d'affirmer le caractère essentiel de l'erreur sont, donc, déterminés par le commerce lui-même. Par exemple, dans le commerce d'œuvre d'art l'authenticité d'un tableau s'avère importante, surtout s'il s'agit de peintres prestigieux. Si l'acheteur pensait qu'il achetait un Picasso et que le tableau n'était pas en réalité l'œuvre de ce peintre, nous serions en présence d'une erreur essentielle pour les Principes OHADAC car une personne raisonnable placée dans la même situation n'aurait pas conclu le contrat.

Loin d'être une innovation, le choix retenu reprend l'évolution de nombreux systèmes de la Caraïbe qui sont peu formulés légalement pour faire place à des interprétations jurisprudentielles qui se préoccupent davantage des besoins du commerce. Cela s'est produit aussi dans le droit français.

Les présents Principes, forts de cette évolution, basent le choix opéré sur un double pilier : l'évolution jurisprudentielle notable et une claire vocation à servir les besoins du commerce. L'objectif visé présente l'avantage de concilier les intérêts du commerce par l'établissement de règles uniformes.

La solution retenue ressemble à celle établie par l'article 3.2.2 (1) PU. Par contre, elle se détache de celle retenue par les PECL et la CESL. Ces textes régissent l'erreur autour du fait que la partie qui n'a pas subi l'erreur savait que la victime n'aurait pas conclu le contrat si elle avait eu connaissance de l'existence de l'erreur.

3. Erreur provoquée

L'existence d'une erreur essentielle ne suffit pas pour faire naitre le droit à l'annulation du contrat. Ce droit est reconnu, en premier lieu, dès lors que l'erreur a été provoquée par l'autre partie. Dans l'erreur provoquée, il convient de distinguer deux types de situation : dans la première, il peut y avoir eu une communication d'information de manière inconsciente qui aurait présenté un défaut quelconque : dans la seconde, l'erreur peut être la conséquence du manquement au devoir d'information. Bien que les présents Principes ne régissent pas ce type de devoirs, il n'est pas nécessaire de préciser qu'ils peuvent être imposés par des lois de police applicables au contrat. Dans les deux cas, il s'agit d'une erreur provoquée sans intention de tromper donc dans un tel cas, il s'agira d'un dol (article 3.4.6).

L'importance donnée à l'erreur provoquée n'est pas étrangère aux systèmes de common law. En marge des nuances propres à la configuration jurisprudentielle de la misrepresentation, les situations les plus habituelles de wholly innocent or non fraudulent misrepresentation interviennent dès lors que quelqu'un a procédé à une déclaration des faits inexacte et que cette communication a emporté la conclusion du contrat, ouvrant le droit à l'annulation [section 2 du Law Reform (Misrepresentation and Frustrated Contracts) Act des Bermudes : section 162 du Restatement Second of Contracts].

La nécessité de l'existence d'une erreur provoquée comme condition permettant de donner droit à l'annulation du contrat est également présente dans les systèmes néerlandais et surinamais [paragraphe 1 (a) de l'article 6:228 du code civil]. Toutefois, une limite existe. Le droit à l'annulation cesse d'exister dès lors que l'autre partie aurait de toute façon accepté de conclure le contrat malgré l'information erronée. La condition n'est pas aussi nette dans les systèmes romanistes. Toutefois, dans la pratique le caractère excusable de l'erreur peut conduire à des résultats semblables.

La règle établie par les présents Principes, pour le reste, demeure dans la lignée des solutions données par les textes internationaux du droit des contrats [article 3.2.2 PU : article 4:103 (1) (a) (i) PECL : article II-7:201 DCFR : article 48.1 (b) (i) CESL].

4. Erreur commune

Les présents Principes offrent, également, la possibilité d'annuler le contrat dès lors que l'erreur est commune aux deux parties. Une règle analogue à la présente existe dans la majorité des textes d'unification du droit des contrats [article 3.2.2 (1) (a) PU : article 4:103 PECL : article II-7:201 (I) (b) (iv) DCFR : article 48.1 (b) (iv) CESL). L'ouverture du droit d'annuler le contrat, quand l'erreur est commune aux parties, ne constitue pas une nouveauté dans les systèmes de la Caraïbe, ils correspondent aux diverses traditions. Dans le traitement de la common mistake, l'equity a connu un rôle important dans l'ouverture du droit d'annuler le contrat pour erreur, surtout en tenant compte du caractère restrictif avec lequel cette option a été appréciée en application de la common law. Dans une application stricte de la common law les décisions rendues en sont venues à considérer que, malgré l'existence d'une fundamental mistake commune aux parties, le contrat n'était pas nul [Bell v Lever Brothers Ltd (1932), AC 161 : Leaf v International Galleries (1950), 1 All ER 693 : Frederick E Rose Ltd v William H Pim Fur & Co Ltd (1953), 2 All ER 739]. Par contre, avec l'équité, l'existence de ce type de fundamental mistake commune aux parties a été déclarée comme déterminante dans l'annulation [Solle v Butcher (1949), 2 All ER 1107 : Galloway v Galloway (1914), 30 T.L.R. 531]. Cette tendance à prononcer l'annulation du contrat de façon plus extensive, existe également dans les juridictions de la Caraïbe [arrêt de la Court of Appeal d'Anguilla dans l'affaire Dammer v Wallace (1993), ECS (Anguilla) Civ App nº 1 of 1991 (Carilaw AI 1993 CA 3) : arrêt de la Court of Appeal de la Jamaïque dans l'affaire Stuart v National Water Commission (1996) Civ App nº 3 1995 (Carilaw JM 1996 CA 31) : Johnson v Wallace (1989), (Bahamas) 1 Carib Comm LR 49].

Il convient de signaler que le critère retenu par ces décisions a reçu une sévère critique de la part de la English Court of Appeal, qui a considéré que l'interprétation faite dans l'affaire Solle v Butcher, ouvrant droit à l'annulation du contrat pour l'erreur commune qui s'est produite sur un engagement fondamental de parties, pourrait être en contradiction avec l'interprétation faite dans l'affaire Bell v Lever, du fait qu'il ressort que la première constitue une attaque à la sécurité du contrat [Great Peace Shipping Ltd. Tsavrilis Salvage (International) Ltd (2002), 4 All ER 689].

Le fait qu'actuellement il ne soit pas possible de connaitre l'influence de cette interprétation restrictive de la common mistake sur les juridictions de la Caraïbe peut constituer un facteur important à prendre en compte pour les parties au moment de décider quelle configuration de l'erreur choisir parmi celles proposées par les présents Principes.

L'erreur est également régie, avec des conditions similaires, dans la section 152.1 du Restatement Second of Contracts. L'erreur commune est également considérée comme importante par le droit néerlandais et surinamais (paragraphe 1 de l'article 6:228 du code civil), mais seulement en tant que ligne de départ, car il établit de nombreuses et importantes exceptions. Les systèmes romanistes ne conditionnent pas spécifiquement l'erreur commune à l'annulation du contrat. Toutefois, il existe une tendance à retenir l'existence d'une erreur commune dans le concept de l'erreur essentielle.

Vu que les motifs subjectifs qui conduisent les parties à conclure le contrat ne sont pas habituellement explicités et ne peuvent faire l'objet d'une erreur commune, la règle sur l'erreur posée par les présents Principes ne permet pas d'attribuer de valeur à l'erreur portant sur de tels motifs subjectifs. Cette conséquence non seulement répond au besoin de sécurité des échanges commerciaux, mais en outre concilie pleinement les systèmes de la Caraïbe entre eux. Cependant, les présents Principes n'empêchent pas d'accorder une importance aux motifs exprimés ou connus par les deux parties au moment de la conclusion du contrat. Dans ce cas, il s'agira d'une erreur commune sur les motifs, ou d'une erreur reconnaissable. Si l'acheteur se trompe en évaluant le tableau ayant appartenu à ses ancêtres, il n'y a pas d'erreur susceptible d'ouvrir un droit à annulation, car les motifs subjectifs ne sont pas ici pertinents. Toutefois, si le motif exprimé, et connu de l'autre partie, fait que celle-ci s'aperçoit de l'erreur ou aurait dû s'en apercevoir, alors le motif acquiert une pertinence causale qui ouvre droit aux conséquences de l'erreur. Bien que les dispositions légales relatives à l'erreur sur le motif ne soient pas fréquentes, les travaux législatifs préliminaires en droit français contiennent une règle qui offre une solution similaire (article 42 de l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013).

5. Connaissance de l'erreur et devoir d'information

À l'instar des textes les plus avancés en matière d'unification du droit des contrats [article 3.2.2 (1) (a) PU : article 4:103 (1) (a) (ii) PECL : article II-7:201 (1) (b) (ii) DCFR : article 48 (1) (b) (iii) CESL], les Principes OHADAC reconnaissent le droit d'annuler le contrat pour une erreur essentielle dès lors qu'elle a été connue ou aurait pu être connue par l'autre partie. En dehors des cas d'erreur provoquée et d'erreur commune, si l'erreur n'était pas connue et ne pouvait être connue, le droit à l'annulation du contrat s'avère moins sûr. La règle portant sur le caractère reconnaissable de l'erreur implique un devoir implicite de se dégager de l'erreur dans laquelle se trouve l'autre partie, si celle-ci était en situation d'en informer l'autre partie et qu'elle ne l'a pas fait, elle doit assumer les conséquences de l'annulation du contrat. Alors que dans l'erreur provoquée il faut identifier un devoir d'information établi par la loi, et ce devoir n'existe pas sur le plan légal, même s'il peut figurer au titre des usages commerciaux par exemple.

Dans les systèmes de common law certains précédents ont consacré la unilateral mistake. Il convient de mentionner l'erreur qui s'est produite lors de la conclusion du contrat de vente de fruits par les parties pour un prix déterminé au poids (la livre), alors que l'autre partie se référait à ce prix mais à la pièce. Conformément à l'application de la coutume habituelle en matière commerciale, qui correspondait au mode de conclusion des négociations, le contrat a été déclaré nul [Hartog v Colin and Shields (1939), 3 All ER 566 : Webster v Cecil (1861), 54 ER 812]. Il résulte de ces décisions que la déclaration de nullité provient du fait que l'autre partie qui ne s'est pas trompée connaissait, ou du moins, aurait dû connaitre l'erreur de l'autre.

Outre les cas où l'erreur peut être manifeste, l'application de cette règle pose la difficulté de savoir quel volume d'information doit être communiqué. Pour définir ce volume d'information, les textes d'unification du droit des contrats ont recours à des éléments distincts. Alors que la CESL se réfère aux devoirs d'information exigés pour « le principe de bonne foi et de loyauté », les PU qualifient ces devoirs de « contraire[s] aux exigences de la bonne foi en matière commerciale ». Les PECL, quant à eux, traitent directement d'une attitude silencieuse « contraire aux exigences de la bonne foi » et le DCFR prend aussi en compte la « good faith » et la « fair dealing ». Les Principes OHADAC optent également pour un concept juridique fondé sur les exigences en matière commerciale et, de ce fait, requiert la prise en compte des devoirs d'information découlant de la loyauté contractuelle propre aux usages commerciaux.

Les présents Principes n'ignorent pas que cette proposition de règlementation constitue une innovation importante pour les opérateurs habitués aux systèmes de la Caraïbe relevant de la common law, et au titre desquels, sauf dans les cas exceptionnels, la mistake ou misrepresentation n'incluent pas les cas où les parties ont omis de mentionner les éléments contractuels importants, ni les cas de dissimulation. Dans ces systèmes, il n'existe pas de devoir des parties de s'informer mutuellement des faits essentiels relatifs au contrat. En effet, en application de la règle caveat emptor, le vendeur n'est pas tenu de révéler les défauts dans la qualité de la terre ou des marchandises qu'il est en train de vendre [Keates v Lord Cadogan (1851), 138 ER 234 : Smith v Hughes (1871), L.R. 6 Q.B. 597]. Il n'existe pas non plus de relation de confiance entre l'acheteur et le vendeur pendant la négociation du contrat de laquelle peut découler un devoir d'information, de sorte que la réticence à informer l'autre partie ne peut pas être considérée comme une fraude [Walters v Morgan (1861), LR 2 Ch App 21]. Ce n'est que dans des cas exceptionnels que le silence a été considéré comme étant une misrepresentation, tout particulièrement dans les contrats uberrimae fidei comme l'assurance. Dans le droit nord-américain de la misrepresentation, le silence et la dissimulation d'information sont seulement considérés comme une representation dans les cas exceptionnels mentionnés par la section 161 du Restatement Second of Contracts, et ce pour fondamentalement éviter que des déclarations précédentes ne puissent amener à conclure un contrat vicié par l'erreur. La situation est différente dans les systèmes romano-germaniques où la jurisprudence a pour habitude de reconnaitre l'existence d'un devoir d'information réciproque au moment de conclure le contrat, malgré quelques limites.

Au regard de ces différences de critère notable entre les systèmes de common law et les systèmes romano-germaniques, dès lors que les opérateurs préfèreront choisir un régime de l'erreur plus approprié aux traditions juridiques de la common law, il leur est conseillé d'insérer une clause à leur contrat dans les termes mentionnés à la fin du commentaire du présent article et dont l'objectif est de désactiver la nullité du contrat en cas d'erreur connue ou reconnaissable par l'autre partie, cette partie n'étant pas tenue légalement d'informer l'autre de l'existence de cette erreur.

6. Exceptions au droit d'annulation du contrat

Malgré l'existence d'une erreur essentielle, et l'une quelconque des circonstances mentionnées dans le paragraphe premier de la présente disposition (erreur provoquée, erreur commune et erreur connue ou reconnaissable), l'annulation du contrat ne pourra pas intervenir si la victime de l'erreur n'a pas effectué les diligences requises pour sa reconnaissance, à savoir, dans le cas d'une erreur inexcusable.

Dans les systèmes romano-germaniques, l'annulation du contrat est habituellement écartée en cas d'erreur inexcusable. Le caractère excusable de l'erreur, comme condition nécessaire pour provoquer l'annulation, n'est pas toujours consacré légalement (à l'exception de l'article 1.146 du code civil vénézuélien). En droit français cette condition a été consacrée par la jurisprudence au titre de l'application de l'erreur comme vice de consentement. La condition, toutefois, apparait à l'article 39 de l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013.

Selon la théorie du caractère inexcusable de l'erreur, chacune des parties doit s'informer et défendre ses intérêts, sans avoir à réclamer la protection de la loi ou des juges en toute circonstance. Aussi, chacune des parties est tenue de s'informer sur les éléments déterminants à la conclusion du contrat. Actuellement, il semble y avoir un certain consensus jurisprudentiel pour considérer que l'erreur inexcusable ne repose pas obligatoirement sur une grande négligence (faute grossière), et qu'une négligence normale suffit. Pour répondre à la question de savoir si l'erreur est ou non excusable, il est habituel de se référer, surtout, à l'âge, la profession et l'expérience professionnelle de la partie.

Dans les systèmes de common law, le concept de faute de la victime remplit une fonction similaire permettant d'annuler le contrat vicié par erreur. La faute de la victime apparait comme raison susceptible de faire obstacle à l'annulation tant dans les décisions des systèmes de la Caraïbe [arrêt de la Court of Appeal d'Anguilla dans l'affaire Dammer v Wallace (1993), ECS (Anguilla) Civ App nº 1 de 1991, Carilaw aI 1993 CA 3] que dans les dispositions relatives à l'erreur [section 157 du Restatement Second of Contracts]. Dans les textes d'unification du droit des contrats, la faute grave de la victime de l'erreur ou de l'erreur inexcusable est également une cause limitant la possibilité d'annuler le contrat [article 3.2.2. (2) (a) PU : article 4:103 (2) (a) PECL : article II-7:201 (2) (a) DCFR].

Les présents Principes retiennent, comme deuxième exception au droit d'annuler le contrat, le cas où la victime de l'erreur a assumé ou aurait dû assumer le risque de l'erreur. L'expression de cette exception fait entrer les présents Principes dans les textes les plus évolués en matière du régime de l'erreur, qui figurent dans les textes internationaux d'unification du droit des contrats [article 3.2.2 (2) (b) PU : article 4:103 (2) (b) PECL : article II-7:201 (2) (b) DCFR : article 48 (2) CESL]. La règle fonctionne si l'erreur est considérée comme étant un problème de répartition du risque et que dans cette répartition de multiples critères vont entrer en ligne de compte. Le risque de l'erreur peut être attribué à la partie qui en est victime, au regard des engagements pris par les contractants, et ce conformément aussi aux usages dans le commerce. Il est de plus possible de tenir compte d'autres critères, comme la qualité de la victime de l'erreur (expert, tenu de s'informer, etc.). La règle figure expressément mentionnée à l'article 6:228 des codes civils néerlandais et surinamais. Dans les systèmes se trouvant dans la sphère de la common law, il existe également des dispositions qui répondent à ces critères (section 154 du Restatement Second of Contracts).

CLAUSES SUR L'ERREUR

Exclusion de l'erreur de droit

« Aucune partie ne pourra invoquer, comme cause de nullité du présent contrat ou de l'une quelconque de ses clauses, une erreur relative au droit ou à des règles juridiques. »

Exclusion du devoir d'information en matière commerciale

« Les parties renoncent à leur droit d'annuler le contrat ou l'une quelconque de ses clauses pour erreur conformément aux dispositions de l'article 3.4.3, paragraphe 1, c), des Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international et qui régissent le présent contrat. »

Commentaire

Article 3.4.4

Erreur dans l'expression

Le régime de l'erreur, contenu dans le précédent article, est applicable aux cas d'erreur ou d'inexactitude d'expression ou de transmission d'une déclaration, sans préjudice de l'application des règles d'interprétation du contrat de la section 1 du chapitre 4 des présents Principes.

1. Application du régime général de l'erreur

Les présents Principes n'établissent aucune solution spéciale pour le traitement de l'erreur dans la déclaration, de ce fait le régime applicable est celui de l'article précédent. Cela ne préjuge pas, toutefois, de la possibilité de traiter l'erreur comme étant la conséquence de l'application des critères d'interprétation du contrat établis dans la section première du chapitre 4 des présents Principes.

L'application du régime général de l'erreur dans la déclaration ne répond pas à la majorité des traditions juridiques dans les pays de la Caraïbe, dont les fondements, au moins à l'origine, dépendent également des mêmes conceptions volontaristes qui ont ancré la configuration des systèmes. Les systèmes romano-germaniques partent également de la distinction entre l'erreur par vice et l'erreur dans la déclaration ou l'erreur obstacle. Alors que la première permet l'annulation du contrat, seulement sous certaines conditions (p. ex. erreur essentielle, erreur commune, erreur inexcusable), et dès lors que la deuxième erreur intervient, le contrat est automatiquement considéré comme nul ou inexistant par manque de volonté suffisante pour parvenir à sa conclusion.

L'évolution des systèmes, surtout au travers de la pratique des juridictions, a permis de relever combien était inopérant le fait d'empêcher de recourir aux exceptions à l'annulation contenues dans le régime de l'erreur par vice. Outre le fait que les résultats peuvent s'avérer manifestement injustes, la diversité de traitement pour l'une ou l'autre erreur entraine dans la pratique des problèmes de qualification délicats. Si un vendeur, par erreur, indique le mauvais prix sur un article au moment d'émettre son offre, il s'agit d'une erreur de déclaration et le vendeur pourra opposer l'erreur obstacle afin de demander la nullité du contrat. Par contre, si l'erreur n'est pas intervenue seulement au moment d'indiquer le prix du produit, mais avant lors de la phase de la préparation de l'offre, par une erreur de calcul préalable, et que l'erreur n'a pas été détectée au moment de l'offre, le contrat pourra être annulé sous certaines conditions.

Les difficultés au moment de faire ce type d'appréciations ont démontré la nécessité de soumettre le régime de l'erreur de déclaration à des modèles plus souples, permettant d'insérer des cas relatifs à la théorie du risque. Cela permettrait de se référer davantage au fait de savoir si celui qui a émis l'offre a assumé le risque que le prix ne soit pas calculé correctement, autrement dit si permettre à l'autre partie de demander l'exécution du contrat pourrait être considéré comme contraire à la bonne foi, plutôt que de se référer au moment où l'erreur s'est produite.

D'autre part, les textes sur l'unification du droit des contrats retiennent clairement cette tendance. En effet, ils renvoient le régime de l'erreur de déclaration au régime général de l'erreur, en l'appliquant à la personne qui a commis l'erreur d'expression ou de déclaration (article 3.2.3 PU : article 4:104 PECL : article II-7:202 DCFR article 48.3 CESL).

2. Application des règles relatives à l'interprétation du contrat

Le dernier paragraphe de la disposition commentée a pour objet de rappeler que l'erreur de déclaration peut être résolue à travers l'application des règles relatives à l'interprétation du contrat qui figurent dans la section première du chapitre 4 des présents Principes. Il n'est pas fréquent que les législateurs prennent en compte expressément la relation entre le régime de l'erreur de déclaration et le régime de l'interprétation du contrat. La relation, toutefois, s'avère évidente puisque si au travers de l'interprétation du contrat il est possible de dissiper l'erreur, il n'y a pas lieu à annuler le contrat car l'erreur a cessé d'exister. Il est plus aisé de parvenir à cette conclusion quand l'interprétation adopte un critère tendant à connaitre les intentions des parties. Mais également quand il s'agit de suivre un critère objectif, où la volonté et la déclaration sont séparées, et quand il s'agit de conférer du sens à la déclaration au regard du sens spécifique, selon le moyen par lequel la déclaration a été faite.

Les règles de l'interprétation de la section première du chapitre 4 permettent de résoudre quelques problèmes d'erreur de déclaration. Selon la première règle, in claris non fit interpretatio, un terme ne sera pas considéré comme étant clair si à la lumière du contexte du contrat il apparait que ce terme ou cette expression obéit à une erreur manifeste. La règle de l'interprétation de l'article 4.1.2 opte pour une interprétation objective, par laquelle les intentions des parties, connues ou devant l'être, sont tout de même prises en compte. Si l'intention de la partie victime de l'erreur était connue de l'autre partie, cette règle de l'interprétation permet de résoudre le problème de l'erreur de déclaration, en remodelant le contrat conformément à la volonté de la partie qui a été lésée. Dès lors que des critères objectifs purs seront applicables pour interpréter le contrat, il sera possible de connaitre le contenu du contrat et de déterminer s'il a eu erreur de déclaration.

Les solutions apportées à l'erreur de calcul ou de compte par certains codes de la Caraïbe, qui ne confèrent pas le droit à l'annulation du contrat mais simplement à sa rectification (article 1.016 du code civil costaricain : article 1.557 du code civil hondurien : article 1.814 du code civil mexicain : article 2.456 du code civil nicaraguayen), sont guidés par la même règle que celle retenue par les présents Principes, dans le sens où ils donnent à ce type d'erreur une solution qui répond davantage à celles de type interprétatif.

Les règles de la common law ne permettent pas de contester le contrat quand une erreur de déclaration a été commise. Toutefois, les règles de l'equity offrent des recours dans le cas où un accord passé par écrit ne reflèterait pas la volonté des parties. Dans ce type de situations, il y a des cas où le droit, non pas à l'annulation, mais à la rectification du contrat a été reconnu afin de le mettre en harmonie avec l'accord réellement obtenu [Oyadiran v Bagget (1962), LLR 96 : arrêt de la High Court de Saint-Vincent-et-les-Grenadines dans l'affaire Gonsalves v Cordice (2012), nº 339 de 2006]. L'affaire qui est habituellement mentionnée comme référence sur la doctrine de la rectification [Craddock Brothers v Hunt, (1923) 2 Ch. 136], en l'espèce, alors que les parties avaient convenu verbalement, pour la vente d'un immeuble, d'exclure du contrat une cour attenante à la propriété, par erreur, dans l'acte de vente il a été indiqué que la cour faisait partie de la chose vendue. Sur ce point, et conformément aux dispositions ordinaires en matière de common mistake, rien ne peut être fait car il ne s'agit pas d'une erreur qui porte sur un élément fondamental du contrat. Toutefois, la Chancery Court a décidé que le contenu du contrat devait être rectifié, conformément à l'accord passé et à la volonté réelle des parties. La rectification, en général, n'est possible qu'en présence d'une erreur commune. Mais il y a eu, tout de même, des affaires où elle a été reconnue dans les cas d'unilateral mistake dès lors que l'autre partie a reconnu l'erreur et qu'elle a pu en tirer profit [Roberts v Leicestershire County Council (1961), 2 All ER 545]. En droit nord-américain, la règle de la rectification est également visée dans la section 155 du Restatement Second of Contracts.

Les présents Principes optent pour soumettre l'erreur de compte au régime de l'erreur de déclaration. De la sorte, d'une part, le régime est simplifié car il n'impose pas de vérifier à quel moment l'erreur est intervenue, si c'est au moment du calcul préalable ou au moment de faire la déclaration. D'autre part, la solution proposée n'est pas violente par rapport aux solutions mentionnées, car si la rectification est la solution qui se dégage de l'application des critères d'interprétation, alors elle aura lieu.

Commentaire

Article 3.4.5

Extinction du droit d'annuler le contrat

1. Le droit d'annuler le contrat s'éteint si, alors que la partie victime de l'erreur n'a pas annulé le contrat, l'autre partie lui notifie sa volonté d'exécuter le contrat ou l'exécute tel que l'entendait la victime de l'erreur. La notification doit intervenir sans délai après avoir eu connaissance de l'erreur. Le contrat est alors réputé avoir été conclu dans ces derniers termes.

2. La notification de l'annulation fondée sur une erreur demeure sans effet si l'autre partie notifie immédiatement qu'elle est prête à accomplir le contrat tel que l'entendait la victime de l'erreur. Le contrat est alors réputé avoir été conclu dans ces derniers termes.

1. Raison d'être de la perte du droit d'annuler le contrat par erreur

La présente disposition vise les cas où, malgré l'existence d'une erreur en vertu de l'article 3.4.3, la partie victime de l'erreur perd le droit d'annuler le contrat. Cette disposition se fonde sur le fait que, au regard de nouvelles circonstances, la victime de l'erreur n'a plus de raison de faire l'objet de protection. Ces nouvelles circonstances interviennent dès lors que le contenu du contrat conclu correspond à ce qui avait été convenu ou à ce que la partie victime de l'erreur avait pu croire lors de la conclusion. Dans cette situation, la partie victime n'a plus de légitimité pour se désengager du contrat en déclarant par notification que le contrat est annulé. La demande d'annulation se rapproche donc de l'abus de droit et à la doctrine relative à l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui, selon laquelle elle ne peut être protégée. Dès lors que le contenu du contrat correspond à ce dont la partie victime s'attendait, les présents Principes déplacent la protection juridique au profit de la partie qui souhaite conserver la situation juridique créée par le contrat. La présente disposition ne porte pas sur le contenu des règles impératives et met donc à disposition des parties une voie adaptée pour permettre son maintien.

La même solution existe dans la majorité des textes visant l'unification du droit des contrats, qui contiennent des dispositions dont l'objectif est de mettre des limites du même ordre au droit de la victime de l'erreur d'annuler le contrat [article 3.2.10 PU : article 4:105 (1) et (2) PECL : article II-7:203 (1) et (2) DCFR]. Peu de codes dans la Caraïbe laissent entrevoir une règle de ce type. Même si une règle reposant sur le même critère existe à l'article 1.149.2 du code civil vénézuélien.

Afin de ne pas empiéter sur la liberté contractuelle des parties, les Principes OHADAC ont renoncé à établir un régime applicable à une éventuelle adaptation du contrat dans le cas où les parties seraient tombées dans la même erreur. De telles situations sont soumises au régime général de l'erreur établi par l'article 3.4.3.

2. Procédure pour le maintien du contrat vicié par l'erreur

La disposition proposée s'articule sur la possibilité de connaitre les termes sur lesquels s'était entendue la partie autorisée à annuler. Ce n'est que dans ce cas que la disposition proposée s'applique. S'il n'existe aucune certitude sur ce point, et que pour clarifier le contenu contractuel il est nécessaire que les parties concluent un nouvel accord, cette disposition n'est par conséquent pas applicable.

Dans le cas où cela est possible, les présents Principes permettent le maintien du contrat, tel que l'entendait la partie victime de l'erreur, avant la notification de son annulation ou même une fois cette annulation réalisée. Avant cela, l'autre partie peut, une fois que l'erreur a été révélée, notifier sa volonté d'exécuter le contrat. De même, elle peut simplement exécuter le contrat dans les termes convenus et, dans ce cas, le contrat est modifié de la façon dont la partie victime de l'erreur l'avait envisagé. Toutefois, le maintien du contrat peut également avoir lieu alors que la notification de l'annulation a déjà été réalisée, si l'autre partie, sans délai, notifie sa volonté d'exécuter le contrat de la façon dont la partie victime de l'erreur l'avait envisagé.

Commentaire

Article 3.4.6

Dol

Une partie peut annuler le contrat si elle a été induite en erreur, même non substantielle, du fait des manœuvres frauduleuses ou trompeuses de l'autre partie.

1. Fonction du régime du dol

L'insertion dans les présents Principes d'une disposition relative au dol comme vice du consentement doit être comprise au regard des paramètres méthodologiques décrits dans le commentaire du Préambule et de l'article 3.4.2. Vu le caractère impératif attribué au régime du dol par les systèmes de la Caraïbe, les présents Principes n'optent pas pour rendre inapplicable le régime établi par le droit national qui régit le contrat. La réglementation proposée par les présents Principes ne peut que se mouvoir dans les limites posées par les dispositions impératives des États, ce qui justifie qu'il n'y ait aucune intention d'établir un régime se substituant à celui des États et des territoires de la Caraïbe. La connaissance de ces marges pour l'autonomie de la volonté des opérateurs dans le domaine du dol permet une construction commune sur les aspects qui se situent hors de ces marges ce qui, dans la pratique, peut être d'une grande utilité pour les parties au contrat. La connaissance de ces marges permet, par exemple, de découvrir que la présente disposition est totalement fidèle aux systèmes de la Caraïbe ce qui permet à la partie victime de la tromperie d'annuler le contrat par le biais de la simple notification extrajudiciaire, tel que cela est prévu à l'article 3.5.1.

Le dol comme vice du consentement est connu dans les systèmes caribéens romano-germaniques (articles 1.515 et 1.516 du code civil et article 900 du code de commerce colombiens : articles 1.020 du code civil costaricain : article 71 du code civil cubain : article 1.116 des codes civils dominicain et français : articles 1.261 à 1.263 du code civil guatémaltèque : article 909 du code civil haïtien : article 3:44.3 des codes civils néerlandais et surinamais : articles 1.560 et 1.561 du code civil hondurien : articles 1.815 à 1.817 du code civil mexicain : article 2.460 du code civil nicaraguayen : articles 1.120 et 1.121 du code civil panaméen : article 1.221 et 1.222 du code civil portoricain : articles 1.154 du code civil vénézuélien). Dans les systèmes relevant de la tradition de la common law, il existe également une règlementation, qui est dans la majeure partie davantage de source jurisprudentielle que légale, sur la misrepresentation (article 2 de la Law Reform Misrepresentation and Frustrated Contracts de 1977 des Bermudes : section 164 du Restatement Second of Contracts) et elle se trouve également dans les pays dans lesquels ont convergé les traditions anglaises et françaises (article 927 du code civil saint-lucien).

Dans la limite du caractère impératif du régime du dol dans les systèmes nationaux, l'insertion d'une telle disposition poursuit d'autres finalités. En premier lieu il s'agit d'empêcher qu'au moment de la formation du contrat des agissements se produisent afin de fausser la représentation de la réalité, comme la fourniture d'information inexacte dans le but de tromper ou l'omission de fournir une information importante. Les présents Principes visent également à contribuer à la comparaison des droits et à la promotion de la connaissance des systèmes de la Caraïbe, afin de faciliter l'application du régime du dol pour une partie des juges et des arbitres en situations contractuelles transfrontalières. De la sorte, l'effectivité du caractère impératif de ces règles est favorisée.

L'insertion du régime du dol recouvre un sens particulier dans les cas, qui peut-être sont résiduels, où les présents Principes sont considérés comme le régime du contrat. Cela arrivera, par exemple, si pour un litige dont est saisi un arbitre, les parties ont choisi les Principes OHADAC comme régime du contrat, et qu'il n'est pas prévu de s'en remettre au droit national. Dans ce type de situation, l'affirmation du caractère impératif du régime du dol posé par l'article 3.4.2 revêt toute son importance car les parties, si elles ont choisi l'application des présents Principes, au regard de l'autonomie de la volonté ne pourront pas écarter l'application de l'article 3.4.6.

2. Traitement des situations de dol dans les systèmes de la Caraïbe

Dans les systèmes de la Caraïbe, il existe des dispositions qui permettent à la partie victime de la tromperie d'annuler le contrat. Dans les systèmes romano-germaniques de telles situations sont habituellement régies sous la dénomination « dol ». Dans le système cubain, il existe une variation terminologue et au lieu du terme dol est employé le terme « fraude » (article 71 du code civil cubain), mais les deux termes englobent les mêmes situations de tromperie contractuelle.

La tromperie contractuelle existe également dans la misrepresentation propre à la common law. La misrepresentation en soi et sans qualification est une institution de contenu plus large que le dol du fait qu'elle consiste à une fausse représentation de la réalité faite, de manière intentionnelle ou également une représentation négligente, voire innocente, par l'une des parties, de manière directe ou indirecte, c'est-à-dire soit personnellement pour elle-même, soit par l'intermédiaire d'un tiers.

Parmi les cas de misrepresentation, il convient de distinguer celle qui est frauduleuse (fraudulent), celle qui est négligente (negligent) et celle qui est innocente (innocent). Une misrepresentation est frauduleuse dès lors qu'elle est faite de manière consciente, que son auteur connait son absence de vérité et n'intervient pas suite à une simple omission mais bien de façon malhonnête avec l'intention de tromper [Derry v Peek (1889), 14 App Cas. 337 : arrêt de la Court of Appeal de la Jamaïque dans l'affaire Bevad Ltd Oman Ltd (2008), Civ App nº 133 de 2005 (Carilaw JM 2008 CA 54)]. La misrepresentation négligente implique l'existence d'une relation spéciale entre les parties, de sorte que si l'une d'elles fait négligemment une déclaration susceptible d'entrainer la conclusion d'un contrat, sa responsabilité est alors engagée [Hedley Byrne & Co v Heller & Partners Ltd (1963), 2 All ER 575 : section 3 (1) du Misrepresentation Act (Ch 82:35) de Trinité-et-Tobago]. Une misrepresentation est innocente dès lors qu'elle n'est pas due à la faute de son auteur. Un contrat conclu suite à une misrepresentation, de l'une quelconque des catégories mentionnées, est annulable. Toutefois, les lois qui régissent la misrepresentation confèrent habituellement aux tribunaux le pouvoir d'écarter l'annulation du contrat et d'octroyer à la place une indemnisation. S'il y a fraudulent misrepresentation, le representee peut non seulement demander l'annulation du contrat, mais il a également le droit d'obtenir des dommages et intérêts en réparation de son préjudice du fait de la misrepresentation. Bien que les situations concernées par la innocent misrepresentation et la negligent misrepresentation puissent être ramenées au régime de l'erreur provoquée régie par l'article 3.4.3, les situations de fraudulent misrepresentation demeurent régies par la présente disposition.

Dans les systèmes de type néerlandais, la tromperie contractuelle (fraud) donne lieu également au droit d'annuler le contrat (article 3:44.3 des codes civils néerlandais et surinamais).

3. Situations considérées comme dol

Bien que tous les systèmes de la Caraïbe considèrent que la tromperie contractuelle peut constituer une cause d'annulation du contrat, il arrive parfois que les définitions de cette tromperie ne correspondent pas toujours entre elles. Le plus petit dénominateur commun porte sur l'existence d'un comportement frauduleux par l'un des contractants et l'effet que ce comportement provoque sur l'autre partie, c'est-à-dire son incitation à conclure le contrat.

Dans les systèmes romano-germaniques, le dol suppose d'induire en erreur par la tromperie. Le dol peut se produire moyennant des mots ou des actes. Mais également, le dol intervient par omission avec les mêmes effets que l'action dolosive. Certains codes de la Caraïbe font une référence expresse à ces deux variantes de la tromperie contractuelle (article 1.261 du code civil guatémaltèque : article 1.815 du code civil mexicain). Dans d'autres cas, bien que les codes ne fassent référence qu'à l'action dolosive (article 1.560 du code civil hondurien : article 1.120 du code civil panaméen : article 1.221 du code civil portoricain), l'interprétation jurisprudentielle a introduit également le concept de dol par omission. Les systèmes juridiques dans la Caraïbe utilisent des critères distincts pour déterminer quel est le critère à employer pour déterminer ce qu'est une information appropriée. Afin de savoir s'il y a eu ou non tromperie par le fait de ne pas avoir fourni l'information nécessaire, les obligations en matière commerciale peuvent être prises en compte. Les systèmes issus du droit néerlandais répondent à ce même type de solution. L'article 3:44 des codes civils néerlandais et surinamais vise expressément le fait d'apporter intentionnellement une information inexacte et la dissimulation également intentionnelle de tout autre fait qui aurait dû être communiqué.

Dans la pratique, certaines situations peuvent se produire et mettre en doute qu'il s'agit d'une situation contractuelle de dol, car une information contractuelle importante peut avoir été omise, ou d'une situation contractuelle d'erreur connue ou reconnaissable car une obligation importante d'informer n'a pas été exécutée au regard de la loyauté dans les relations commerciales. Le cas du dol par omission, en effet, peut souvent coïncider avec celui de l'erreur reconnaissable. Dans le but de délimiter les deux figures (erreur reconnaissable et dol par omission) il convient de porter l'attention sur l'intention susceptible d'avoir provoqué ou non l'erreur et de vérifier l'existence de la tromperie. Cette difficulté disparait si les parties insèrent la clause qui est recommandée et qui rend inapplicable l'article 3.4.3, paragraphe 1, c).

Dans les systèmes de common law, ce type de problèmes de délimitation ne se pose pas. En règle générale, le silence n'est pas considéré comme representation, et le simple fait de découvrir la réalité fait qu'il n'existe pas de fraudulent misrepresentation. [Keates v Lord Cadogan (1851), 138 ER 234 : Walters v Morgan (1861), LR 2 Ch App 21 : section 161 du Restatement Second of Contracts]. La misrepresentation a lieu dès lors que, de façon active, il est créé une fausse image de la réalité avec l'intention de tromper l'autre contractant. Le comportement dolosif par omission, dû au silence fait autour de l'information requise ou importante, n'est admis qu'à titre exceptionnel. Conformément à la configuration de la misrepresentation, celle-ci n'est pas constituée par le seul fait d'occulter l'information si elle ne relève pas d'une obligation légale. En accord avec cette règle, il convient de souligner que dans les travaux législatifs préliminaires qui sont en cours en droit français, les omissions dolosives sont circonscrites également aux cas de non-accomplissement du devoir d'information légale (article 44 de l'avant-projet de réforme du droit français des obligations).

4. Dol pertinent pour annuler le contrat

Le dol ou la tromperie contractuelle ne comporte pas toujours l'annulation du contrat. Nombre de systèmes de la Caraïbe associent l'effet de l'annulation du contrat exclusivement à la tromperie qui revêt une gravité particulière, et sans laquelle le contrat n'aurait pas été conclu. À l'instar du droit français (article 1.116 des codes civils français et dominicain), nombre de systèmes de la Caraïbe dépendent également de la distinction entre le dol causam dans et le dolus incidens. Alors que le premier ouvre la possibilité d'annuler le contrat, le second ouvre seulement droit à l'indemnisation du préjudice (p. ex. article 1.515 du code civil colombien : article 1.020 du code civil costaricain : article 73 du code civil cubain : article 1.116 des codes civils dominicain et français : article 909 du code civil haïtien : article 1.561 du code civil hondurien : article 1.816 du code civil mexicain : article 2.466 du code civil nicaraguayen : article 927 du code civil saint-lucien : article 1.154 du code civil vénézuélien). Bien que cette distinction ne figure pas dans la common law, pour ces systèmes l'annulation du contrat n'est possible que si la représentation, ayant conduit à la tromperie, a été déterminante au moment de la prestation du consentement (section 164 du Restatement Second of Contracts).

De même, dans les systèmes issus du droit néerlandais, seule la fraud déterminante de la conclusion du contrat constitue un motif d'annulation (article 3:44 du code civil néerlandais). Au contraire, les déclarations portant sur les termes généraux, même si elles s'avèrent erronées, ne constituent pas en soi une fraud. Dans ce sens, l'article 1.821 du code civil mexicain dispose que « les considérations générales exposées par les contractants sur les profits et préjudices qui naturellement peuvent émaner de la conclusion ou non du contrat, et qui n'emportent pas tromperie ou menace pour l'une des parties, ne pourront être considérées comme constitutives de dol ou de violence ».

De plus, pour que le dol puisse conduire à annuler le contrat, il faut qu'il ait été causé par les deux parties au contrat (article 1.020 du code civil costaricain : article 1.261 du code civil guatémaltèque : article 1.561 du code civil hondurien : articles 1.816 et 1.817 du code civil mexicain : article 2.460 du code civil nicaraguayen : article 1.121 du code civil panaméen : article 1.222 du code civil portoricain : article 927 du code civil saint-lucien : article 1.154 du code civil vénézuélien).

5. Marges quant à l'autonomie de la volonté dans la réglementation du dol

Les présents Principes prévoient que la partie qui subit la tromperie peut annuler le contrat par simple notification. Cette conséquence juridique s'avère pleinement compatible avec le régime juridique impératif qui est établi pour le dol, le fraud et la fraudulent misrepresentation dans les systèmes de la Caraïbe.

D'autre part, le caractère partiellement dispositif du régime du dol dans les Principes OHADAC contraste avec la tendance des textes internationaux d'harmonisation du droit des contrats (article 3.2.5 PU : article 4:107 PECL : article II-7:205 DCFR : article 49 CESL). Les Principes OHADAC ont opté pour un plus grand respect des traditions juridiques, en rendant possible également une certaine convergence entre le régime juridique du dol par le biais de l'emploi de l'autonomie matérielle. Dans la mesure où ils ne se trouvent pas en contradiction avec les normes impératives régulatrices du dol, les présents Principes permettent aux parties d'ajouter du contenu à la tromperie contractuelle, principalement pour ce qui concerne la dissimulation d'information susceptible d'être importante et contraire à la bonne foi et à la loyauté dans les relations commerciales. À cette fin, la clause suivante est proposée :

Clause d'extension du dol

« Les parties conviennent que parmi les situations de tromperie importante pouvant conduire à l'annulation du contrat, sont incluses non seulement les actions positives mais également les cas d'omission de communiquer, préalablement à la conclusion du contrat, l'information qui s'avère conforme aux exigences de la bonne foi et de la loyauté dans les relations commerciales. »

Commentaire

Article 3.4.7

Contrainte

1. Une partie peut annuler le contrat si elle a été contrainte par l'autre partie à sa conclusion par la menace injustifiée d'un dommage imminent et grave.

2. Une menace est injustifiée lorsque l'acte ou l'omission, dont une partie est menacée, est en soi illicite ou qu'est illicite le recours à une telle menace en vue d'obtenir la conclusion du contrat.

L'insertion dans les présents Principes d'une disposition relative à la contrainte comme vice du consentement est, tout comme le dol et la tromperie contractuelle, conditionnée par le caractère impératif que les systèmes nationaux dans la Caraïbe réservent habituellement à ce régime. Pour le cas où les parties auront choisi les présents Principes pour régir les clauses de leur contrat, les dispositions sur la contrainte ne pourront pas être modifiées par accord entre les parties. Tout comme c'est le cas des autres clauses contractuelles, les présents Principes n'ont pas d'incidence sur le régime impératif de la contrainte tel que prévu par la loi applicable au contrat. De ce fait, la contrainte telle qu'elle figure dans les présents Principes n'a pas l'intention d'établir un véritable régime juridique issu de l'analyse des lignes de convergence des systèmes de la Caraïbe. L'insertion de la présente disposition dans les présents Principes poursuit les mêmes finalités que celles décrites pour le régime du dol ou de la tromperie contractuelle dans le commentaire de l'article précédent.

En premier lieu, les systèmes caribéens s'accordent pour permettre l'annulation du contrat dès lors qu'il y a violence, force ou contrainte. Sous ces dénominations deux types de situation peuvent se présenter et au travers desquelles une pression est exercée sur le cocontractant. La première consiste à administrer une violence physique absolue, qui prive totalement la partie de sa liberté, comme c'est le cas quand quelqu'un met sa griffe en bas d'un contrat parce que l'autre lui tient la main ou le force à le faire. Comme cela a déjà été indiqué, le traitement de ces situations par les présents Principes relève de l'article 3.1.1, puisque dans de ces cas de consentement vicié plus que d'autres, il convient de parler de défaut absolu de consentement.

Hormis ce cas, la pression exercée sur le cocontractant relèvera normalement de la contrainte. La contrainte comporte un avertissement sur un dommage futur, qu'il soit physique, économique ou moral que le sujet, dans le cas où il ne conclurait par le contrat, devra supporter. Par ce biais, s'exerce une pression psychologique visant à obtenir la conclusion du contrat et sa conclusion apparait comme le moyen d'éviter ce dommage (article 72 du code civil cubain : article 1.513 du code civil colombien : articles 1.018 et 1.019 du code civil costaricain : article 1.112 des codes civils dominicain et français : article 1.265 du code civil guatémaltèque : articles 906 et 907 du code civil haïtien : article 1.558 du code civil hondurien : article 2.468 du code civil nicaraguayen : article 1.219 du code civil portoricain : articles 928 à 933 du code civil saint-lucien).

Les éléments communs figurant dans ces codes pour le régime de la contrainte sont les suivants : en premier lieu, la contrainte doit produire sur l'un des contractants une peur rationnelle et fondée sur un dommage imminent et grave. Ce dommage imminent et grave ne doit pas provenir de la survenance d'évènement, mais de l'acte du cocontractant qui le menace ou qui le contrôle lui-même. Cet acte menaçant doit soit être en soi illicite (provoquer la mort ou des blessures), soit être illicite de par le moyen permettant d'obtenir le consentement (dénoncer un délit). Bien que tous les systèmes ne contiennent pas une règle à ce sujet, il est évident que l'exercice normal d'un droit ne peut pas être considéré comme une contrainte (article 1.267 du code civil guatémaltèque).

En deuxième lieu, tous les codes exigent que la menace sur le cocontractant, ou sur toute personne avec laquelle il a un lien, soit imminente et grave. Toutefois, les codes ne posent pas tous le même critère. Les différents codes se réfèrent à la personne ou aux biens du cocontractant, à la personne ou aux biens de son conjoint, de ses descendants ou ascendants. D'autres mentionnent la partie au contrat, son conjoint ou tout ascendant ou descendant. De même, la personne ou l'honneur du cocontractant, ou celui de son conjoint ou de son concubin, de ses ascendants, descendants ou frères et sÅ“urs, étant entendu que le juge pourra l'étendre à toute autre personne (1.265 du code civil guatémaltèque : et de même, excluant les frères et sÅ“urs, article 2.464 du code civil nicaraguayen et article 1.152 du code civil vénézuélien). Le code civil cubain se détache par une formule plus générale qui inclut la menace sur la vie, l'honneur ou le patrimoine de la partie ou de tout tiers (article 72). Le code civil mexicain est plus précis car il considère que sont des menaces graves celles qui mettent en danger la vie, l'honneur, la liberté, la santé ou une part importante des biens du cocontractant, de son conjoint, de ses ascendants, de ses descendants ou de ses collatéraux jusqu'au deuxième degré (article 1.819).

En troisième lieu, la contrainte doit être en adéquation avec la capacité de la victime. Pour être qualifié de contrainte il faut tenir compte de l'âge et de la condition de la personne (article 73 du code civil cubain : article 1.118 du code civil panaméen) ainsi que de son sexe (article 1.513 du code civil colombien : article 1.018 du code civil costaricain : article 1.112 des codes civils dominicain et français : article 1.558 du code civil hondurien : article 2.458 du code civil nicaraguayen). Auxquels le droit guatémaltèque ajoute d'autres circonstances susceptibles d'avoir une incidence (article 1.266 du code civil guatémaltèque).

Enfin, la peur de décevoir les personnes auxquelles soumission et respect sont dus n'est pas un motif d'annulation du contrat (article 1.268 du code civil guatémaltèque : article 907 du code civil haïtien : article 1.558 du code civil hondurien : article 1.820 du code civil mexicain : article 2.465 du code civil nicaraguayen : article 1.153 du code civil vénézuélien). La même solution est retenue, bien que de manière plus restreinte, dans l'article 1.114 du code civil dominicain qui suit l'article 1.114 du code civil français. Nonobstant, même si les deux articles excluent l'annulation du contrat seulement si la menace provient du père, de la mère ou de tout autre ascendant, il convient tout de même de plaider pour une interprétation large de la disposition.

Les systèmes qui suivent le droit néerlandais contiennent des critères similaires en général. Conformément à l'article 3:44 du code civil néerlandais, la contrainte comprend la menace illicite exercée sur la personne du contractant ou sur un tiers, y compris sur leurs biens. À la différence des codes issus du droit espagnol, le droit néerlandais apprécie l'influence de façon objective de sorte que pour déterminer s'il est possible d'annuler le contrat, il faudra prendre en compte l'impact qu'aurait eu la contrainte sur une personne raisonnable.

Dans les systèmes de common law, il existe le concept de duress. Il consiste à exiger que la violence par menace ou contrainte exercée sur l'un des contractants provoque la crainte de subir un dommage sur sa propre personne ou sur celle de son conjoint, enfant ou autre parent et qu'elle ait permis d'obtenir la conclusion du contrat. Tout particulièrement, il faut que la contrainte ou la menace porte sur l'intégrité physique ou la liberté de la personne [Barton v Armstrong [(975), 2 All ER 465].

Bien qu'à l'origine, la duress ne pouvait pas être appliquée à une menace de type économique, qui porte uniquement sur les biens [Atlee v Backhouse (1838), 3 M & W 633, 650 : Skeate v Beale (1840), 11 Ad. & El. 983], plus récemment, un élargissement jurisprudentiel a reconnu aussi la duress of goods, qui permet d'annuler le contrat dès lors qu'il a été conclu sous menace d'un préjudice économique [B&S Contracts and Design Ltd v Victor Green Publications Ltd (1984), ICR 419 : Atlas Express Ltd v Kafko Ltd (1989], 1 All E.R. 641 : D&C Builders Ltd vV Rees (1965), 3 All ER 837 : Lloyds Bank Ltd v Bundy (1974), 3 All ER 757 : Ting v Borelli (2010), 79 WIR 204]. La prise en compte de l'aspect économique pour la duress suppose la nécessité de délimiter ce concept de celui de l'inequality of bargaining power et de la undue influence [arrêt de la High Court de Trinité-et-Tobago dans l'affaire Stechers Ltd v Cheesman (1977), nº 2614 de 1972 (Carilaw TT 1977 HC 66) : arrêt de la High Court de la Barbade dans l'affaire National Bank v Lehtinen (1992), nº 1410 de 1988 (Carilaw BB 1992 HC 38)], ce qui n'est pas toujours aisé vu les décisions qui ont appliquées aux trois principes à la fois [Lloyds Bank Ltd v Bundy (1974), 3 All ER 757].

D'autre part, pour que la duress soit retenue, il faut également que la contrainte soit illicite, c'est-à-dire qu'il doit s'agir de la menace portant sur un acte illicite, pénal ou civil. Par conséquent, en règle générale, la menace d'exercer un droit ne peut pas constituer une duress. Dans ce sens, est considérée comme étant une duress la menace d'une séquestration, mais pas celle d'un emprisonnement légal. Ainsi, un contrat conclu sous la menace d'une dénonciation pour crime qui avait, effectivement, été commis ne constitue pas une duress [Fisher & Co v Apollinaris Co (1875), 10 Ch. App. 297]. Et ce sera la même chose, si une personne est menacée d'être assignée pour un acte illicite de nature civile.

Les présents Principes n'ont pas pour objectif de construire un régime de la contrainte pour vice du consentement. De ce fait, ils se distinguent des textes ayant jusqu'à présent unifié le droit des contrats (article 3.2.6 PU : article 4:108 PECL : article II-7:206 DCFR : article 50 CESL).

Conformément aux systèmes susmentionnés, les situations contractuelles présentant un vice du consentement par contrainte, les présents Principes permettent à la victime d'annuler le contrat en agissant sur le terrain qui reste soumis à la volonté des parties. Les présents Principes permettent à la victime du vice de se désengager au moyen d'une notification en annulation de type extrajudiciaire.

Commentaire

Article 3.4.8

Abus de faiblesse ou de dépendance

1. Une partie peut annuler le contrat ou l'une de ses clauses si, lors de sa conclusion, l'autre partie a abusé de la situation de confiance ou de dépendance entre les parties, ou de l'ignorance, de la détresse économique, de l'urgence des besoins ou de l'inexpérience de l'autre partie.

2. L'annulation n'est possible que si l'auteur de l'abus connaissait ou aurait dû connaitre la situation, et s'il a profité de cette situation, provoquant un préjudice excessif pour l'autre partie.

1. La undue influence dans les systèmes de la Caraïbe et dans les textes d'unification du droit des contrats

Les présents Principes optent pour inclure dans les vices du consentement l'abus de faiblesse et de dépendance. La définition des contours de cette institution provient principalement de la doctrine de la undue influence connue dans les pays de common law. À travers cette institution se profile la juridiction de l'équité comme vices du consentement de la mistake, la misrepresentation et la duress. La présente disposition vise à éviter que l'un des contractants ne puisse profiter de la relation de confiance ou de l'état de dépendance ou de nécessité de l'autre partie, dont la volonté se trouve de ce fait affaiblie, pour conclure le contrat. Si tel est le cas, le contrat pourra être annulé.

La undue influence émane du droit nord-américain et de la section 177 du Restatement Second of Contracts. En marge des pays et des territoires de common law, elle a été naturalisée dans les systèmes issus du droit néerlandais (article 3:44.4 des codes civils néerlandais et surinamais), et elle est visée également comme vice du consentement par les textes internationaux d'unification du droit des contrats [article 3.2.7 PU : article 4:109 PECL : article II-7:201 DCFR : article 51 CESL]. De même, elle figure dans l'article 50 de l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013.

La doctrine de l'équité de la undue influence trouve son application dans les systèmes de common law dès lors qu'une partie détient sur l'autre une domination influente mais qu'en outre, elle en abuse ce qui conduit la partie soumise à subir un préjudice lié à la conclusion du contrat [National Commercial Bank (Jamaica) Ltd v Hew (2003), 63 WLR 183]. L'auteur de l'abus doit se trouver dans une situation objective de supériorité ou de prédominance économique, morale ou de toute autre type par rapport à l'autre partie [Avon Finance Co v Bridger (1985), 2 All ER 281]. Selon la classification plus moderne de la undue influence [Barclays Bank plc v O'Brien (1993), 3 WLR 786 : Murray v Deubery (1996), 52 WIR 147 (CA, ECS)], il convient de distinguer deux types de situation selon qu'il existait ou non une relation particulière entre les cocontractants avant la conclusion du contrat.

2. Les cas d'abus de faiblesse ou de dépendance

La jurisprudence de common law considère comme étant des cas de undue influence les comportements suivants : le consentement obtenu par la menace (seulement si elle est illicite, et si elle vise à obtenir un avantage injustifié) : déposer une plainte pour délit contre l'autre partie ou son conjoint ou l'un de ses proches [Willians v Bayley (1866), LR 1 H.L. 200] : détourner la volonté d'une personne peu intelligente, en lui faisant croire à des pouvoirs surnaturels [Nottidg v Prince (1860), 2 Giff. 246] : ou tirer profit du fait que l'autre partie est très préoccupée par l'état de santé d'un parent proche [Mutual Finance Ltd v Wetton & Sons Ltd (1937), 2 KB 389].

Pour obtenir l'annulation du contrat, dans ce cas, il faut que la victime prouve que sa volonté a été lésée sous l'influence injustifiée de l'auteur par un comportement déloyal ou inapproprié, et quelque manÅ“uvre qui normalement, mais pas toujours, a produit un avantage personnel au bénéfice de l'auteur. Concrètement, celui qui demande l'annulation doit démontrer que l'autre partie au contrat (ou toute personne ayant eu une influence sur sa conclusion) avait la capacité de l'influencer : que cette influence a été exercée : que l'exercice de cet influence a été injustifié : et que celle-ci a été déterminante dans la conclusion du contrat [Bank of Credit and Commerce International SA v Aboody (1990), 1 QB 923]. Les textes d'unification du droit du contrat n'ont pas repris l'institution de undue influence [article 3.2.7 (1) (a) PU : article 4:109 PECL : article II-7:207 DCFR : article 51 CESL].

Dans les systèmes de common law, la undue influence se présume, et de ce fait, il n'est pas nécessaire de la prouver, dès lors qu'entre les parties il existe une telle relation de confiance (père/enfant, tuteur/pupille, avocat/client, docteur/patient, religieux/paroissien) qu'il peut être présumé que l'une d'elle a abusé de cette relation pour amener l'autre à conclure le contrat [p. ex. arrêts de la Supreme Court de la Jamaïque dans l'affaire Brown v Dillon (1983), 20 JLR 37 : et Lalor v. Campbell (1987) 24 JLR 67]. Dans ces cas, l'annulation du contrat nécessite seulement de prouver l'existence de cette relation. La présomption, par contre, n'est pas reconnue entre mari et femme [arrêt de la High Court de la Barbade dans l'affaire National Bank v Lehtinen (1992), Carilaw BB 1992 HC 38] ou entre un banquier et son client [National Commercial Bank (Jamaica) Ltd v Hew (2003), 63 WIR 183]. Il n'existe pas non plus de numerus clausus des relations que la doctrine de la undue influence considère comme particulières ou spéciales, par conséquent, elle est d'application pour tous les cas où une influence a été exercée et dont il a été abusé [Smith v Kay (1859), 7 HLC 779].

Le caractère automatique de l'annulation du contrat en cas de undue influence empêche les parties de lui donner plein effet par notification de type extrajudiciaire. Les présents Principes expriment cette même règle et confèrent l'annulation du contrat s'il existe entre les parties une situation de faiblesse ou de dépendance. Ce point suit le chemin tracé par les textes d'unification du droit des contrats qui ont accueilli sans faille comme vice du consentement la préexistence entre les parties d'une situation de dépendance (PU), ou bien de confiance ou de dépendance (PECL : DCFR : CESL). Les situations retenues pour l'annulation du contrat sont identiques à celles mentionnées plus haut en matière de undue influence, mais à condition que d'une façon générale il existe une relation de confiance ou de dépendance entre les parties. Dans le droit nord-américain, l'annulation du contrat dans les cas undue influence où entre les parties il existe une relation de supériorité ou d'assujettissement figure dans la section 177 du Restatement Second of Contracts.

Mais l'existence d'une telle relation n'est pas suffisante pour annuler le contrat au regard des dispositions des présents Principes. Il faut, en outre, qu'il y ait un enrichissement excessif au profit de la partie qui a injustement lésé l'autre. Ce critère est généralement suivi, non sans hésitation, par les juridictions des pays et des territoires de common law de la Caraïbe, où il est habituel d'annuler le contrat si cela a produit un préjudice manifeste [arrêt de la Court of Appeal du Guyana dans l'affaire De Freitas v Alphonso Modern Record Store Ltd (1991), 45 WIR, 245]. La nécessité d'un avantage excessif ou d'un préjudice injustifié pour l'annulation du contrat est également présente dans tous les textes d'unification du droit des contrats [article 3.2.7 (1) PU : article 4:109 (1) (b) PECL : article II-7:207 (1) (b) DCFR : article 51 (b) CESL]. Cette condition est toutefois nuancée en droit nord-américain, dans lequel il est question du comportement de la personne sous influence ayant agi à l'encontre de son bien-être (section 177 du Restatement Second of Contracts).

Les présents Principes n'ignorent pas que nombre d'hypothèses de undue influence ouvrant droit à l'annulation du contrat entre des personnes pour lesquelles il a existé préalablement une relation de confiance ou de dépendance sont expressément exclues de toute annulation par de nombreux systèmes. En effet, comme nous l'avons mis en relief dans le commentaire de la disposition précédente, la crainte de déplaire à celui à qui obéissance ou respect est dû n'est pas une cause d'annulation du contrat (article 1.114 des codes civils dominicain et français : article 1.268 du code civil guatémaltèque : article 907 du code civil haïtien : article 1.558 du code civil hondurien : article 1.820 du code civil mexicain : article 2.465 du code civil nicaraguayen : article 931 du code civil saint-lucien : article 1.153 du code civil vénézuélien). Les limites à la solution proposée par les présents Principes, et qui prévoit l'annulation du contrat aussi dans ce type de situation, seront déterminées en considération des règles impératives applicables à la crainte.

Dans les systèmes de common law l'existence de undue influence est également présumée dès lors que, bien que les parties n'aient pas eu préalablement de relation, l'une profite de l'inexpérience, de l'ignorance ou de l'état de pauvreté de l'autre pour l'inciter à conclure une affaire attractive (catching bargain) ou inconsciente (unconscionable bargain). Dès lors qu'à ce type de situation s'ajoute également un avantage excessif ou un préjudice injustifié de la partie faible, le droit d'annuler le contrat est reconnu. Dans la jurisprudence des pays et des territoires de la Caraïbe, la inequality bargaining power a été suivie dans quelques décisions, le contrat ayant été annulé au motif de l'inégalité du pouvoir de négociation entre les parties malgré l'inexistence de undue influence ou de duress de type économique [Singh v Singh (1978), 25 WIR 410].

Ce type de situations mérite également un traitement particulier par le droit nord-américain en application de la doctrine de la unconscionability. Bien que son application ne conduise pas à l'annulation du contrat, le résultat peut s'avérer similaire si le défaut empêche l'obtention de l'exécution judiciaire des obligations nées du contrat (section 208 du Restatement Second of Contracts : section 2-302 UCC : Willians v Walker Thomas Forniture Co (1965), 350 F2d, 445, DC Cir). Son fondement repose sur l'inexistence d'un véritable consentement ou d'un consentement significatif et sur les termes du contrat qui favorisent énormément l'une des parties. Cela a donné lieu à la distinction jurisprudentielle entre la substantive unconscionability et la procedural unconscionability. La doctrine de la unconscionability est utilisée dans les cas d'inégalité contractuelle, typiquement pour empêcher l'exécution du contrat ou de clauses de contrats à la consommation, dans lesquels les parties ont un pouvoir de négociation très inégal (Muscioni v Clemons Boat (2005) Ohio 4349 : Pierce v Catalina Yachts Inc (2000) Alaska 2 P. 3d 618). De même, elle est applicable aux hypothèses où une grande disparité existe entre le prix du contrat et la valeur reçue en échange (Repair Master Construction Inc v Gary (2009), 277 SW 3d 854 Mo. Ct. App).

Hormis les territoires et les pays de common law, ou ceux issus du droit néerlandais, il n'est pas fréquent de trouver des dispositions permettant à une partie de se dégager du contrat car l'autre partie a profité de sa situation de pauvreté ou d'ignorance. À titre d'exception, il convient de signaler l'article 17 du code civil mexicain, une disposition dont peuvent bénéficier les pauvres et les ignorants qui auront été incités à conclure un contrat injuste, à condition que l'autre partie ait obtenu un avantage économique excessif lui ayant fourni un avantage évidemment disproportionné.

Les présents Principes retiennent également cette institution de l'undue influence en permettant l'annulation du contrat pour cause d'ignorance, d'inexpérience, d'incapacité à négocier ou aussi parce que la victime se trouve dans des difficultés économiques ou est soumise à un état de nécessité. La présente disposition adopte un certain parallélisme avec les dispositions des PU, des PECL, du DCFR et la CESL (cas de détresse économique ou de besoins urgents, manque de prévisibilité, ignorance, inexpérience ou manque de capacité à négocier).

3. Conditions pour invoquer l'abus de faiblesse ou de dépendance

Outre le préjudice injuste, pour appliquer le régime de l'undue influence il faut que la partie ait abusé de la situation de confiance ou de dépendance ou qu'elle ait profité de la situation de faiblesse de l'autre partie, dont elle avait conscience ou, sans en avoir connaissance, qu'elle aurait pu connaitre. La possibilité de connaitre la situation, justifiée pour les besoins des relations juridiques, devient un cas d'annulation du contrat pour abus de faiblesse ou de dépendance. Sur ce point, les présents Principes suivent la dynamique des textes internationaux d'unification du droit des contrats (PU : PECL : DCFR : CESL).

La réglementation posée par les présents Principes sur l'abus de faiblesse ou de dépendance n'atteint pas la possibilité de démontrer que l'abus n'a pas eu lieu. Cette estimation pourra présenter un intérêt en cas de demande judiciaire au titre de laquelle l'exécution du contrat est demandée par la partie qui estime qu'il n'y a pas eu d'abus. Dans une telle situation, il n'est pas possible de renier le caractère herméneutique que le régime juridique de la disparition de la présomption de undue influence dans les systèmes de common law pourrait acquérir.

Dès lors qu'une relation préalable entre les parties existait, la présomption ne pourra disparaitre que s'il n'y a pas eu de contrainte ou que si le consentement a été prêté librement, et que de ce fait le contrat est l'expression libre de la volonté indépendante des parties. Toutefois, pour écarter la présomption, il n'est pas nécessaire d'avoir pu disposer d'un conseil indépendant, s'il est démontré qu'il n'a pas été suivi. Il faut que la conclusion du contrat ait été le résultat de l'exercice d'une volonté indépendante, et que la partie ait pu avoir l'explication d'une personne indépendante et compétente [Inche Noriah v Shaik Bin Omar (1929), AC 127].

Dans les hypothèses de undue influence par inexpérience, inégalité du pouvoir de négociation, ignorance ou grande nécessité, l'opposition à l'annulation requiert que l'autre partie au contrat démontre que, malgré les apparences, en réalité le marché a été conclu de manière correcte, juste et raisonnable [Earl of Aylesford v Morris (1873), L.R. 8 Ch. App. 484]. Bien que des décisions se soient fondées sur cette doctrine [Fry v Lane (1888), 40 Ch. D. 312 : Evans v Llewellin (1787), 1 Cox 333, 340], elle a été remise en question dans d'autres jugements postérieurs [Pao On v Lau Yiu Long (1980) AC 614 : 1979 3 WLR 435 : National Westminster Bank Ltd v Morgan (1985), AC 686 : 1985 2 WLR 588].

L'abus de faiblesse ou de dépendance, tel qu'il est régi dans la majorité des textes d'unification du droit des contrats, propose également un régime pour l'adaptation du contrat, dans le cas où il est demandé, pour s'ajuster à des critères raisonnables de loyauté des relations commerciales [article 3.2.7 (2) et (3) PU], à ce qui aurait pu être convenu dans le respect du principe de la bonne foi contractuelle [article 4:109 (2) et (3) PECL], et aux exigences de bonne foi et de loyauté dans les relations commerciales [article II-7:207 (2) et (3)]. Le régime juridique posé par les Principes OHADAC pour ce vice du consentement n'entre pas dans une proposition de ce type. La présente disposition vise à ne pas influer sur la liberté des parties de décider de l'intérêt de conserver le contrat annulable. De par la nature même de ce vice du consentement, il n'est pas non plus opportun de proposer une clause visant expressément ce type d'adaptation du contrat pour, dans le cas où le contrat serait maintenu, le réajuster suite à l'abus de faiblesse ou de dépendance.

Commentaire

Article 3.4.9

Vices causés par un tiers

La partie qui a souffert de l'erreur, du dol, de la contrainte ou de l'abus de faiblesse ou de dépendance peut annuler le contrat si ces vices ont été causés par un tiers, pourvu que l'autre partie ait connu ou aurait dû connaitre l'implication de ce tiers.

Il est fréquent durant la phase de négociation ou de conclusion du contrat que des personnes différentes interviennent et sur lesquelles pèse la responsabilité du contrat défectueux. Par la présente disposition, les Principes OHADAC suivent la même position que celle qui figure dans les textes d'unification du droit des contrats, la majorité desquels à part la CESL contient des dispositions poursuivant la même finalité (article 3.2.8 PU : article 4:111 PECL : article II-7:208 DCFR). Nonobstant, la règle posée ici présente une importante simplification de ce régime.

Nombre de systèmes de la Caraïbe contiennent des dispositions qui accordent une importance au fait que les vices du consentement aient été provoqués par l'intermédiaire d'un tiers. Par exemple, dans les cas de dol, la règle existe dans certaines codifications (article 1.019 du code civil costaricain : article 1.262 du code civil guatémaltèque : article 1.816 du code civil mexicain : article 927 du code civil saint-lucien : article 1.154 du code civil vénézuélien). Et en cas de violence et de contrainte, il convient également de détecter si des dispositions permettent d'annuler le contrat dans le cas où celles-ci sont dues au comportement d'un tiers (article 1.111 des codes civils dominicain et français : article 1.559 du code civil hondurien : article 1.818 du code civil mexicain : article 2.459 du code civil nicaraguayen : article 1.119 du code civil panaméen et article 1.220 du code civil portoricain : article 928 du code civil saint-lucien : article 1.150 du code civil vénézuélien : article 49 de l'avant-projet de réforme du droit français des obligations de 2013). Dans les systèmes de common law, la misrepresentation intègre également des dispositions spécifiques, dans le même but dans le cas où la representation a été réalisée par des tiers (section 164 du Restatement Second of Contracts). Il en est de même pour la undue influence (section 177.3 du Restatement Second of Contracts).

La présente disposition confère à la partie qui est victime du vice du consentement le droit d'annuler le contrat dès lors que le vice est dû à l'intervention d'un tiers. Toutefois, dans le cas où l'intervention du tiers peut ne pas être manifeste, et afin de préserver la sécurité des relations commerciales, les Principes OHADAC limitent le droit d'annuler le contrat dans le seul cas où l'autre partie avait connaissance ou aurait dû connaitre l'existence d'un vice du consentement. Avec cette règle, le critère généralement appliqué au dol dans nombre de systèmes juridiques de la Caraïbe et suivis par les systèmes issus du droit néerlandais (article 3:44.5 des codes civils néerlandais et surinamais) trouve une application générale. Quant à l'importance que la misrepresentation confère également à la connaissance qu'a la partie au contrat des démarches effectuées par le tiers (section 164 du Restatement Second of Contracts), la règle posée par les présents Principes conserve toute sa pertinence également avec ce système.

Les présents Principes se détachent sur plusieurs aspects du régime prévu par les textes internationaux d'unification du droit des contrats. D'une part, les présents Principes renoncent à fixer une règle, comme celle figurant dans les textes d'unification du droit des contrats, conférant un traitement distinct aux cas où la partie doit répondre des agissements du tiers, ou si le tiers a participé à la négociation et à la conclusion du contrat avec l'accord de la partie. De sorte que la disposition proposée non seulement prend davantage en compte le traitement fait par les systèmes nationaux, dans lesquels ce type de dispositions est moins connu, mais qu'en outre elle en simplifie la gestion. Nonobstant, si le tiers a participé à la négociation ou à la conclusion du contrat avec l'accord de la partie, ou s'il s'agit d'un tiers dont les actes doivent être assumés par cette partie, il sera plus fréquent que celui-ci ait eu connaissance ou aurait dû connaitre l'existence d'un vice provoqué.

Les présents Principes, en outre, généralisent la disposition en rendant possible l'annulation du contrat qui aura été vicié par l'intervention du tiers, non seulement au moyen du dol, comme c'est le cas de la majorité des systèmes, mais également au moyen de l'erreur, de la contrainte et de l'abus de faiblesse ou de dépendance. Ils suivent, en ce sens, la solution retenue par les systèmes issus du droit néerlandais.

Enfin, dans le cas où le vice n'a pas été connu ou ne devait pas avoir été connu par l'autre partie, aucune option complémentaire n'est prévue pour annuler le contrat dans le cas où au moment de l'annulation du contrat cette même partie n'aurait toujours pas agi raisonnablement conformément à ce que prévoit le contrat.

Commentaire

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Principes OHADAC relatifs aux contrats du commerce international.pdf